Auxerre-Ajax 93: l'élève et le maître

L'année 1993 fut celle de tous les succès pour les clubs français engagés en Coupe d'Europe, une réussite que l'on peut a posteriori considérer comme un chant du cygne avant l'arrêt Bosman et l'inéluctable dégringolade (faut-il rappeler que les trois représentants hexagonaux se sont tous inclinés en Champions League lors de la dernière journée?). Vainqueur du Milan AC en finale de C1 à Munich, l'OM apporte au football national son premier titre continental, quelques semaines après que le PSG de Valdo, Ginola et Weah a fait chavirer le Parc des Princes au bout d'un match dingue contre le Real Madrid.

Les épopées des deux grands rivaux occultent en partie le superbe parcours d'une troisième équipe, l'AJ Auxerre, qui comme le Paris Saint Germain atteint le dernier carré de la très relevée Coupe de l'UEFA: un véritable tour de force pour un club aux ressources plus que modestes et qui représente une ville de quarante mille habitants dont la plupart des Français ne sait pas prononcer correctement le nom. Les trois autres équipes qualifiées pour les demi-finales sont le PSG, le Borussia Dortmund et la Juventus, clubs auprès desquels l'AJA fait figure de Petit Poucet de la compétition.

Après avoir sorti le Lokomotiv Plovdiv, le FC Copenhague et le Standard de Liège, Auxerre affronte donc l'Ajax Amsterdam en quart de finale. Le club néerlandais, extraordinaire école du jeu et grand producteur de talents, représente une sorte de modèle pour Guy Roux, qui s'appuie évidemment avant tout sur les joueurs issus d'un centre de formation par lequel sont passés Cantona ou Ferreri. Dans le onze auxerrois qui affronte l'Ajax figurent bon nombre de joueurs maison comme les ailiers Cocard et Vahirua, le gardien Bruno Martini, l'avant-centre Gérald Baticle, les défenseurs William Prunier et Alain Goma ou les milieux Dutuel et Guerreiro.

Corentin Martins, arrivé de Brest en décembre 1991, et Frank Verlaat, chipé au FC Lausanne l'été précédent, complètent avantageusement le onze bourguignon, qui s'attaque à un sacré morceau. L'Ajax de Van Gaal n'est autre que le tenant du titre et aligne une équipe de toute beauté dans laquelle évoluent Frank de Boer, Danny Blind, Wim Jonk, Edgar Davids, Marc Overmars et surtout le superbe Dennis Bergkamp, nouveau joyau du club. Le jeune Jari Litmanen, vingt-deux ans, prend place sur le banc de touche au coup d'envoi.

Les choses se présentent très mal pour les locaux, qui encaissent un but de Petersson dès la troisième minute sur un corner frappé par Wim Jonk. On se dit alors que l'Ajax va dérouler, mais Verlaat marque face à ses compatriotes un quart d'heure plus tard, avant que Martins ne donne l'avantage aux siens avant le repos sur un magnifique coup franc à l'entrée de la surface. L'Ajax réagit immédiatement et parvient à égaliser deux minutes plus tard par Vink, suite à un travail d'orfèvre de Bergkamp dans la surface.

Nullement assommés, les Bourguignons réussissent à se détacher dans la dernier quart d'heure, grâce à un corner direct de Vahirua sur lequel Menzo est loin d'être irréprochable puis une frappe croisée de l'excellent Daniel Dutuel, servi dans la course par Laslandes. Malgré les deux buts néerlandais qui peuvent peser lourd au final, l'AJA signe un authentique exploit face à une formation invaincue depuis deux ans sur la scène européenne et transforme le stade de l'Abbé-Deschamps en véritable petit chaudron. 

Les joueurs de Guy Roux se montrent héroïques lors du match retour à Amsterdam, à l'image d'un Frank Verlaat au four et au moulin, et arrachent la qualification malgré une défaite sur le score de un à zéro. Au tour suivant, ils se coltinent le Borussia Dortmund de Reuter, Zorc et Chapuisat et s'inclinent deux buts à rien au Westfalenstadion à l'aller. On ne donne alors pas cher de leur peau, mais dans la continuité de leur performance contre l'Ajax, les Auxerrois parviennent à remonter leur handicap grâce une nouvelle fois à des buts signés Verlaat et Martins, héros de l'aventure bourguignonne.

Inconsolables, ils quittent la compétition suite à la série de tirs aux buts, l'infortuné Stéphane Mahé voyant sa tentative repoussée par Stefan Klos. Il n'est pas certain que l'AJA aurait pesé lourd face à l'implacable Juventus de Roberto Baggio, tombeuse du PSG et qui ne laissa aucune chance au Borussia en finale (6-1 sur l'ensemble des deux matches), mais les Bourguigons, quarts de finaliste de la Coupe des Coupes en 1995 et de la Champions League en 1997, ne sont jamais passés aussi près d'une finale continentale.

3 mars 1993, Stade Abbé-Deschamps, Auxerre: AJ Auxerre 4-Ajax Amsterdam 2

Buts: Verlaat (17), Martins (43), Vahirua (82), Dutuel (90), Petterson (3), Vink (45)

AJ Auxerre: Charbonnier - Goma - Prunier (Bonalair 62)- Verlaat - Mazzolini - Guerrero - Dutuel - Martins - Cocard - Vahirua - Baticle (Laslandes 81)

Ajax Amsterdam: Menzo - Silooy - Blind - F. de Boer - Vink - Jonk (Kreek 56) - Alflen - Davids - Overmars (Litmanen 86)- Bergkamp - Pettersson