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mardi 17 juin 2014

Faux champions et anti-héros

Si les véritables champions se définissent autant par leur comportement en-dehors de l'arène que par leurs performances sur le terrain, alors Cristiano Ronaldo n'est pas un champion. A l'heure d'assumer ses responsabilités de capitaine et le poids de la défaite, le Ballon d'Or a préféré esquiver la conférence de presse d'après-match: trop honteux, trop humilié, trop frustré de ne pas être, une fois de plus, la grande star du jour. Quand il a fallu affronter les questions des journalistes, Casillas, lui, ne s'est pas défilé, alors qu'il avait en prime commis une énorme erreur individuelle. Le rôle d'un capitaine ne consiste pas seulement à soulever des trophées et gueuler sur l'arbitre, mais aussi à monter en première ligne dans les mauvais moments.

Lors de la finale de Champions League, le gominé de ces dames n'avait pas hésité à exhiber ses abdominaux après un penalty aussi anecdotique que discutable et au terme d'une prestation personnelle bien terne: une certaine idée de la classe. Quand il s'agit de faire le barbot devant les caméras, de montrer ses cuisses ou gonfler ses pectoraux, on peut toujours compter sur Ronaldo. Mais lorsque les projecteurs ne sont pas braqués sur lui et que l'on ose, crime de lèse-majesté, lui voler la vedette, alors monsieur boude comme un enfant gâté et n'en fait qu'à sa tête. Après l'expulsion de Pepe, les blessures d'Almeida et Coentrao et bien sûr la raclée infligée par l'Allemagne, le Portugal n'avait pas besoin de ça. Par son mutisme, Ronaldo a ajouté l'inélégance à la défaite.


Thomas Müller, auteur d'un triplé et homme du match, est une sorte d'anti-Ronaldo: un type au physique atypique, presque étrange, monté sur de longues cannes maigrichonnes, avec un visage de commis charcutier, du genre à donner un coup de main à la patronne quand il y a du monde à la caisse. Peut-être la réussite de joueur du Bayern tient-elle en partie à son allure dégingandée et ses airs de monsieur tout le monde: on ne s'en méfie jamais assez, et le gazier ne manque pas d'en profiter. 

A seulement vingt-quatre ans, le bonhomme a déjà inscrit huit buts en sept matches de Coupe du Monde, ce qui n'empêche guère certains de dire que l'Allemagne joue sans buteur digne de ce nom. Müller fait déjà partie des plus grands attaquants de l'histoire de la Mannschaft, et ce Mondial pourrait bien être le sien.


Même si le pétage de plombs de Pepe (le dernier d'une longue série pour ce psychopathe des pelouses) a transformé le match en séance d'entraînement pour l'Allemagne, il ne faut pas perdre de vue le fait que la Mannschaft menait 2-0 à onze contre onze. Cette solide entrée en matière à permis de dissiper pas mal de doutes qui planaient autour de la sélection allemande, notamment après la blessure de Marco Reus. Offensivement, le malade se porte bien, merci de prendre des nouvelles: quatre pions, un Götze empoisonnant à souhait, un Özil cent fois plus l'aise et libéré que sous le maillot des Gunners, et un petit galop d'essai pour Podolski et Schürrle, histoire de lâcher les chevaux (décidément, les métaphores équestres se multiplient, sans doute à cause de la lecture assidue de Bourrin Magazine).

Au milieu de terrain, en l'absence de Schweinsteiger, Kroos fut d'une justesse et d'une précision extraordinaires dans la distribution, orchestrant toujours la manœuvre dans un fauteuil grâce au travail de Khedira et Lahm. Transversales parfaites, orientations pertinentes, passe mortelle au cœur de la défense sur le troisième but: Kroos joue comme Pirlo, mais avec dix ans de moins, et on comprend que beaucoup de grosses cylindrées européennes s'intéressent de près à son cas. On s'inquiétait pour la défense, lourde et lente sur le papier, et elle a plutôt bien tenu le coup, même si la sortie de Matts Hummels sur blessure constitue une vraie mauvaise nouvelle pour Löw.


Le malheureux Paulo Bento ne peut tirer aucun élément positif de ce désastre collectif: son gardien Rui Patricio fut aussi inefficace dans ses sorties que sur sa ligne, sa défense centrale s'est faite manger dans le jeu aérien, son milieu a été complètement surclassé par le trident adverse, ses attaquants furent prévisibles au possible et Ronaldo n'a eu qu'une paire de ballons à se mettre sous la dent. On a pu constater quel vide intersidéral entourait le Madrilène au sein de sa sélection, avec un Almeida à la limite de l'incompétence, un Nani qui continuerait à faire des arabesques à 8-0, un Moutinho fantomatique et un Raul Meireles dans le rôle du faux hipster à deux balles qui ne touche pas une canette, à part peut-être à la buvette.

Ce Portugal aussi faiblard que détestable pourrait bien ne pas passer le premier tour, ce qui ne nuirait aucunement à l'intérêt et la beauté du tournoi. D'aucuns, qui à l'instar de Jean-Michel Larqué ne manquent jamais une occasion de la ramener surtout quand on ne leur demande pas leur avis, regretteront peut-être que le Ballon d'Or évolue dans une équipe aussi moche, mais vu l'attitude du type et la sympathie qu'il inspire, on ne peut que se réjouir que Ronaldo ne soit sans doute jamais champion du monde. On ose à peine imaginer sa tronche si Messi brandit la coupe le 13 juillet.








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