1966 fut une grande année pour le football: Romario de Souza Feria est né. Avant-centre à la classe exceptionnelle et au physique peu commun (1m70 sur les pointes), Romario a ridiculisé a peu près toutes les défenses du monde dans la dernière décennie du vingtième siècle qu'il marqua de son empreinte et été adoubé par Johan Cruyff himself comme "le génie de la surface de réparation". Joueur fantasque et caractériel à l'égoïsme parfois insupportable, il a sans doute autant brisé la patience de ses entraîneurs et sélectionneurs successifs que les reins des stoppeurs adverses. Il faut croire que 1966 avait décidé d'accoucher de talents ingérables.
Romario correspond à l'archétype du gamin issu des favelas qui apprend le foot en jouant avec une boule de chiffons avant de connaître la gloire et l'argent facile. Né à Jacarezinho, un quartier pauvre de la banlieue de Rio, il est repéré par Vasco de Gama sous les couleurs de son club local d'Olaria, malgré sa silhouette frêle et sa petite taille. Il passe trois saisons dans le club carioca, remportant par deux fois le championnat de Rio, glanant au passage sa première sélection en 1987. Auréolé d'une couronne de meilleur buteur des Jeux Olympiques de Séoul (7 réalisations), Romario rejoint le club néerlandais du PSV Eindhoven en 1988.
Le talent du nabot génial éclate alors aux yeux de l'Europe. En un peu plus d'une centaine de matches disputés sous le maillot du PSV, Romario claque 88 pions, dont 15 en 19 rencontres européennes. Devenu un des joueurs majeurs de la Seleçao, il plante le but vainqueur en finale de la Copa America 1989 face à l'Uruguay mais, diminué par une blessure, n'apparaît qu'une heure face à l'Ecosse à l'occasion du Mundiale italien. La compétition est d'ailleurs un désastre pour le Brésil, sorti en huitièmes à Turin par sa grande rivale l'Argentine. Peu importe, Romario aura sa revanche.
Mais il était dit que 1994 serait l'année Romario. Au sommet de son art, le numéro 11 emmène une des sélections brésiliennes les plus laides de l'histoire (Marcio Santos, Mazinho, Zinho et compagnie) au titre suprême en plantant cinq pions en sept matches, dont un petit-chef d'oeuvre de demie-volée en quarts face aux Pays-Bas et un but capital ... de la tête contre ... la Suède en demies. Sans lui et Bebeto, le Brésil n'aurait ressemblé à rien. A l'époque le Ballon d'Or ne pouvait être décerné qu'à un joueur européen, et ce fut son partenaire de club Hristo Stoïchkov qui l'obtint cette année-là. Nul doute qu'aujourd'hui Romario écraserait littéralement le vote.
La suite est nettement moins glorieuse. Romario, à qui manquent les plages et les nuits chaudes de Rio, quitte Barcelone pour Flamengo. Il n'aura passé qu'une saison en Catalogne. La star multiplie les allers-retours et change de club comme de maillot de bain: Flamengo, Valence, Flamengo, Vasco, Fluminense, Al Saad Doha, Fluminense, Vasco, Miami, Adelaide, Vasco. Pas retenu pour la Coupe du Monde en France, Romario fait orner le papier toilettes de son bar branché de Barra des portraits de Zagallo et Zico. Aujourd'hui Romario défraie la chronique judiciaire. Ruiné et condamné à trois ans et demi de prison pour fraude fiscale, il a passé une journée en garde à vue en juillet dernier pour avoir refusé de payer la pension alimentaire de son ex-femme.
Romario fait partie de la grande famille footballistique des allumés du casque, dont il faudrait un jour songer à établir le onze type, aux côtés des Cantona, Best et autres Gascoigne. Le garçon avait une certaine tendance à gifler ses partenaires (Edmundo, qui ne l'avait sûrement pas volé,ou Andrei à Fluminense) et même les supporters qui se permettaient de critiquer son rendement. Mais Romario, c'est 71 buts en 85 sélections, un titre de meilleur joueur FIFA 1994, trois titres de meilleur buteur du championnat du Brésil et deux de la C1, un adresse diabolique dans la surface, une vitesse hallucinante, une décontraction absolue face aux cages, le plus grand joueur du pointu de l'histoire et une confiance absolue dans ses moyens. Il y a du Garrincha dans l'histoire de cet homme au talent inouï qui glisse chaque jour un peu plus vers la ruine et la déchéance.


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