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vendredi 20 mai 2011

Youri Djorkaeff, monsieur plus

Joueur à part pour bien des raisons et à tous les sens du terme, Youri Djorkaeff, talent hors normes qui faisait voler en éclat les certitudes de tableau noir les plus figées, occupe une place toute particulière dans le panthéon des grands joueurs français. Pendant des années, il fut une énigme insoluble pour les entraîneurs adverses et les journalistes de tous poils, suscitant notamment des questions récurrentes sur sa véritable position (pur attaquant? attaquant de soutien? milieu offensif?) et sa complémentarité avec Zidane en sélection. Sa carrière atypique de globe-trotter et la réputation d'indvidualiste qui lui colle à la peau ont contribué à forger une image publique quelque peu mystérieuse et indéchiffrable.


Même s'il fut assurément le meilleur attaquant de l'ère Jacquet, il ne bénéficia jamais d'une immense popularité, précisément parce qu'il ne cherchait pas particulièrement à plaire au plus grand nombre. Souvent taxé d'arrogance, ce qui semble être dans ce pays le lot des joueurs de classe doté d'un quotient intellectuel supérieur à leur température corporelle, Djorkaeff possédait  l'inébranlable confiance en ses possibilités qui est souvent la marque des footballeurs d'exception. Electron libre sur et en dehors du terrain, il concevait la pratique du sport de haut niveau comme un vecteur de plaisir et d'épanouissement personnel tout en faisant toujours preuve d'un féroce esprit de compétition.

Surnommé le Snake pour son sang-froid devant les cages, Djorkaeff était irrémédiablement attiré vers le but et constituait un danger mortel dans la zone de vérité. En aucun cas un buteur de surface, il aimait rôder dans les trente mètres pour placer sa magnifique frappe de balle ou combiner avec les attaquants aux abords de la surface. Il pouvait marquer de toutes les façons possibles et imaginables: d'un ballon piqué au-dessus du gardien, sur coup franc, sur un ballon qui traînait aux six mètres, d'une mine des trente mètres sous la barre, d'un astucieux pointu au point de penalty, d'un lob chirurgical ou d'une volée surpuissante.

Son incroyable reprise acrobatique avec l'Inter reste dans toutes les mémoires. Djorkaeff représente le protoype du joueur décisif et totalement imprévisible, du facteur X capable de faire basculer une rencontre sur un coup d'éclat, à l'image de son magnifique but au Riazor contre La Corogne avec le PSG quelques minutes après son entrée en jeu, qui fit lâcher à Charles Biétry un mémorable "oh purée!" au micro de Canal Plus. Toujours présent lors des rendez-vous majeurs, notamment avec l'équipe de France, il ne s'avérait jamais aussi redoutable que lorsqu'il respirait le parfum des grands matches, au cours desquels il n'avait pas besoin de dix occasions pour la mettre au fond.

Formé à Grenoble puis passé par Strasbourg en deuxième division, Djorkaeff se révèle sur le tard sous le maillot de l'AS Monaco, club qu'il rejoint en 1991 à l'âge de vingt-deux ans et avec lequel il gagne la Coupe de France dès sa première saison contre Marseille. En Principauté, sous la houlette d'Arsène Wenger, sa progression parmi l'élite est régulière: cinq buts, puis neuf, puis onze et enfin vingt lors de la saison 1993-94, total qui lui vaut de partager le titre de meilleur buteur du championnat avec Roger Boli et Nicolas Ouédec et de connaître sa première sélection en bleu.

Devenu un des attaquants français les plus convoités, il signe alors au Paris Saint Germain, qui doit reconstruire son secteur offensif après les départs de Ginola et Weah. Djorkaeff ne passe qu'une saison dans la capitale, laissant échapper un titre de champion qu'il ne remportera jamais nulle part mais contribuant grandement au premier titre européen du club en Coupe des Vainqueurs de Coupe. Après une cinquantaine de matches et une vingtaine de buts sous le maillot parisien, Djorkaeff  cède aux avances de l'Inter Milan, une décision alors jugée carriériste et opportuniste par beaucoup. C'est le début d'une seconde carrière qui l'emmènera aux quatre coins de l'Europe.

A l'Inter, où il côtoie Zamorano, Ronaldo, Kanu ou Recoba lors de ses trois années au club, Djorkaeff plante en moyenne un but tous les trois matches en Serie A, réussissant notamment une superbe première saison (14 buts), mais ne remporte pas le Scudetto. Battu en finale de la Coupe UEFA par Schalke 04 en 1997, l'Inter prend sa revanche l'année suivante contre la Lazio au Parc des Princes, l'ancien jardin de Djorkaeff, qui remporte son deuxième trophée européen. A 31 ans et un avec un titre de champion du monde en poche, il prend tout son monde à contre-pied en signant à Kaisersalutern, séduit par le discours d'Otto Rehhagel et mu par la volonté de découvrir d'autres horizons.

Après une première année très satisfaisante (onze buts en Bundesliga, qualification européenne), il connaît une deuxième saison plus difficile et se brouille avec l'entraîneur grec. Désireux de trouver du temps de jeu en vue du Mondial 2002, Djorkaeff surprend à nouveau en signant à Bolton, où il gagne comme partout le respect de ses coéquipiers et des supporters, se voyant même confier le brassard de capitaine à de nombreuses reprises. A trente-six berges, il claque encore neuf pions en Premier League avant de dire adieu à l'Europe et de rejoindre les MetroStars de New York en 2005. Djorkaeff a évolué dans quatre championnats européens majeurs pour le bilan chiffré suivant: 72 buts en 190 matches de Division 1, 30 buts en 87 matches de Serie A, 14 buts en 55 matches de Bundesliga et 20 buts en 75 matches de Premier League. 
Sélectionné pour la première fois par Jacquet en 1994, il marque dès ses débuts en bleu face à l'Italie à Naples et devient rapidement le buteur providentiel de l'équipe de France, voire, à l'occasion, le sauveur de la nation. Son coup franc importantissime contre la Pologne au Parc à l'été 1995 sauve la tête du sélectionneur, et c'est encore lui qui double le score quelques semaines plus tard contre la Roumanie à Bucarest lors d'une victoire fondatrice pour toute une génération. Sans Djorkaeff, la France ne se serait sans doute pas qualifiée pour l'Euro anglais et n'aurait pas pu poser les fondations de ses conquêtes ultérieures. Le joueur majeur de l'avant 98, c'est bien lui, et non Zidane.

Lors du Mondial en France, il accepte de se placer au service du collectif dans un rôle de neuf et demi chargé d'assurer le lien technique entre Zidane et l'attaquant de pointe et de faire parler son talent dans la zone de vérité. S'il ne plante que sur penalty, il offre un caviar à Thuram en demie-finale et frappe le corner sur le deuxième but en finale. Intelligent, juste et altruiste, Djorkaeff rentre dans le rang pour entrer dans l'histoire, avant de sortir à nouveau de sa boîte lors de l'Euro 2000 pour planter deux buts marqués du sceau de la classe contre les Tchèques et les Espagnols. Auteur de 28 buts en 82 sélections, Djorkaeff est le septième buteur de l'histoire de l'équipe de France, et il n'est pas superflu de rappeler le rôle majeur qu'il joua dans la période la plus dorée de la sélection.




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