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mardi 28 septembre 2010

Aulas, une certaine idée de la classe

Jean-Michel Aulas était sans doute déjà la personnalité la plus cordialement haïe de toute la bonne ville (on ne dit jamais la mauvaise ville, sauf pour Nice) de St Etienne, et on doute que les déclarations dont il s'est fendu après la défaite de ses troupes lors du derby fassent remonter en flèche sa cote de popularité au pays des terrils.


Le président lyonnais, venu s'adresser en personne aux quelques centaines de supporters restés dans le stade après le coup de sifflet final pour réclamer des résultats et le départ de Claude Puel, n'a rien trouvé de mieux à faire que d'exprimer toute sa condescendance envers son vainqueur du jour, condamné selon ses termes à jouer la Ligue des Champions sur Playstation, contrairement à l'OL, devenu un habitué de la plus prestigieuse compétition européenne. Rien ne vaut une petite pique facile adressée au rival régional pour se mettre le public dans la poche et faire oublier les difficultés du club.

Sur le plateau du Canal Football Club, l'hirsute Marco Simone n'a pas manqué de critiquer l'attitude de JMA. La semaine précédente, après une très inquiétante prestation chez un Bordeaux pourtant guère flamboyant, Aulas avait déjà demandé à Hervé Mathoux, qui ne faisait que son boulot en mettant le doigt là où ça fait mal, si cela lui faisait plaisir de voir l'OL friser avec la zone de relégation au classement. Une bonne recette également que celle de la théorie conspirationniste qui voudrait que le football français ourdisse sans cesse en sous-main des complots fumeux contre un club dont la réussite ne manque pas de susciter les jalousies. Le vieux coup de la posture (de l'imposture?) paranoïaque: tout le monde en veut à Lyon et ne rêve qu'à sa déchéance, des arbitres à la Ligue en passant par L'Equipe, Pelé, Kim Jong-Il et la môme du huitième. L'OL, poursuivi par une meute de loups, aurait longtemps gagné seul contre tous, ce qui donnerait désormais à son président le droit de mépriser publiquement ses vainqueurs d'un soir.

Il n'a pourtant pas tout à fait tort, JMA: il y a des gens, dont votre serviteur fait partie, que les défaites et déboires récents de l'OL réjouissent au plus haut point, précisément parce que l'arrogance et la mauvaise foi de son omniprésident se font chaque jour plus insupportables. Aulas est capable de donner des leçons de fair-play aux supporters girondins sifflant Gourcuff et d'incendier dans le couloir des vestiaires un arbitre qui aurait pris une décision défavorable à son équipe. De se gargariser du nombre d'internationaux que compte son effectif tout en pleurant dans le poste chaque fois que l'un deux se blesse en sélection (qu'il continue à recruter des peintres, et le problème ne devrait plus se poser longtemps).

Il passe son temps à pester contre le calendrier du championnat, qui déservirait les équipes engagées en Ligue des Champions, en défendant ses intérêts privés au nom d'une pseudo-vitrine du football français. Et surtout, il est toujours à la pointe de l'ultra-libéralisme sportif, en bon ancien président du G14, et très admiratif des grosses machines de guerre européennes en termes de marketing et de merchandising. Impossible avec Aulas, invité régulier de l'inoubliable émission "Ambitions" présentée par Tapie dans les années 80 et dirigeant élu personnalité du sport business de la décennie en 2008, d'oublier que l'OL est à ses yeux autant une entreprise qu'un club.

A force de causer stratégie, business plans et cotation en bourse, M. Aulas semble avoir perdu de vue la réalité du terrain. Peu lui importe que son équipe soit aussi froide, calculatrice et dénuée d'âme que le vocabulaire managérial dont il use et abuse à longueur d'interviews, qu'elle ait un fond de jeu proche du néant et aligne des performances aussi blafardes que la mine de son entraîneur en conférence de presse. Il ne s'agit pas de faire rêver le prolo. L'essentiel est ailleurs: assurer tous les ans une qualification en Ligue des Champions, vitale à la santé financière du club, négocier les droits télé, s'assurer de la pérennité de la fameuse "marque OL" (le Saint-Marcellin OL, un must gastronomique), vendre des maillots floqués Gourcuff aux marmots à 75 euros pièce, faire rentrer assez de pépettes pour piquer les meilleurs éléments à ce qui reste de concurrence nationale et attirer les sponsors. Une mentalité de gestionnaire. De gagne-petit.

Aucun président en France n'est aussi indissociable de l'image de son club que Jean-Michel Aulas, à l'exception de Gervais Martel peut-être. Davantage encore que la présence continue de son équipe au sommet de la Ligue 1, ce sont ses gesticulations, ses récriminations, sa certitude d'avoir toujours raison sur tout contre tout le monde, son goût pour les petites phrases et la guéguerre médiatique qui ont créé chez nombre de footophiles un sentiment d'usure, pour ne pas dire de ras-le-bol. Plutôt que de monter constamment au créneau, il ferait peut-être du bien à son club en choisissant parfois de se mettre en retrait. Parce qu'à force de laisser entendre que la France du football souhaite plus ou moins secrètement le déclin de l'OL, il va finir par avoir raison.


 


 







   

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