Jean
-Michel
Aulas était sans doute déjà la personnalité la plus cordialement haïe
de toute la bonne ville (on ne dit jamais la mauvaise ville, sauf pour
Nice) de St Etienne, et on doute que les déclarations dont il s'est
fendu après la défaite de ses troupes lors du derby fassent remonter en
flèche sa cote de popularité au pays des terrils.

Le
président lyonnais, venu s'adresser en personne aux quelques centaines
de supporters restés dans le stade après le coup de sifflet final pour
réclamer des résultats et le départ de Claude Puel, n'a rien trouvé de
mieux à faire que d'exprimer toute sa condescendance envers son
vainqueur du jour, condamné selon ses termes à jouer la Ligue des
Champions sur Playstation, contrairement à l'OL, devenu un habitué de la
plus prestigieuse compétition européenne. Rien ne vaut une petite pique
facile adressée au rival régional pour se mettre le public dans la
poche et faire oublier les difficultés du club.
Sur
le plateau du Canal Football Club, l'hirsute Marco Simone n'a pas
manqué de critiquer l'attitude de JMA. La semaine précédente, après une
très inquiétante prestation chez un Bordeaux pourtant guère flamboyant,
Aulas avait déjà demandé à Hervé Mathoux, qui ne faisait que son boulot
en mettant le doigt là où ça fait mal, si cela lui faisait plaisir de
voir l'OL friser avec la zone de relégation au classement. Une bonne
recette également que celle de la théorie conspirationniste qui voudrait
que le football français ourdisse sans cesse en sous-main des complots
fumeux contre un club dont la réussite ne manque pas de susciter les
jalousies. Le vieux coup de la posture (de l'imposture?) paranoïaque:
tout le monde en veut à Lyon et ne rêve qu'à sa déchéance, des arbitres à
la Ligue en passant par L'Equipe, Pelé, Kim Jong-Il et la môme du
huitième. L'OL, poursuivi par une meute de loups, aurait longtemps gagné
seul contre tous, ce qui donnerait désormais à son président le droit
de mépriser publiquement ses vainqueurs d'un soir.
Il
n'a pourtant pas tout à fait tort, JMA: il y a des gens, dont votre
serviteur fait partie, que les défaites et déboires récents de l'OL
réjouissent au plus haut point, précisément parce que l'arrogance et la
mauvaise foi de son omniprésident se font chaque jour plus
insupportables. Aulas est capable de donner des leçons de fair-play aux
supporters girondins sifflant Gourcuff et d'incendier dans le couloir
des vestiaires un arbitre qui aurait pris une décision défavorable à son
équipe. De se gargariser du nombre d'internationaux
que compte son effectif tout en pleurant dans le poste chaque fois que
l'un deux se blesse en sélection (qu'il continue à recruter des
peintres, et le problème ne devrait plus se poser longtemps).
Il passe son temps à pester contre le calendrier du championnat, qui déservirait
les équipes engagées en Ligue des Champions, en défendant ses intérêts
privés au nom d'une pseudo-vitrine du football français. Et surtout, il
est toujours à la pointe de l'ultra-libéralisme sportif, en bon ancien
président du G14, et très admiratif des grosses machines de guerre
européennes en termes de marketing et de merchandising. Impossible avec
Aulas, invité régulier de l'inoubliable émission "Ambitions" présentée
par Tapie dans les années 80 et dirigeant élu personnalité du sport
business de la décennie en 2008, d'oublier que l'OL est à ses yeux
autant une entreprise qu'un club.
A
force de causer stratégie, business plans et cotation en bourse, M.
Aulas semble avoir perdu de vue la réalité du terrain. Peu lui importe
que son équipe soit aussi froide, calculatrice et dénuée d'âme que le
vocabulaire managérial dont il use et abuse à longueur d'interviews,
qu'elle ait un fond de jeu proche du néant et aligne des performances
aussi blafardes que la mine de son entraîneur en conférence de presse.
Il ne s'agit pas de faire rêver le prolo. L'essentiel est ailleurs:
assurer tous les ans une qualification en Ligue des Champions, vitale à
la santé financière du club, négocier les droits télé, s'assurer de la
pérennité de la fameuse "marque OL" (le Saint-Marcellin OL, un
must
gastronomique), vendre des maillots floqués Gourcuff aux marmots à 75
euros pièce, faire rentrer assez de pépettes pour piquer les meilleurs
éléments à ce qui reste de concurrence nationale et attirer les
sponsors. Une mentalité de gestionnaire. De gagne-petit.
Aucun
président en France n'est aussi indissociable de l'image de son club
que Jean-Michel Aulas, à l'exception de Gervais Martel peut-être.
Davantage encore que la présence continue de son équipe au sommet de la
Ligue 1, ce sont ses gesticulations, ses récriminations, sa certitude
d'avoir toujours raison sur tout contre tout le monde, son goût pour les
petites phrases et la guéguerre médiatique qui ont créé chez nombre de
footophiles un sentiment d'usure, pour ne pas dire de ras-le-bol. Plutôt
que de monter constamment au créneau, il ferait peut-être du bien à son
club en choisissant parfois de se mettre en retrait. Parce qu'à force
de laisser entendre que la France du football souhaite plus ou moins
secrètement le déclin de l'OL, il va finir par avoir raison.
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