Carlos
Valderrama est avant tout connu pour l'improbable crinière qu'il a
promenée des années durant sur tous les terrains du monde et qui lui
vaut de figurer en bonne place au palmarès des phénomènes capillaires
footballistiques, aux côtés de Chris Waddle, Jacek Ziober (qui se
souvient de Jacek Ziober, coéquipier du Colombien à Montpellier?),
Alexis Lalas ou Taribo West. Mais outre le fait que le moustachu
colombien était un excellent technicien, il restera dans l'histoire du
jeu comme un des joueurs les moins mobiles de tous les temps.
Il
ne fallait pas lui causer pressing et football moderne, à l'ami Carlos.
Son truc, c'était de rester tout le match dans le rond central (aux
quarante mètres avec vent dans le dos) et de servir de plaque tournante à
l'équipe en usant d'un minimum de touches de balle et avec la
simplicité propre aux grands. A l'instar d'un Riquelme, Valderrama
aurait pu jouer en fumant des clopes et pensait sans doute que la course
était un outil dispensable dont se servent les sous-doués et les
médiocres pour compenser leurs lacunes techniques.
Il
était la preuve vivante qu'on peut très bien jouer superbement au
football (et des deux pieds) sans fournir le moindre effort, quand
tellement d'autres ont vainement accumulé les efforts pour ressembler à
des joueurs corrects. Que les entraîneurs qui s'échignent à privilégier
les marathoniens et les montagnes de muscles et les statisticiens du
kilomètre d'une certaine chaîne cryptée se procurent quelques VHS du
Colombien: sans doute moins de bornes parcourues en toute une carrière
que Miralem Pjanic en une saison, mais 111 sélections (record national)
pour un pays où les mauvaises performances sont punies non d'une
mauvaise note dans la presse mais d'une balle dans la tête, deux titres
de footballeur sud-américain de l'année en 1987 et 1993 et une statue à
sa gloire coiffée
d'une imposante perruque dans sa ville natale de Santa Marta. Le tout
en gardant les chaussettes sur les chevilles et en trouvant toujours une
excuse pour rater le footing à l'entraînement (un rendez-vous chez le
coiffeur par exemple). Le prototype du joueur sud-américain comme on les
aime.
Le
joueur, dont la toison fait le régal de la presse et des photographes
de l'Hexagone, se voit remettre les clés d'une équipe dans laquelle
évoluent entre 1988 et 1991 (les trois saisons que Valderrema passera au
club) des joueurs tels que Laurent Blanc, Eric Cantona, Roger Milla ou
Julio Cesar. Mais le Colombien déçoit souvent, à l'image d'un club à
l'effectif brillant qui se traîne en fond de classement, et ne laisse
pas un souvenir impérissable en France. Il tentera vainement sa chance
en Espagne avec Valladolid avant de rentrer au pays (Independiente
Medellin, Junior) et de terminer sa carrière en 2004 aux Etats-Unis.
En huitièmes de finale du Mondiale italien, Milla pique la chique dans les pieds d'un Higuita parti à l'aventure et élimine les Cafeteros. Quatre ans plus tard aux Etats-Unis, la Colombie, emmenée par une bande de fous furieux en attaque (Rincon, Asprilla, Valencia), cale en poules après un parcours brillantissime en qualifications et un mémorable 5-0 passé à l'Argentine à Buenos Aires qui lui avait collé une trop lourde pancarte de favori dans le dos. Deux défaites face à la Roumanie et les Etats-Unis, et par ici la sortie. En France, Valderrama et cie ne font guère mieux: à nouveau battus par les Roumains, les Colombiens s'inclinent également face à l'Angleterre et terminent troisièmes de leur poule.
La
Colombie ne s'est plus qualifiée pour une Coupe du Monde depuis 1998 et
peine à sortir des joueurs de calibre international. Valderrama, qui
fêtera ses cinquante piges l'an prochain, n'a pas d'équivalent dans le
paysage footballistique actuel, où même les artistes doivent transpirer
et faire leur part de boulot ingrat sous peine de tâter du banc de
touche. Même Xavi, au four et au moulin à longueur de saisons, est
aujourd'hui gagné par la lassitude et menacé d'épuisement. Si
Valderrama ne défendait pas (ce qu'on ne lui demandait sans doute pas),
il n'était pas individualiste pour autant, et certainement pas obsédé
par le but. Son jeu était tourné vers les autres, basé sur une certaine
science du tempo et de la juste orientation, le goût de l'offrande et un
savant mélange entre amour de la chique et souci du geste utile. S'il a
suivi le dernier Mondial, gageons que la victoire de la Roja n' a pas
du totalement lui déplaire.


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