
"Don't
mention the war" (ne parlez pas de la guerre): c'est la consigne à
respecter en cas de match entre les deux mastodontes du football
européen que sont l'Angleterre et l'Allemagne. Depuis leur première
opposition en match amical à Berlin en 1930, les deux sélections se sont
rencontrées à 28 reprises, dont sept fois dans des tournois
internationaux (cinq fois en Coupe du Monde, deux fois en Championnat
d'Europe), pour un bilan plutôt équilibré: 12 victoires pour
l'Angleterre, 11 pour l'Allemagne, 5 matches nuls. Mais certaines
victoires valent plus cher que d'autres, et dans les rencontres à enjeu
et à élimination directe, c'est souvent la Mannschaft qui s'est imposée,
au point de devenir la bête noire de l'équipe aux trois lions. Retour
sur une savoureuse rivalité en cinq dates clé.
30 juillet 1966: Angleterre 4 - RFA 2 (Londres, Wembley, finale de la Coupe du Monde)

A
la 90ème minute de la finale de la huitième Coupe du Monde, qui est
également le 200ème match de l'histoire du tournoi mondial, l'Angleterre
pense tenir son premier sacre face à l'Allemagne d'Overath, Seeler et
du jeune Beckenbauer (21 ans) qui évolue alors au mileu de terrain,
quand Weber surgit au deuxième poteau à la suite d'un cafouillage dans
la surface por expédier tout ce beau monde en prolongations. La suite
est rentré dans les livres.
A la 101ème, sur un centre d'Alan Ball de la
droite, Geoff Hurst contrôle, se retourne et frappe aux six mètres. Le
ballon heurte la barre de Tilkowski et rebondit sur la ligne. Malgré les
protestations allemandes, l'arbitre Gottfried Dienst valide le but, qui
fait basculer le match du côté anglais. Abattus, les Allemands ne se
remettent pas de ce coup du sort et encaissent un quatrième but pas si
anecdotique, puisqu'il permet à Hurst d'être encore à ce jour le seul
auteur d'un triplé en finale de Coupe du Monde. Il n'y a encore pas si
longtemps, la barre transversale de la discorde était exposée à Wembley,
symbole d'un sort qui, en ce jour de juillet 1966, avait choisi son
camp.
14 juin 1970: RFA 3 - Angleterre 2 (Leon, Mexique, quart de finale de Coupe du Monde)

Quatre
ans après l'incroyable dénouement de la finale de Wembley, les deux
meilleurs ennemis se retrouvent sur la pelouse de l'Estadio Nou Camp de
Leon en quarts de finale du Mondial mexicain. Hurst, Moore, Peters,
Ball, Overath, Seeler et Beckenbauer sont encore là, mais entre temps,
trois joueurs majeurs ont émergé dans les rangs de la Mannschaft: Sepp
Maier, Berti Vogts et Gerd Muller. Trop confiant, Alf Ramsey choisit de
laisser Bobby Charlton sur le banc pour, dit-il, le préserver pour la
suite de la compétition.
Le déroulement du match semble lui donner
raison, puisque l'Angleterre mène 2-0 après plus d'une heure de jeu et
des buts signés Mullery et Peters. Mais les Teutons s'accrochent et
reviennent au score comme ils savent si bien le faire (on reconnaît un
Allemand au fait qu'il sache revenir au score), Beckenbauer réduisant
d'abord la marque à la 68ème. Sentant le vent tourner, Ramsey fait
entrer Charlton à la 70ème, ce qui n'empêche nullement Uwe Seeler, qui
joue sa quatrième Coupe du Monde (21 matches, 9 buts), d'égaliser six
minutes plus tard. En prolongations, l'inévitable Gerd Muller profite
d'une erreur de Bonetti pour envoyer la Mannschaft en demie-finale, où
elle disputera ce qui reste peut-être comme le plus beau match de toute
l'histoire du jeu face à l'Italie.
4 juillet 1990: Allemagne 1 - Angleterre 1 a.p., 5 tirs au but à 4 (Turin, demie-finale de Coupe du Monde)

Le
Mondiale italien, plutôt terne et fermé dans l'ensemble, accouche d'une
demie-finale d'anthologie entre les deux poids lourds et d'un sommet
d'intensité, d'engagement et de suspense. Depuis sa finale perdue face à
l'Argentine de Maradona en 1986, la Mannschaft s'est considérablement
renouvelée puisque seuls quatre joueurs alignés sur la pelouse du Stadio
Delle Alpi était présents à Mexico: Berthold, Matthaus, promu
taulier, Völler et Brehme. Côté anglais les talents ne manquent pas
(Waddle, Lineker, Platt) et l'équipe, qui peut compter sur ses grognards
Pearce et Butcher, est armée dans toutes les lignes. Paul Gascoigne n'a
que 23 ans et réalise un tournoi de toute beauté.
A la 60ème, le score
est encore vierge quand Pearce décide de descendre Hässler aux abords de
la surface. Sur le coup franc qui s'ensuit, la frappe de Brehme est
déviée par Paul Parker et lobe Shilton. Le malheureux latéral est
cependant à l'origine de l'égalisation anglaise, son centre mal dégagé
par l'axe allemand profitant à Lineker à dix minutes du terme. La marque
n'évoluera plus au cours d'une prologation haletante et irrespirable
pour les fans. Les Allemands font un sans-faute lors de la séance de
tirs aux buts, tandis que Pearce voit sa frappe repoussée par Illgner.
C'est finalement Waddle qui met un terme au rêve anglais en envoyant un
missile dans le ciel turinois. L'Allemagne se qualifie pour sa troisième
finale mondiale consécutive.
26 juin 1996: Allemagne 1 - Angleterre 1, 6 tirs aux buts à 5 (Wembley, Londres, demie-finale de l'Euro)

En
1996, l'Angleterre accueille l'Euro et organise la première compétition
internationale sur son sol depuis le sacre de 1966. Tout le pays croit à
un bis repetita, mais sur la route de la finale et du titre se dresse
une nouvelle fois l'ennemi héréditaire allemand, qui compte bien laver
l'affront subi aux Etats-Unis deux ans auparavant. Malheureusement pour
les Anglais, le scénario cauchemardesque de Turin se répète, même si,
cette fois, ce sont eux qui tirent les premiers et trouvent la faille
par Shearer dès la troisième minute sur un corner frappé par Gazza,
avant qu'un centre d'Helmer pour l'improbable Stefan Kuntz, en transit
entre Besiktas et l'Arminia Bielefeld, ne remette les Allemands à
niveau. En prolongations, Anderton et Gascoigne manquent tour à tour ce
qu'il est convenu d'appeler l'immanquable et qui ne l'est jamais.
A
nouveau, le billet pour la finale se joue depuis les onze mètres. Gareth
Southgate, le défenseur central, est le premier des douze tireurs à
échouer et doit porter sur ses épaules la déception de toute une nation.
Dommage pour l'Angleterre (et les Tchèques en finale), car cette
Allemagne farcie de joueurs quelconques (Strunz, Freund, Eilts,
Helmer) a toujours donné l'impression d'être prenable. Il en va souvent
ainsi avec la Mannschaft.
27 juin 2010: Allemagne 4 - Angleterre 1 (Johannesburg, huitièmes de finale de Coupe du Monde)

Au-delà
du but valable refusé à Lampard et les comparaisons qui n'ont pas
manqué de pleuvoir avec celui accordé à Hurst en 1966, les
Anglais reçoivent surtout une mémorable une leçon de jeu donnée par une
bande de jeunes loups (Müller, Ozil, Khedira, Schweinsteiger) qui n' a
fait que mettre en lumière les incroyables carences de l'équipe dirigée
par Capello. Rarement, et peut-être même jamais, la différence
collective et technique entre les deux équipes n'avait été aussi énorme,
si ce n'est lors de la leçon infligée à la Mannschaft à Munich en 2001
par Owen et compagnie (1-5).
Menée 2-0 après une demie-heure marquée par
des errements défensifs à peine croyables à ce niveau (et concédant sa
première ouverture du score en Coupe du Monde depuis 1998), l'Angleterre
n'est jamais en situation de gagner le match et permet aux
individualités adverses de soigner leurs stats: Müller claque un doublé,
Klose son douzième but mondial (rejoignant Pelé, en toute simplicité)
et Podolski son quarantième but en sélection. Ne vous battez pas, il y
en a pour tout le monde. Cette Allemagne-là baigne dans la confiance et
s'en va corriger l'Albiceleste en quarts, avant de céder, comme tout le
monde, face à la Roja, sur un coup de boule de Puyol.

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