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samedi 16 octobre 2010

World Cup 94: les sept vies de Roberto Baggio

Lorsque Roberto Baggio pose le pied sur le sol américain en juin 1994, il n'est plus le petit prodige florentin qui s'était révélé aux yeux du monde quatre ans auparavant lors du Mondial italien et était devenu la coqueluche de ces dames et des tifosi de la Nazionale. A 27 ans, le numéro 10 de la Juve est tout bonnement considéré comme  le meilleur joueur de la planète, comme en atteste son Ballon d'Or récolté en 1993.


En quatre saisons sous le maillot de la Vieille Dame, le Divin Codino a empilé une centaine de pions, dépoussiéré une paire de lucarnes sur coup franc et écoeuré bon nombre de gardes du corps sur les pelouses européennes (ainsi, accessoirement, que les supporters parisiens en demies-finale de feu la Coupe UEFA 1993). A l'heure d'attaquer la compétition, Arrigo Sacchi compte sur l'imperméabilité de sa défense milanaise et les coups de génie de son attaquant vedette pour ramener le trophée à la maison et effacer la douleur de la demie-finale perdue aux tirs aux buts face à l'Argentine à Naples en 1990.

Comme à son habitude, la Squadra Azzura se prend les pieds dans le tapis pour son premier match et s'incline face à l'Irlande sur un but de Ray Houghton dans un Giants Stadium surchauffé de communautarisme. Baggio traverse le match comme un fantôme. Face à la Norvège, le gardien Pagliuca est expulsé dès la vingtième minute, et c'est Roby que le sélectionneur choisit de faire sortir pour faire rentrer Marchegiani, à l'incompréhension totale de la star. Le début d'une grande histoire d'amour entre les deux hommes.

L'Italie à un pied et demi dans l'avion, mais fidèle à son identité et sa légende, trouve les ressources pour s'imposer lors de cette rencontre cruciale sur un but tardif de ... Baggio (Dino, déménageur vénitien) et grâce à une équipe de Norvège sans imagination qui a voulu apprendre aux vieux Transalpins à faire la grimace. Un nul en serrant les miches contre le Mexique plus tard (but du regretté Massaro), et voilà la Squadra qualifiée presque miraculeusement pour le deuxième tour.

A partir des huitièmes, Baggio, totalement à côté de ses pompes depuis le début du tournoi, décide de prendre les choses en main et enfile le costume de sauveur d'une équipe qui prend un malin plaisir tour après tour à renverser les matches et revenir d'entre les morts, au point de se mettre à croire en un destin tracé d'avance. C'est d'abord le Nigeria d'Okocha, Finidi et Oliseh qui croit avoir la peau des Italiens, une nouvelle fois réduits à dix après l'expulsion de Zola (Gianfranco, lutin napolitain), avant que Jésus Baggio n'égalise d'un amour de frappe à ras de terre à la 88ème puis terrasse les insolents sur penalty en prolongations.

En quarts, l'infortuné Julio Salinas rate la balle de la gagne pour l'Espagne à cinq minutes du terme alors que le score est de 1-1, et dès lors, la punition est inéluctable: contre-attaque mortelle, petit ballon de Signori pour devinez qui qui élimine le très éliminable Zubizarreta et marque à la 87ème. Contre la Bulgarie de Stoïchkov, Baggio signe un chef d'oeuvre de match et qualifie les siens en trois minutes sur deux actions de grande classe en première mi-temps.

Beaucoup se disent alors que le titre ne peut plus échapper à une Squadra à la fois protégée par une baraka à la limite du surnaturel et emmenée par un Ballon d'Or qui marche sur l'eau et ne fait que monter en puissance depuis le début du tournoi. D'autant plus que l'adversaire brésilien en finale a été loin de se montrer toujours inspiré et a développé un jeu contre-nature et sécuritaire qui lui confère un profil de victime idéale.

Quand débute la séance des tirs au but au terme d'un match fermé et triste à mourir, les Italiens pensent peut-être tenir le bon bout et arriver au dénouement heureux d'un scénario improbable qui n'a fait que leur sourire. Au bout d'un parcours chaotique qui a fait de cette équipe un groupe de survivants indestructibles, une victoire de la Squadra au bout de l'ennui et d'une rencontre qu'elle n'a pas eu à se forcer pour cadenasser ressemble fort au parfait dernier chapitre d'une histoire sans morale. La première équipe titrée suite à une finale sans buts ne peut logiquement être que l'Italie.

On connaît la suite. Après les tentatives ratées de Baresi et Massaro, Baggio expédie le cuir au-dessus de la transversale de Taffarel et offre une quatrième étoile au Brésil. Au bout du compte, le destin se sera bien amusé avec le Juventino, tour à tour talent aux abonnés absents, buteur providentiel (fait exceptionnel, il signe ses cinq réalisations entre les huitièmes et la demie) et héros malheureux. Même si le football regorge de coups de poignards et de récits cruels, il est rare qu'un joueur connaisse une trajectoire aussi sinusoïdale au cours d'un seul et même tournoi. Marqué par cet échec et harcelé par les blessures, il traversera par la suite trois saisons marquées par la conquête de ses premiers Scudetti mais difficiles sur le plan personnel, avant de renaître contre toute attente sous le maillot de Bologne (22 buts en championnat en 1997-98) et de gagner son billet pour la France. Entre lui et David Bowie, difficile de dire lequel a connu plus de vies.





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