
Défenseur
de rêve, Maldini avait tout pour lui: beauté, élégance, solidité,
intelligence, polyvalence, sérénité. D'un calme olympien, il donnait
toujours une aberrante impression de facilité, même s'il ne rechignait
jamais à mettre les mains dans le cambouis et à aller au contact: le
genre de champion au charisme naturel dont la simple présence rassure et
insuffle à l'équipe la certitude de la victoire. Lorsqu'on s'essaie à
composer un onze des meilleurs joueurs de tous les temps, il est
impossible d'ignorer Maldini, surdoué béni des dieux, inlassable
gladiateur à la toison flottante, héros mythologico-footballistique
échappé d'un récit épique.

Toujours
snobé par le jury du Ballon d'Or (qui n'a en revanche pas hésité à
attribuer le trophée à Sammer et Cannavaro, une vaste blague, voire une
escroquerie caractérisée), il aurait mérité de se le voir décerner au
moins une fois, ne serait-ce que pour l'ensemble de son oeuvre. Le fait
qu'un George Weah figure à un palmarès dont Maldini est absent relève de
l'hérésie pure et simple. Pas moins de cinq de ses partenaires au Milan
(Gullit, Van Basten, Weah, Chevchenko, Kaka) ont obtenu la récompense
individuelle suprême, toujours refusée à Maldini, troisième en 1994 et
2003. Quand les incompétents notoires du jury décident
exceptionnellement de ne pas distinguer un joueur offensif, ils honorent
un défenseur qui ne le mérite pas et laissent de côté les cadors de
l'arrière-garde: une politique cohérente.
Le
Ballon d'Or, le défenseur milanais n'en fut certainement jamais aussi
proche que lorsqu'il ouvrit le score en finale de Champions League après
cinquante secondes de jeu contre Liverpool à Istanbul, devenait à la
fois le buteur le plus rapide et le plus âgé (37 ans) en finale
européenne. A la pause, le Milan menait trois buts à zéro, et Maldini se
dirigeait tranquillement vers son cinquième succès personnel en C1,
après avoir si idéalement ouvert la voie à son équipe. On connaît la
suite de l'histoire. Compétiteur féroce, Maldini ne digère pas cette
impensable défaite, dont il reconnaît volontiers qu'elle demeure la plus
cuisante de toute son incroyable carrière. D'un autre côté, quand on a
déjà quatre coupes aux grandes oreilles dans la vitrine, on se console
tout de même plus facilement.
Le
grand regret de cette légende du jeu, qui présente un bilan
extraordinaire en club, reste évidemment de ne jamais avoir gagné le
moindre trophée avec la Squadra Azzurra. Le coup passa bien près à deux
reprises: en 1994, lorsque l'Italie poussa le Brésil aux tirs aux buts
en finale de Mondial américain, et en 2000, quand Henry fit signe au
banc italien de se rasseoir après l'égalisation de Wiltord dans les
arrêts de jeu à Rotterdam. Plus capé que Dino Zoff himself, il a
disputé quarante matches en sept tournois internationaux, alors qu'un
joueur comme Ancelotti ne compte que 26 sélections au total. En 1990, il
disputa sa première grande compétition mondiale à la maison, faisant
déjà partie des cadres de la sélection qui vit s'écrouler ses rêves de
gloire sur la pelouse de San Paolo, par une sorte d'ironie patronymique.
Il
mit un terme à sa carrière internationale après l'amère et injuste
élimination de la Nazionale par la Corée du Sud en 2002. Quatre ans plus
tard, l'Italie enlevait son premier sacre mondial depuis 1982, avec une
charnière centrale composée de Cannavaro et Materazzi, deux tâcherons
sans foi ni loi qui ne possédaient pas le dixième de son talent et de sa
classe. Mais quand on s'appelle Paolo Maldini et qu'on a atteint de
tels sommets de réussite et d'excellence, on n'a guère le droit d'en
vouloir au destin.

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