post-labels {display: none}

vendredi 9 mars 2012

Alan Shearer, la machine à marquer

shearer.jpegD'un point de vue esthétique, Alan Shearer était un joueur relativement laid à voir évoluer: plutôt du genre rugueux à l'ancienne et accrocheur façon fighting spirit, il savait jouer des coudes et des épaules, pour ne pas dire d'autre chose, allumait des gros pétrons de soudard et posait des coups de boule à faire pâlir Depardieu. Il n'avait ni l'élégance d'un Bergkamp, ni la classe naturelle d'un Henry, ni la filouterie d'un Van Nistelrooy, et il ne fallait pas attendre de lui qu'il enroule son adversaire d'un contrôle orienté dos au but ou qu'il trouve un partenaire d'une subtile passe de l'extérieur entre deux défenseurs. Shearer ne savait faire qu'une chose sur un terrain: marquer des buts.


Il plantait aussi bien des pions moches que des frappes aberrantes, des têtes rageuses, des tacles au troisième poteau, des volées de malade, des tirs croisés à ras de terre, des plats du pied aux six mètres. L'efficacité de ce buteur d'exception donnait des sueurs froides à toutes les défenses du royaume et ses statistiques attestent de son rendement hors normes au plus haut niveau: 248 buts en 413 matches de Premier League, sept saisons à vingt pions ou plus, huit places parmi les dix meilleurs buteurs sur une saison, trois Souliers d'Or, 30 buts en 61 sélections. S'il ne possédait pas dix mille cordes à son arc, ses points forts (puissance et précision de frappe, jeu aérien, précision, placement, force physique) en faisaient un attaquant de classe mondiale.

     Formé à Southampton, c'est avec les Blackburn Rovers que Shearer se révèle aux yeux du public britannique et européen, empilant 31 buts pour sa première année au club et donnant ainsi raison au milliardaire Jack Walker d'avoir mis le paquet sur la table (je vous en prie) pour le faire venir et l'arracher à Manchester United. La saison suivante, le phénomène continue sur sa lancée aux côtés de l'excellent Chris Sutton et plante 34 pions pour terminer meilleur buteur de Premier League et offrir à Blackburn le seul et unique titre de son histoire. Il marque dans 25 matches différents et s'offre la bagatelle de cinq doublés et trois triplés. Naturellement, Shearer est élu joueur de l'année par ses pairs (PFA player of the year) et fait l'admiration de tous.

Il réussit l'exploit de dépasser à nouveau et pour la troisième fois consécutive la barre des trente buts en 1995-96 pour conserver son Soulier d'Or alors que son club entame sa dégringolade et finit l'exercice à une très décevante treizième place. Le bilan comptable de Shearer avec Blackburn laisse pantois: 96 buts en 117 matches de championnat, soit un ratio but/match de 0,82. A l'été 1996, il est l'homme que les grands clubs anglais s'arrachent, et c'est finalement Newcastle qui emporte le morceau pour la somme record de quinze millions de livres.

Le choix de Shearer, qui tourne une nouvelle fois le dos à Manchester United, s'explique assez aisément: le joueur est natif de Newcastle, et les Magpies sont alors entraînés par Kevin Keegan, son idole absolue. Pour le peuple blanc et noir, c'est le retour du fils prodigue, du working class hero qui défendait indûment les couleurs d'un autre club: les choses paraissent logiques et naturelles, dans une sorte de retour à la normale. En changeant de maillot, Shearer n'a rien perdu de son efficacité et trouve le chemin des filets à 25 reprises, remportant son troisième titre consécutif de meilleur buteur et se voyant à nouveau sacré meilleur joueur de Premier League.

shearer2.jpegMais Keegan fait ses valises en 1997, remplacé par Dalglish, à qui succèdent Gullit, puis Robson, sans que les résultats du club ne décollent, malgré une quatrième place en 2002 et une demi-finale d'UEFA perdue contre Marseille en 2004. Shearer ne gagne rien avec son club de coeur, mais devient une véritable légende locale en totalisant 206 buts en 404 apparitions entre 1996 et 2006. Malheureusement, c'est sur une blessure aux ligaments du genou gauche qu'il doit raccrocher une fois pour toutes les crampons, à 36 ans. Il lui aura manqué un trophée (il perd la finale de Cup en 1998 contre Arsenal) et davantage d'exposition sur la scène européenne pour parachever un parcours exemplaire d'engagement et de fidélité.

Sous le maillot aux trois lions, Shearer répondit toujours présent lors des grands rendez-vous. Privé de World Cup en 1994, il signe en 1996 un Euro remarquable, contribuant au très joli parcours de l'Angleterre sur ses terres et finissant meilleur buteur du tournoi. En 1998, il plante un coup de tête contre la Tunisie en poule et transforme un penalty en huitièmes face à l'Argentine. Deux ans plus tard, à l'occasion de l'Euro co-organisé par la Belgique et les Pays-Bas, c'est encore lui qui donne la victoire aux siens face à l'ennemi héréditaire allemand, victoire qui n'empêchera pas une piteuse élimination au premier tour. Shearer doit alors faire face à l'éclosion d'Owen, labellisé petite merveille du football anglais, et composer avec l'arrivée en sélection d'Emile Heskey, qui ne possède pas le quart du huitième de son sens du but mais dont Eriksson apprécie la puissance et le jeu en pivot.

Après l'Euro 2000, à trente ans pile, Shearer décide d'annoncer sa retraite internationale, et malgré des rumeurs en 2002 puis 2004, il ne reviendra pas en arrière. Il a marqué 9 buts en 13 rencontres lors des tournois internationaux auxquels il a participé et occupe la cinquième place au classement des meilleurs réalisateurs de la sélection anglaise derrière Charlton, Lineker, Greaves et Owen, et à égalité avec Finney et Lofthouse. Parmi ces joueurs de légende, seuls Lotfthouse et Greaves, footballeurs d'une autre époque, comptent moins de sélections que lui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire