
Aujourd'hui,
il est de bon ton de considérer qu'un joueur n'a plus rien à faire sur
un terrain au-delà de trente ans, même si les Malbranque (33 ans), Totti
(36 ans), Scholes (38 ans) et autres Pirlo (33 ans) prouvent semaine
après semaine que la technique, le flair et l'intelligence de jeu
peuvent avantageusement remplacer les guibolles, tandis que beaucoup
(trop) de sprinteurs des pelouses démontrent que ce ne sont pas les
cannes qui font le beau joueur. Dans cette sélection, LPC rend hommage à
dix monstres de longévité qui ont frisé ou dépassé les quarante berges
avec les crampons aux pieds et ont jusqu'au bout fait preuve d'une envie
et d'une soif de vaincre de jeunot, le plus souvent alliée à un
professionnalisme et une mentalité exemplaires. Deux précisions utiles
avant de vous laisser en compagnie des dix lauréats du prix de
l'inoxydabilité: nous avons d'emblée choisi d'écarter les gardiens de
but (notamment Zoff, Jennings, Shilton ou encore Ettori) car sans
vouloir minimiser leurs mérites, les spécificités du poste font que
nombre de portiers continuent de défendre leur cage à trente-cinq ans ou
plus. Ne figurent pas non plus dans la liste Paolo Maldini, Cafu et
Javier Zanetti, trois joueurs légendaires à qui nous avons consacré un
papier par ailleurs (à tout seigneur tout honneur) mais qui auraient
évidemment toute leur place ici.
Alessandro Costacurta (Italie, défenseur central, né en 1966, 1986-2007)

Quand
on officie au sein de la défense au Milan AC, la tradition veut que
l'on dure: Paolo Maldini a pris sa retraite à quarante-et-un ans, Franco
Baresi a raccroché les crampons à trente-sept balais, Cafu a joué
jusqu'à ses trente-huit ans, et aujourd'hui, Daniele Bonera et Mario
Yepes sont encore régulièrement alignés par Allegri à trente-six berges.
Alessandro Costacurta, pur produit du club (il l'a rejoint dès l'âge de
treize ans) et pilier de la défense des rossoneri pendant deux
décennies, ne fait pas exception à la règle. Sélectionné à 59 reprises
avec la Squadra Azzurra entre 1991 et 1998, celui que les tifosi
surnommaient "Billy" a participé à plus de 600 rencontres avec le Milan
AC (dont 450 en Serie A et 85 en Coupe d'Europe), remportant sept fois
le Scudetto et cinq fois la C1.
Le 21 novembre 2006, à l'occasion d'un
match face à l'AEK Athènes, Costacurta est devenu le plus vieux joueur à
prendre part à une rencontre de Champions League, à précisément 40 ans
et 211 jours. Il fut titularisé pour la dernière fois par une autre
légende locale, Carlo Ancelotti, le 19 mai 2007 contre l'Udinese, match
au cours duquel lui fut réservé l'honneur de transformer un penalty et
d'ainsi marquer son premier but depuis la saison 1991-92. Pour lui
rendre hommage, tous ses coéquipiers quittèrent le terrain en portant
une réplique de son maillot: c'est ce qu'on appelle marquer l'histoire
d'un club.
Sylvain Kastendeuch (France, défenseur central, né en 1963, 1982-2001)

Avec
577 matches disputés en Division 1, Kastendeuch occupe la cinquième
place au classement du nombre de matches joués dans l'élite (deuxième
joueur de champ derrière Alain Giresse). Lors de son dernier match
professionnel, disputé à près de trente-huit ans contre Bordeaux en mai
2001, le capitaine messin, malchanceux, tombe assommé par un centre-tir
de Jérôme Bonnissel et doit quitter la pelouse dès la cinquième minute:
drôle de fin pour un joueur exemplaire (aucun carton rouge en près de
vingt ans à un poste exposé au plus haut niveau) qui avait tant donné au
FC Metz. Appelé neuf fois chez les Bleus entre 1987 et 1989,
Kastendeuch se vit ensuite barré par un certain Laurent Blanc, mais il
resta longtemps l'un des tout meilleurs défenseurs centraux français.
Jamais sacré champion (deuxième derrière Lens en 1998 avec Pirès,
Boffin, Song et compagnie), le natif de Hayange, en Moselle, a remporté
deux fois la Coupe de France en 1984 et 1988 (il plante le dernier tir
au but lors de la série face à Sochaux). Monstre de professionnalisme et
de régularité, Kastendeuch a livré pas moins de treize saisons à trente
matches ou plus et marqué une trentaine de buts en championnat sous les
couleurs de Metz, Saint-Etienne et Toulouse.
Lothar Matthaüs (Allemagne, milieu défensif/défenseur central, né en 1961, 1979-2000)

En
2000, la Mannschaft, humiliée par la Croatie en Coupe du Monde deux ans
auparavant, connaît un passage à vide historique, et le sélectionneur
Erich Ribbeck ne sait plus à quel saint se vouer. Il décide alors de
rappeler Lothar Matthaüs, trente-neuf balais, pour encadrer les troupes,
en se disant qu'après tout mieux vaut Lothar que jamais. Le joueur du
Bayern n'empêchera pas le naufrage de l'Allemagne, sortie dès le premier
tour, mais son retour en sélection à près de quarante ans en dit long
sur le crédit dont il bénéficie outre-Rhin. Il faut dire que Matthaus
est un véritable monument du football allemand: 150 sélections entre
1980 et 2000, cinq tournois mondiaux disputés pour trois finales et un
sacre (25 matches de Coupe du Monde, un record), plus de 450 matches de
Bundesliga et sept titres, un Scudetto et deux Coupes UEFA.
Elu Ballon
d'Or en 1990 suite au triomphe de la Mannschaft lors du Mondiale
italien, Matthaüs occupe très longtemps le poste de milieu défensif, où
il peut à son aise diriger la manoeuvre et se projeter à l'avant si
besoin est, avant de reculer et de finir sa carrière en tant que libero,
comme lors de la finale de Champions League 1999 perdue dans les arrêts
de jeu contre Manchester United. Cette année-là, et malgré cette
cruelle défaite (il n'a jamais remporté la C1), Lothar Matthaüs se vit
remettre le prix du joueur allemand de l'année par les journalistes du
pays, à trente-huit ans.
Stanley Matthews (Angleterre, ailier droit, 1915-2000, 1932-1966)

Premier
Ballon d'Or de l'histoire devant un certain Alfredo Di Stefano en 1956,
Stanley Matthews reste à ce jour le joueur le plus âgé à avoir jamais
reçu la prestigieuse distinction. Au plus haut niveau, celui qui fut
anobli alors qu'il était encore en activité a évolué quinze ans sous le
maillot de Stoke City de 1932 à 1947, puis celui de Blackpool de 1947 à
1961, avant de revenir à Stoke de 1961 à 1965: trente-quatre ans de
carrière professionnelle, qui dit mieux? Considéré comme l'un des plus
grands footballeurs anglais de tous les temps et resté célèbre pour son
sens du dribble et du contre-pied (on le surnommait "the wizzard of the
dribble"), Matthews a dû son exceptionnelle longévité à une parfaite
hygiène de vie (il ne buvait jamais d'alcool et était végétarien,
l'anti-George Best en quelque sorte) et une santé de fer.
Appelé pour la
première fois en 1934 face au Pays de Galles, il honora sa dernière
sélection vingt-trois ans plus tard, le 15 mai 1957, à Copenhague,
devenant le plus vieux joueur à porter le maillot anglais lors d'une
rencontre officielle (42 ans et 104 jours). Plus de cent mille personnes
suivirent ses funérailles en 2000 et sa statue fut inaugurée l'année
suivante devant le Britannia Stadium, à Stoke-on-Trent. Franz
Beckenbauer lui-même a déclaré que sa vitesse et sa technique le
rendaient impossible à arrêter: un compliment de connaisseur s'il en
est.
Roger Milla (Cameroun, attaquant, né en 1952, 1971-1996)

Pensionnaire
du championnat de France de 1977 à 1989, Roger Milla reste avant tout
célèbre pour ses exploits en Coupe du Monde avec les Lions Indomptables
du Cameroun. En 1990, il marque quatre buts lors du Mondiale italien et
joue un bien vilain tour au plus que fantasque gardien colombien René
Higuita pour qualifier les siens pour un quart de finale d'anthologie
contre l'Angleterre de Gascoigne et Lineker. Quatre ans plus tard, aux
Etats-Unis, à quarante-deux piges, le vieux lion devient le joueur le
plus âgé à évoluer dans le champ en Coupe du Monde et à marquer dans le
plus prestigieux des tournois internationaux (il plante le seul but du
Cameroun lors de la bérézina contre la Russie, qui s'impose 6-1 grâce
notamment à un quintuplé de Salenko).
Passé par Valenciennes, Monaco,
Bastia, Saint-Etienne et Montpellier (qui alignait alors une fameuse
équipe avec Julio Cesar, Valderrama, Blanc et Cantona, excusez du peu),
Milla a inscrit 62 buts en 220 matches de première division, avec une
pointe à vingt pions sous le maillot vert en 1984-85. Il fut élu deux
fois Ballon d'Or africain à quatorze ans d'intervalle, en 1976 et 1990,
puis footballeur africain du siècle par L'Equipe en 2001 et meilleur
joueur du continent des cinquante dernières années en 2007 par la
Confédération Africaine de Football. Sélectionné à 102 reprises sous le
maillot camerounais, son palmarès se résume à deux CAN et deux victoires
en Coupe de France avec Monaco et Bastia.
Bryan Robson (Angleterre, milieu de terrain, né en 1957, 1974-1997)

En
2011, Bryan Robson fut élu meilleur joueur de l'histoire de United par
une sélection d'anciens pensionnaires du club. Après des débuts
remarqués sous les couleurs de West Bromwich Albion, il signe chez les
Red Devils en 1981 et fera les beaux jours de l'équipe jusqu'en 1994,
s'imposant rapidement à la fois comme leader technique et meneur
d'hommes. Il profite du déclin du Liverpool FC et de l'arrivée d'un
certain Eric Cantona pour remporter deux titres consécutifs sur le tard
en 1993 et 1994, qui figurent en bonne place dans son palmarès aux côtés
de ses quatre succès en FA Cup et de la C2 gagnée en 1991 contre
Barcelone.
Après treize ans de bons et loyaux services, Robson, à
trente-sept ans, rejoint Middlesbrough, où il évoluera jusqu'en 1997
dans un rôle d'entraîneur-joueur qui lui convient parfaitement. Figure
incontournable du football anglais, Bryan Robson totalise 90 sélections
(sixième joueur le plus capé de l'histoire) entre 1980 et 1991 et porta
le brassard de capitaine de l'équipe aux trois lions à 65 reprises
(seuls Billy Wright et Bobby Moore ont fait mieux). Auteur de 26 buts
avec l'équipe nationale, il a participé à trois Coupes du Monde
consécutives et, en tant qu'entraîneur, a occupé les bancs de Bradford,
West Bromwich Albion, Sheffield United et de la sélection thaïlandaise.
Charismatique et exemplaire, Robson fut assurément l'un des joueurs
majeurs des années 80.
Djalma Santos (Brésil, latéral droit, né en 1929, 1948-1972)

Comme
nous avons eu l'occasion de le faire remarquer à plusieurs reprises, le
Brésil a toujours produit des latéraux d'exception: Junior, Jorginho,
Branco, Cafu, Roberto Carlos et aujourd'hui encore Dani Alves ou
Marcelo. Le premier de cette longue lignée de mangeurs de lignes de
touche fut sans doute Djalma Santos, véritable légende de la Seleçao,
avec qui il a disputé 98 rencontres de 1952 à 1968 et pas moins de
quatre Coupes du Monde. Joueur de Portuguesa de 1948 à 1959 puis de
Palmeiras de 1959 à 1968, Djalma Santos a débuté dans l'axe avant de
s'installer pour longtemps sur le front droit de la défense, où son
endurance et sa vitesse naturelle en faisaient un adversaire redoutable.
En quatre tournois mondiaux, il a tout connu avec le Brésil:
l'élimination en quart face à la Hongrie au terme d'un match heurté en
1954, les deux sacres consécutifs de 1958 en Suède (il revient dans le
onze pour la finale et fait partie des meilleurs joueurs du match) et de
1962 au Chili, et enfin le fiasco de 1966 en Angleterre ( il perd sa
place après la défaite 3-1 face à la Hongrie une nouvelle fois). Il
reste le seul joueur avec Beckenbauer à figurer dans les équipes-type de
trois Coupes du Monde et, le 23 octobre 1963, fit partie aux côtés de
Law, Yachine, Kopa, Di Stefano et Eusebio, tous lauréats du Ballon d'Or,
de l'équipe qui affronta l'Angleterre à Wembley pour le centenaire de
la Football Association.
Teddy Sheringham (Angleterre, attaquant, né en 1966, 1982-2008)

Quand
on évoque le nom de Teddy Sheringham, on songe forcément au scénario
complètement dingue de la finale de Champions League 1999 entre United
et le Bayern, mais l'essentiel de la carrière du monsieur était alors
déjà derrière lui. Particulièrement précoce, Sheringham fait ses débuts
professionnels avec Millwall à l'âge de seize ans, en 1982, avant de
rejoindre Nottingham Forest, puis Tottenham (il termine meilleur buteur
de Premier League en 1994 avec 22 réalisations), Manchester United,
Portsmouth, West Ham et enfin Colchester, ne raccrochant les crampons
qu'à quarante-deux ans.
Auteur de 130 buts et d'un paquet de passes
décisives en championnat, trois fois sacré avec United en 1999, 2000 et
2001, Sherigham a honoré sa 51ème et dernière sélection en 2002, à
trente-six ans, planté sa vingtaine de buts en Championship avec West
Ham à trente-neuf piges et est devenu le 30 décembre 2006 le plus vieux
joueur de champ à participer à un match de Premier League, à 40 ans et
27 jours. Au total,Sheringham a passé vingt-cinq ans au plus haut
niveau, affichant toujours une détermination et une envie de gagner de
débutant. Jürgen Klinsmann, qui fut son partenaire sous le maillot des
Spurs (sacrée doublette mes enfants), a dit de lui qu'il était le
meilleur joueur avec qui il avait jamais évolué sur le front de
l'attaque.
Gordon Strachan (Ecosse, milieu de terrain, né en 1957, 1974-1996)

Milieu
de terrain de poche mais terriblement accrocheur, Strachan a débuté sa
carrière avec Dundee, club qu'il rejoint dès ses quatorze ans ans en
1971 et où il restera jusqu'en 1978, année où il signe pour Aberdeen. En
1983, l'équipe entraînée par Ferguson, composée exclusivement de
joueurs écossais, signe un authentique exploit en battant le Real Madrid
en finale de C2 à Ullevi, en Suède. En 1984, Strachan quitte la
Scottish Premier Division pour Manchester United, avec qui il remporte
la Cup dès sa première saison en prenant le meilleur sur Everton à
Wembley. Après une saison décevante avec United, qui termine onzième du
championnat en 1990, Strachan se laisse convaincre par Howard Wilkinson
de signer à Leeds, alors en deuxième division.
Capitaine des Whites et
idole d'Elland Road, il mène les siens vers la remontée dans l'élite.
Avec son milieu de terrain Strachan-McAllister-Batty-Speed, Leeds United
termine quatrième et l'Ecossais est élu FWA Footballer of the year par
un panel de quatre cents journalistes anglais en 1991, à trente-quatre
ans (aucun joueur écossais n'a obtenu cette distinction depuis). L'année
suivante, avec un Cantona en mode rock star en attaque, le club
s'adjuge le titre de champion, deux ans après son retour en première
division. Sélectionné cinquante fois en équipe nationale, Strachan
termine sa carrière dans un rôle d'entraîneur-joueur à Coventry City,
avec qui il dispute son dernier match en 1996, à trente-neuf ans.
Dean Windass (Angleterre, milieu/attaquant, né en 1969, 1991-2009)

L'histoire
de Dean Windass mérite de figurer en bonne place dans l'histoire
récente du football anglais. Après des années de galère et d'anonymat
dans des endroits aussi riants que glamour (Aberdeen, Bradford,
Middlesbrough, Sheffield Wednesday et United), ce joueur au nom
évocateur a dû attendre ses trente-neuf printemps pour connaître son
quart d'heure de gloire warholien. Le 24 mai 2008, Windass, d'une
reprise de volée à l'entrée de la surface, donne la victoire à Hull City
contre Bristol dans la finale de play-off à Wembley et offre au club du
Yorkshire son billet pour la Premier League. Devenu un véritable héros
pour les fans des Tigers, il marque ce jour-là un des buts les plus
importants de l'histoire du club, pion estimé à soixante millions
d'euros en raison de la manne des droits TV qu'il permit à Hull City de
toucher.
Pourtant, Windass ne fit sa première apparition en Premier
League qu'en novembre 2008 contre Portsmoutth et, lors de sa seule
titularisation, Hull s'inclina 5-1 au City of Manchester Stadium. Privé
de temps de jeu, Windass obtint un bon de sortie de ses dirigeants et
rejoint Oldham Athletic en prêt pour le reste de la saison. Suite à
l'expulsion de son gardien de but, il joua quarante minutes entre les
bois à Leicester et parvint à conserver sa cage inviolée, ce qui lui
valut le titre de gardien de but de la semaine. Il finit sa carrière
professionnelle sous les couleurs à Darlington, en Football League Two.
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