
Si
quelques défenseurs issus du même continent se sont illustrés en
première division, l'Afrique a toujours été une grande pourvoyeuse de
talents offensifs pour le championnat de France. Nombre d'attaquants
africains ont émerveillé le football hexagonal par leur vitesse, leur
sens du dribble, leur puissance physique ou leur adresse devant les
cages. Certains ont connu la réussite dans d'autres championnats par la
suite, d'autres ont fait l'intégralité de leur carrière dans des clubs
plus ou moins prestigieux de Division 1 (aujourd'hui un Bocandé
signerait un gros contrat en Premier League avec son titre de meilleur
buteur), mais tous ont marqué les mémoires d'une manière ou d'une autre.
Nous avons choisi ici de ne considérer que les joueurs issus de
l'Afrique subsaharienne (il faudrait consacrer une sélection de ce genre
aux grands attaquants maghrébins qui ont joué en France) et d'éliminer
d'emblée les buteurs toujours en activité, parmi lesquels Didier Drogba,
Mamadou Niang, Gervinho ou John Utaka, ainsi que ceux qui bénéficient
de la double nationalité, comme Roger Boli, franco-ivoirien, ou Frédéric
Kanouté, franco-malien. On notera l'absence d'Ibrahima Bakayoko et
Mamadou Samassa, que nous gardons sous le coude pour d'autres papiers.
Jules Bocandé (Sénégal, 1958-2012)

Décédé
des suites d'un accident vasculaire cérébral à Metz en 2012, Jules
Bocandé s'est éteint dans la ville qui l'avait fait connaître. Dès sa
première saison en Lorraine en 1984-85, au cours de laquelle le FC Metz
étrille le Barça au Camp Nou, cet attaquant puissant et rapide claque
dix buts sous le maillot grenat avant de s'adjuger tout simplement le
titre de meilleur buteur du championnat l'année suivante avec 23
réalisations. Bocandé effectue ensuite un passage décevant au PSG puis
signe en 1987 pour Nice, club pour lequel il signe 25 buts en quatre
saisons, avec une pointe à dix pions 1990-91. A trente-trois ans, il
traverse à nouveau l'hexagone pour jouer une année sous les couleurs
lensoises, trouvant encore le chemin des filets à six reprises
, puis retourne terminer sa carrière européenne là où il l'avait débutée
,
en Belgique. Figure incontournable des résumés de matches du dimanche
matin, il n'a malheureusement pas gagné le moindre trophée en neuf
saisons en France. Il fut l'un des piliers de la sélection sénégalaise
pendant près de quinze ans (73 sélections, 20 buts) et a participé trois
fois à la CAN
.
Victor Ikpeba (Nigéria, né en 1973)

Victor
Ikpeba reste à ce jour le meilleur réalisateur de l'AS Monaco en Coupe
d'Europe (14 buts) et le quatrième toutes compétitions confondues: des
chiffres qui en disent long sur le rendement du Nigérian si l'on songe à
tous les attaquants de classe qui ont porté le maillot rouge et blanc.
Malgré une concurrence démentielle (Anderson, Klinsmann, Djorkaeff,
Trézéguet, Henry), Ikpeba parvient peu à peu à gagner du temps de jeu et
à s'installer parmi les titulaires. Après avoir patienté dans l'ombre
des stars pendant trois ans, il plante près de quarante buts en
championnat entre 1996 et 1999 et se montre décisif dans la conquête du
titre en 1997 (16 buts). Attaquant d'une grande finesse technique et à
la gestuelle déliée qui a su gagner en efficacité pour s'imposer au plus
haut niveau, il a participé à deux Coupes du Monde et remporté les Jeux
Olympiques 1996 avec le Nigéria, marquant un but capital lors de la
demi-finale de folie face au Brésil. Membre des Super Eagles une
décennie durant, il a marqué 11 buts en 37 sélections entre 1992 et
2002.
Salif Keita (Mali, né en 1946)

Elu
meilleur joueur étranger du championnat en 1968 et Ballon d'Or africain
en 1970, Keita est le premier footbaleur issu de l'Afrique
subsaharienne à casser le baraque en France. Entre 1967 et 1972, il
plante la bagatelle de 127 buts en première division avec l'ASSE, avec
une pointe ahurissante à 42 unités en 1970-71 (manque de pot, Skoblar en
met 44 lors de cette même saison). Triple champion de France et double
vainqueur de la Coupe de France, Keita, troisième meilleur buteur de
l'histoire du club derrière Hervé Revelli et Rachid Mekloufi, occupe une
place à part dans la légende des Verts. Il fut sans aucun doute l'un
des joueurs les plus naturellement doués à avoir évolué dans le
championnat de France, lui qui fit ses débuts avec la sélection malienne
dès l'âge de dix-sept ans et se montra tout au long de sa carrière
d'une efficacité phénoménale. Véritable géant du football africain, la
vie de Salif Keita, qui fut président de la fédération malienne de 2005 à
2009, est retracée dans un film franco-guinéen sorti sur les écrans en
1994 et logiquement intitulé
Le Ballon d'Or.
Roger Milla (Cameroun, né en 1952)

Tout
le monde se souvient de ce grand gamin de trente-huit ans s'en allant
danser avec le poteau de corner après avoir joué un vilain tour à
Higuita et qualifié son pays pour un quart de finale mondial, mais Milla
avait alors déjà écrit une bonne part de sa légende. Révélé sous le
maillot valenciennois (six buts en 1978-79), le Camerounais signe quatre
jolies saisons avec le SC Bastia et une pointe à 13 réalisations en
1982-83. Extraordinaire de longévité, il plante 20 pions avec l'ASSE en
1984-85 puis encore 18 avec Montpellier en 1986-87, à 35 balais. Entre
ses trente ans et la fin de sa longue aventure française six ans plus
tard en 1988
, le vieux lion enquille 75 buts en 220
matches de championnat (109 en 313 rencontres au total). En 102
sélections avec le Cameroun (28 buts), Roger Milla a participé à trois
Coupes du Monde et remporté deux fois la CAN (dont il fut le meilleur
réalisateur en 1986 et 1988)
. Il fut élu deux fois
Ballon d'Or africain à quatorze ans d'intervalle en 1976 et 1990 et
joueur camerounais du siècle par l'International Federation of Football
History and Statistics: comme quoi résumer sa carrière au Mondiale 90...
Japhet N'Doram (Tchad, né en 1966)

Arrivé
en Loire-Atlantique à vingt-quatre ans en provenance du Tonnerre de
Yaoudé, N'Doram dispute son premier match en Division 1 en septembre
1990. Il reste relativement discret deux saisons durant avant de passer
pour la première fois la barre des dix réalisations en 1992-93. Au
sommet de son art entre 1994 et 1997, il plante douze buts lors de la
saison du titre de tous les records et, malgré les départs de certains
de ses compagnons de jeu, poursuit sur sa lancée avec 15 puis 21 pions
(deuxième meilleur buteur derrière Guivar'c'h). Remarquable d'aisance
devant les cages (son lob tout en toucher face à Lama au Parc des
Princes est resté dans les mémoires), il évoluait entre le milieu et
l'attaque dans une position de neuf et demi qui lui permettait de faire
parler sa subtilité technique et sa qualité de passe. Surnommé "le
sorcier de la Beaujoire", N'Doram dégageait une grâce et une élégance
rares et maîtrisait parfaitement l'art du dribble et du contre-pied.
Auteur de 72 buts en 192 matches de championnat avec le FCNA, il rejoint
l'AS Monaco en 1997 mais se voit contraint de mettre un terme à sa
carrière à cause d'un grave problème au genou. Il aurait mérité une
autre fin.
Shabani Nonda (Burundi, né en 1977)

Après
s'être fait remarquer dans le championnat suisse, au FC Zurich, Shabani
Nonda, illustre inconnu à son arrivée en France à l'été 1998, plante
une trentaine de buts lors de ses deux saisons rennaises. Très convoité,
l'attaquant burundais choisit alors Monaco, qui vient de remporter le
titre et cherche un remplaçant à David Trézéguet, parti à la Juve. Sur
le rocher, Nonda garde le rythme (12 puis 14 buts en championnat) puis
prend littéralement feu en 2002-2003 et termine en tête du classement
des buteurs avec 26 réalisations. Après cinq années passées dans
l'hexagone, son bilan comptable force l'admiration: 83 buts au total et
toujours au moins 12 réalisations par saison. Malheureusement pour lui,
son apogée marque également le début de la fin: miné par les soucis
physiques, il ne retrouvera jamais l'intégralité de ses moyens et
disparaîtra progressivement de la circulation. Sa puissance et son
adresse dans le dernier geste en firent pourtant un avant-centre
redoutable et redouté.
François Omam-Biyik (Cameroun, né en 1966)

Omam-Biyik
reste avant tout célèbre pour le but qu'il marqua avec le Cameroun face
à l'Argentine lors du match d'ouverture du Mondiale 1990 et qui lança
l'épopée des Lions Indomptables en Italie. Il marque ses premiers pions
en Division 1 sous les couleurs du Stade Lavallois (11 buts en 1987-88)
avant de rejoindre Rennes, où il réussit sa meilleure saison sur le plan
statistique avec 14 buts dans la foulée d'une Coupe du Monde
euphorique. Après une année à Cannes et un passage éclair à l'OM, cet
attaquant au gabarit imposant (1,84m, 80kg), dominateur dans le jeu
aérien et adroit balle au pied fait le bonheur de Bollaert de 1992 à
1994, se montrant toujours précieux à la pointe de l'attaque (à nouveau
11 buts en 1992-93). Omam-Biyik fut l'avant-centre indéboulonnable du
Cameroun entre 1986 et 1998 (75 sélections, 45 buts) et reste l'un des
plus grands talents offensifs que le pays ait produit, en compagnie des
Eto'o, Milla et Mboma. Il conduisit l'équipe nationale vers le titre
lors la CAN 1988.
Abedi Pelé (Ghana, né en 1962)

Abedi
Pelé évoluait dans une position de milieu offensif axial ou excentré à
gauche où il faisait merveille par sa faculté d'élimination, ses
changements de rythme, son altruisme et sa clairvoyance. Après deux
saisons en deuxième division et un premier passage infructeux à l'OM,
c'est avec le LOSC que le Ghanéen se révèle aux yeux du public français
en marquant seize buts en championnat entre 1988 et 1990. Marseille
décide alors de lui proposer un nouveau contrat, et on connaît la suite:
avec ses deux compères Waddle et Papin, Abedi Pelé forme un trio
ultra-complémentaire qui mène le club vers les sommets européens. En
trois saisons avec l'OM, il remporte trois titres de champion (le
troisième sera invalidé suite à l'affaire VA-OM) et une Coupe d'Europe,
plante une trentaine de buts au total et régale le Vélodrome par ses
coups de patte et ses inspirations. Il a remporté trois fois
consécutivement le Ballon d'Or africain entre 1991 et 1993 et demeure le
meilleur buteur de l'histoire de la sélection ghanéenne avec 33 buts.
Il n'eut malheureusement jamais la chance de disputer un tournoi
mondial, ce qui reste sans doute le seul manque dans une carrière
partciulièrement bien remplie.
Joël Tiéhi (Côte d'Ivoire, né en 1964)

Plutôt
du genre discret et réservé, Tiéhi faisait partie de ces joueurs
réguliers et professionnels qui font le boulot efficacement sans courir
après la reconnaissance médiatique. Très régulier avec le HAC (trois
saisons entre 11 et 14 buts), dont il porte le maillot de 1987 à 1994,
il se montre particulièrement efficace lors de sa première année au RC
Lens (14 réalisations en 1994-95) avant de rentrer quelque peu dans le
rang et d'aller conclure sa carrière en Division 1 à Martigues. Tiéhi,
joueur de club par excellence sur qui on pouvait toujours compter pour
la mettre au fond, a marqué au moins un but en championnat lors de dix
saisons consécutives
. Il est sans doute regrettable
qu'aucun club plus huppé et ambitieux n'ait cherché à s'attacher ses
services. Buteur en chef de la sélection ivoirienne (25 buts en 40
sélections), il remporta la CAN 1992 en terminant deuxième réalisateur
de la compétition derrière le Nigérian Rashidi Yekini.
George Weah (Liberia, né en 1966)

George
Weah signe quatre saisons pleines en Principauté (47 buts en
championnat et 12 en Coupe d'Europe) avant de rejoindre un PSG ambitieux
qui cherche à concurrencer l'OM et parvient à attirer quelques noms
prestigieux. Sous le maillot parisien, l'attaquant libérien marque les
esprits par ses exploits répétés sur la scène européenne et ses buts
contre Naples, le Real, le Bayern et Barcelone
. En
1994-95, il plante autant de pions en Champions League qu'en
championnat, ce qui lui confère définitivement une image de joueur
incroyablement doué mais fantasque et imprévisible. Mis à part une forme
de dilettantisme, Weah n'avait tout simplement pas de point faible:
monstrueux physiquement, véloce et capable de coups de rein
dévastateurs, redoutable de la tête et doté d'une belle frappe de balle,
il pouvait aussi bien enclencher ses actions de loin que tirer son
épingle du jeu dans la surface et sur coup de pied arrêté. Au total,
Mister George a marqué 79 buts en 200 matches de championnat et 28 en 50
rencontres européennes avec Monaco et le PSG. Il est avec Ronaldinho,
autre ancien Parisien, le seul joueur étranger à avoir évolué en France
et avoir été élu Ballon d'Or
.
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