Il n'est pas totalement interdit de penser que la France puisse remporter son Euro à la maison, ou tout du moins accéder au dernier carré du tournoi. Non pas parce que Deschamps se serait subitement mué en génie tactique, que Sagna se serait enfin décidé à centrer devant le but et non derrière ou encore que Sissoko aurait enfin compris ce qu'il faisait en sélection, et nous avec. Mais si très simplement on considère la densité générale de l'effectif des Bleus et la valeur actuelle de l'opposition continentale, on ne voit guère ce qui pourrait objectivement empêcher d'y croire. Fort heureusement pour les footophiles de ce pays, le onze de France est bien supérieur à son équivalent rugbystique (s'il était plus faible, il y aurait lieu d'augmenter sensiblement sa consommation de Suze) et plus proche des meilleures nations mondiales. Il ne s'agit certes pas d'une grande cuvée, loin s'en faut, mais son niveau est plus qu'honnête, et les circonstances lui semblent on ne peut plus favorables.
On entend souvent parler du manque de qualité individuelle de nos internationaux, mais nombre de sélectionneurs aimeraient sans doute être dans les pompes de Deschamps à l'heure de faire leur liste. Certes, le problème des latéraux est récurrent (quoi que Jallet et Digne mériteraient une place), mais il ne s'agit pas là d'une lacune rédhibitoire (bon mot de dictée ça, tiens). La charnière centrale n'offrirait pas toutes les garanties, mais elle est tout de même composée d'un mec qui a gagné une finale européenne à 21 ans et d'un joueur qui a disputé plus de 200 matches avec Arsenal. Combien d'autres sélections disposeraient d'assez de ressources pour ne se servir d'un défenseur acheté à prix d'or par City que comme d'une solution de recours?
Au milieu, derrière Matuidi et Pogba, deux monstres chacun dans leur genre, Deschamps a plutôt l'embarras du choix entre un Cabaye retrouvé, un Schneiderlin excellent avec United, Kondogbia, Gonalons, et Diarra,. Devant, Benzema et Grizemann pèsent à eux deux 160 buts en Liga, Martial vient d'être élu joueur du mois en Premier League et Lacazette ne tardera pas à redevenir un buteur régulier. Giroud claque en moyenne presque un but tous les deux matches en Premier League. On ne va pas vous expliquer que l'équipe de France sera injouable au mois de juin, mais si les Coquelin, Rabiot, Ferri, Mathieu, Laporte, Rémy, Modeste, Ménez, Gameiro ou Guilavogui étaient italiens ou suisses, ils auraient sans doute joué l'Euro. Se passer de Payet en ce moment relève de l'aberration, mais nul doute que si le sieur Dimitri était un sujet de sa Gracieuse, Hodgson ne pourrait le laisser à la maison sans se faire assassiner dans la presse.
Avec Lloris, Varane, Matuidi, Pogba, Benzema et Griezmann, les Bleus comptent dans leurs rangs six véritables éléments de classe mondiale, entourés par beaucoup de très bons joueurs. Six barons, ce n'est pas le bout du monde, me direz-vous, avec la remarquable connaissance de la géographie qui vous caractérise. Certes non, rétorquerai-je avec mon sens diplomatique aiguisé par la fréquentation de maints sommets internationaux, mais qui, Allemagne, Belgique et Espagne mis à part, peut se targuer d'en posséder davantage sur le continent? Personne.
Pour les rencontres contre l'Azerbaïdjan et la Norvège, Conte a convoqué Ranocchia (Inter), Santon (Inter), Bertolacci (Milan), Parolo (Lazio), Soriano (Sampdoria), Berardi (Sassuolo), Eder (Sampdoria), El Shaarawy (Monaco), Pellé (Southampton), Quagliarella (Torino) et Zaza (Juve). Vous trouvez que cela fait méchamment flipper dans les chaumières? On parle de l'Italie tout de même, vice-championne d'Europe en titre. Le Portugal se trimballe toujours Carvalho en défense centrale. Au cours des éliminatoires, l'Angleterre a aligné du Clyne, du Delph, du Townsend, du Mason, du Walker, du Vardy, du Buckland, du Lallana. England: dream bigger. Allez donc demander (non, attendez, revenez, c'est une façon de parler) à Conte, Hodgson et Fernando Santos s'ils pensent que la tâche de Deschamps est compliquée. Nous ne mentionnerons pas le nom de Danny Blind par pure décence.
Evidemment, on rit encore pour des bêtises comme des enfants. Pardon, j'écoute trop de Maurane en ce moment. Evidemment, l'Allemagne et l'Espagne, qui ont gagné les quatre derniers tournois, semblent un cran au-dessus, mais la France ne s'était inclinée que d'un petit but en quart de finale contre les Teutons au Brésil et avait tenu tête à la Roja lors des éliminatoires pour le dernier Mondial. Quant à la Belgique, même si elle occupe la première place au classement FIFA et si son potentiel est énorme, elle n'a encore strictement rien prouvé. Elle ne serait pas la première ni la dernière équipe étiquetée "outsider numéro un" et entourée d'une certaine hype à se prendre les pieds dans le tapis et à rentrer à la maison la tête basse et la queue entre les jambes, et non l'inverse.
Ajoutons un dernier facteur favorable aux Bleus, et non des moindres: le passage de 16 à 24 équipes, qui va inévitablement atténuer la difficulté de l'épreuve. Puisque pour faire plaisir aux "petits pays" (attention, il n'y a plus de "petits pays" hein, c'est Saint-André qui l'a dit) et non aux chaînes de télé, bande d'esprits cyniques, huit invités supplémentaires participeront à la phase finale, il sera plus aisé de passer les poules et même de se ménager un tableau aux petits oignons. La nouvelle formule aura également pour effet d'alléger la pression sur les épaules des Français, qui auront droit à un joker au premier tour. Il faut une fois de plus remercier les instances dirigeantes, tant il est vrai qu'un championnat d'Europe sans l'Albanie, l'Autriche et l'Islande, cela ne pouvait vraiment plus durer.
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