Peu importe que l'Espagne se soit inclinée hier soir aux tirs aux buts face au voisin portugais. La Roja reste une équipe séduisante, attractive, complète et ultra-compétitive, comme les Bleus ont eu l'occasion de s'en rendre compte, eux qui ont été menés 4-0 puis 5-1 face aux partenaires de Pedri, avant que eux-ci ne baissent de pied et donnent vaguement aux Français l'illusion de revenir dans la rencontre. Champions d'Europe après avoir rossé successivement la Croatie, l'Italie, l'Allemagne, la France et l'Angleterre, les hommes de De La Fuente furent à deux doigts de triompher en Ligue des Nations, une compétition en bois dont tout le monde se tamponne allègrement le coquillard, à l'exception de Ronaldo, visiblement très ému au terme de la séance de tirs aux buts. Assurément, il faudra compter avec eux pour la prochaine Coupe du Monde, dont il feront partie des favoris, d'autant que Yamal aura une saison de plus dans les pattes et que le grand stratège Rodri devrait faire son retour.
Pourquoi Didier Deschamps, dont nous ne cessons de vanter les mérites dans la présente et humble gazette, devrait-il prendre exemple sur son homologue espagnol? Parce que contrairement à DD la science, le sélectionneur ibérique n'hésite pas à faire confiance à des joueurs qui évoluent dans des clubs généralement considérés comme modestes et en tous les cas aucunement surmédiatisés: Mingueza (Celta Vigo), Oyarzabal (Real Sociedad), Zubimendi (Real Sociedad), Unai Simon (Athletic Bilbao), Nico Williams (Athletic Bilbao), Pedro Porro (Tottenham), Huijsen (Bournemouth), Alex Baena (Villareal), Pino (Villareal), Isco (Betis Séville). Evidemment, il peut s'appuyer sur des joueurs estampillés Barça (Cubarsi, Pedri, Gavi, Olmo, Fermin Lopez), mais il ne privilégie aucunement les joueurs évoluant à l'étranger et qui défendent les couleurs d'équipes de premier plan disputant régulièrement la Champions League. Et jusqu'à preuve du contraire, étonnamment, ça marche.
Question à dix mille dollars: combien de joueurs de Marseille, Monaco, Nice et Lyon figuraient dans la liste de Deschamps pour la Ligue des Nations? Réponse: quatre, à savoir Rabiot, que DD sélectionnerait même s'il évoluait au FC Tamanrasset, Cherki, qui honorait sa première cape contre l'Espagne et semble en partance vers l'Angleterre, et les deux portiers Samba et Chevalier. Sur vingt-cinq joueurs retenus pour le Final Four, seize évoluent à l'étranger, sachant qu'il est logique que le PSG, tout frais champion d'Europe, compte pas moins de cinq représentants, encore qu'on se demande encore ce que Lucas Hernandez et Warren Zaïre-Emery, cireurs de banc en chef de Luis Enrique, fabriquent dans cette sélection. Obsédé par l'étranger ("il faut quand mêmeu direu qu'au niveau de l'ezigensse"), borné au possible et persuadé que tous les autres championnats européens majeurs sont d'un niveau supérieur à la Ligue 1 (alors que Paris remporte la CL, que Brest et Monaco passent la phase de poules et que Lille tape le Real et l'Atletico), DD la classe préférera toujours un Badé, brillant 17ème de Liga au sein d'une défense qui a encaissé pas moins de 55 pions en championnat, à n'importe quel défenseur central du championnat hexagonal.
Qu'on nous explique doctement en quoi un Diakité, qui a formé toute la saison une charnière solide avec Aleksandro au LOSC et disputé 45 rencontres dont 10 de Champions League, serait inférieur à Loïc Badé. Qu'on nous convainque qu'un Benjamin André, d'une constance irréprochable sous le maillot lillois, mériterait moins sa place que Guendouzi. Qu'on nous démontre que Manu Koné a signé un meilleur exercice 2024-25 que Corentin Tolisso, joueur polyvalent, complet et altruiste. Qu'on fasse la preuve de la supériorité manifeste de Kolo Muani sur Mateta ou Ekitike. La logique de Deschamps est claire et cela fait un bail que nous l'avons comprise: dans son esprit obtus, le LOSC, l'OL, l'Eintracht Francfort ou Crystal Palace ne sont pas ce qu'on appelle (ou ce qu'il appelle) des "grands clubs", contrairement à la Juve, l'Inter, la Roma, la Lazio ou le FC Séville. Vous comprenez, à l'étranger (ou à Marseille, c'est la même chose), il y a plus de pression et d'ezigensse. Mais vous pensez qu'il en a quelque chose à foutre, De La Fuente, de la notion foireuse et ô combien subjective de "grand club"? Non. Il s'en tape royalement. Que les mecs soient bons individuellement, aient un niveau suffisant et les qualités pour s'intégrer en sélection lui suffit amplement. Et il est champion d'Europe en titre, lui.
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