
Chez
beaucoup de spécialistes, c'est le Mondial mexicain de 1970 qui tient
plutôt la corde. Il est vrai que la Seleçao de Pelé sacrée cette
année-là peut être considérée comme la meilleure équipe nationale de
tous les temps et que la demie-finale entre la RFA et l'Italie reste
sans doute à ce jour le plus grand match de l'histoire de l'épreuve. Il
n'est pourtant pas nécessaire de remonter aussi loin dans le temps pour
trouver la reine des reines. Spectaculaire, colorée, offensive et d'un
niveau général rarement égalé, la Coupe du Monde 1986 remportée par
l'Argentine a atteint des sommets d'intensité dans la chaleur mexicaine.
Oui, messieurs dames, la treizième édition de la glorieuse épreuve fut
bel et bien la plus belle de toutes, et nous l'allons prouver tout à
l'heure.
A
l'heure d'attaquer la compétition, le plateau proposé donne l'eau à la
bouche, tant toutes les nations majeures, à l'exception des Pays-Bas,
non qualifiés, disposent a priori de formations armées pour aller au
bout: la France et son carré magique, l'Italie tenante du titre,
l'Allemagne toujours au rendez-vous, l'Angleterre de Lineker, le Brésil
et ses artistes et l'Argentine emmenée par Maradona. Attendues au
tourant, cinq de ces six équipes accèdent aux quarts de finale, la
France éliminant l'Italie en huitièmes.

Outre
cet excellent niveau d'ensemble et la valeur intrinsèque des possibles
vainqueurs, le Mondial 86 fut riche en rencontres haletantes et
spectaculaires. Tout au long du tournoi, Français et Brésiliens
proposèrent un jeu technique et tourné vers l'attaque qui ravit les
esthètes, et l'affrontement en quart de finale entre Platini, Giresse et
Tigana d'un côté et Socrates, Careca et Zico de l'autre a gagné sa
place dans la légende de la compétition. Parmi les sommets de jeu
qu'offrit cette remarquable cuvée, citons également le 6-1 collé par le
Danemark à l'Uruguay en poules, le triplé de Lineker contre la Pologne,
le nul intense entre la France et l'URSS, le quadruplé de Butragueno
contre le Danemark, le spectacle magnifique du huitième entre cette même
URSS et la Belgique (3-4 après prolongations) et l'historique
dramaturgie du choc entre l'Argentine et l'Angleterre en quart de
finale.
La finale, ponctuée de cinq
buts (seule celle de 1958, symbole d'un football d'une autre époque,
fut plus prolifique), accoucha d'un scénario à rebondissements, la RFA
remontant un handicap de deux buts avant de s'incliner 3-2. Depuis, neuf
malheureux buts ont été marqués en six finales. Bizarrement, la moyenne
de pions par match ne fut que de 2,52, quatrième plus mauvais score
depuis la guerre: comme quoi la qualité d'une compétition ne s'évalue
pas seulement par les chiffres.
Evidemment,
pour faire un grand tournoi, il faut de grands joueurs, et, question
barons le Mondial 86 est plutôt bien pourvu: Platini, Socrates, Laudrup,
Francescoli, Lineker, Belanov, Rummenigge, Butragueno, Scifo,
Altobelli, Hugo Sanchez, sans oublier des gardiens extraordinaires
(Bats, Pfaff, Shilton, Dassaev) et, bien sûr, Diego Maradona. A
l'exception de Pelé, aucun joueur n'a dominé une Coupe du Monde comme le
génie argentin en 1986. Auteur de cinq buts et six passes décisives, le
Pibe de Oro a planté un but de légende (deux buts de légende, en fait)
contre l'Angleterre, éliminé la Belgique à lui tout seul avant d'offrir
le troisième but à Burruchaga en finale. Sans lui, l'Argentine n'aurait
été qu'une équipe moyenne. Avec lui, elle est devenue championne du
monde: aussi simple que cela. Objet des plus folles attentes et
des espérances de tout un peuple, Maradona a dribblé la pression avec
une aisance écoeurante et hissé son niveau de jeu à des hauteurs
vertigineuses.
Comme
lui, les autres cadors de la planète football n'ont pas déçu et ont su
porter leurs sélections respectives aux limites de leurs possibilités.
En Coupe du Monde, la pauvreté du spectacle tranche parfois avec le
caractère exceptionnel de l'épreuve et les fantasmes qu'elle suscite.
Contrairement à nombre de ses rivales, l'édition 1986 a tenu toutes ses
promesses et donné lieu aux grands duels attendus. Si nous la
considérons comme la plus belle de toutes, il ne nous déplairait pas de
la voir détrônée le plus tôt possible. Qu'il nous soit néanmoins permis
d'en douter.
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