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mercredi 9 novembre 2011

Gheorghe Hagi, intermittent du spectacle

En termes de talent pur et de finesse technique, Gheorghe Hagi soutient la comparaison avec les plus célèbres créateurs de l'histoire du jeu. Incroyablement doué et capable de gestes aussi géniaux qu'imprévisibles, celui que l'on  surnommait "le Maradona des Carpates" pouvait à tout moment jouer un mauvais tour à la défense adverse. Il savait tout faire avec sa patte gauche: rendre fous les milieux d'en face avec ses feintes et ses dribbles, trouver ses attaquants d'une pichenette ou d'une ouverture de soixante mètres, nettoyer la lucarne d'une frappe soudaine, conserver la chique en marchant. Ses mémorables coups francs ont forgé sa légende, et il reste comme l'un des tous meilleurs spécialistes de l'exercice jamais vu sur un terrain.


Hagi était un footballeur fantasque et excitant, qui dans un bon jour pouvait changer le visage d'une équipe à lui tout seul et rendre meilleurs ses coéquipiers, tant il est vrai que ce soliste d'exception savait aussi jouer pour et avec les autres. C'était également un joueur d'une grande inconstance, qui pouvait dsiparaître des saisons entières avant de ressortir de sa boîte pour mettre tout le monde d'accord, doublé d'une sacrée tête de lard. Hagi était une diva, une Callas du ballon rond, exaspérante et admirable, insupportable et grandiose, de la race des Stoïchkov, Cantona ou Romario.

Le prodige roumain se fait remarquer sous les couleurs du Sportul Studentesc, club qu'il rejoint à l'âge de dix-huit ans en 1983 et avec qui il marque près de soixante buts en un peu plus de cent apparitions. Le Steaua, club de l'armée proche du régime, ne tarde pas à faire venir Hagi, qui signe un an après le sacre de Dukadam et compagnie en Coupe d'Europe des Clubs Champions. Le joueur empile les pions et, aux côtés de Petrescu, Piturca et Lacatus, joue une demie-finale de C1 en 1988 puis une finale face au Milan AC l'année suivante.

hagiLes qualités exceptionnelles du joueur du Steaua lui valent d'être courtisé par les plus grands clubs italiens et espagnols, mais c'est finalement le Real Madrid qui arrache le morceau et recrute le phénomène à l'été 1990. La Maison Blanche est alors sous l'emprise de la "quinta del Buitre" de Butragueno et Michel, et Hagi ne parvient pas à exprimer son potentiel. Il quitte Madrid après deux saisons sans avoir convaincu ni peut-être d'ailleurs avoir cherché à convaincre (pour lui, il est évident que c'est lui le meilleur) et sur un constat d'échec relatif, puisqu'il marque tout de même douze buts en Liga en 1991-1992.

     Il passe ensuite deux saisons dans l'anonymat de Brescia avant de revenir en Espagne chez l'ennemi barcelonais, qui l'engage après sa magnifique World Cup américaine. Sous les ordres de Cruyff, Hagi déçoit une nouvelle fois et peine à s'intégrer au collectif catalan. A 31 ans, il signe au Galatasaray, où, au cours des cinq dernières saisons de sa carrière, il va devenir une sorte de dieu vivant: 60 buts en 130 matches de Süper Lig, quatre championnats consécutifs remportés, et surtout une Coupe UEFA conquise en 2000 aux dépens d'Arsenal à Copenhague.

A 35 berges, Hagi, encore capable de faire des misères aux meilleures formations européennes, s'offre et offre à la Turquie son premier titre continental. Au bout du compte, il n'aura jamais réussi dans des clubs dignes de sa classe mais aura brillé dans des formations de moindre envergure, comme s'il avait besoin de se sentir la star incontestée et ne supportait pas de devoir lutter pour surpasser la concurrence. Courir à l'entraînement pour gagner sa place, très peu pour lui. Dans son esprit, ladite place lui revenait de droit. Caractériel et égotique, Hagi avait besoin qu'on lui donne les clés de la boutique, ou plus exactement une couronne et un sceptre, et que son statut iconique ne soit jamais remis en cause par qui que ce soit. Il n'était jamais meilleur que dans une position de confort et quand il faisait l'objet de toutes les adorations et de tous les fantasmes. 

Adulé par ses compatriotes, Hagi, intermittent en club, n' a jamais déçu sous le maillot jaune de la sélection, dont il demeure encore aujourd'hui le meilleur buteur avec 35 réalisations en 125 sélections entre 1983 et 2000. Ses performances lors de la Coupe du Monde 1994, où il avait martyrisé la Colombie et l'Argentine et permis à la Roumanie d'atteindre les quarts de finale, restent dans toutes les mémoires, notamment sa frappe aberrante de près de quarante mètres contre les Cafeteros et son récital face à l'Albiceleste de Batistuta. Avec Dimitrescu et Raducioiu, deux autres excellents joueurs qui n'ont jamais rien fait en club, il formait un trio redoutable et complémentaire.

En 2000, fidèle à sa réputation, il fut exclu lors du quart de finale de l'Euro perdu contre l'Italie, et mit un terme à sa carrière internationale sur un carton rouge  après avoir disputé trois Coupes du Monde et trois championnats d'Europe avec son pays. Hagi est de loin le meilleur joueur roumain de l'histoire et l'un des plus brillants artistes de rectangle vert des années 90. Car s'il avait un tempérament impossible, il avait aussi la classe des plus grands.





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