Lorsqu
e
Cesare Prandelli prend en main la sélection nationale, le football
italien nage en plein marasme. La Squadra Azzurra de Lippi, indigente et
fébrile, incapable de gagner le moindre match, vient de se faire sortir
au premier tour de la Coupe du Monde par la Slovaquie. L'Italie n'avait
pas subi une telle humiliation lors d'un tournoi mondial depuis le
Weltmeisterschaft de 1974, où elle avait terminé troisième de sa poule
derrière la Pologne et l'Argentine.

Un an et demi après sa nomination, Prandelli affiche un bilan plus que présentable et a atteint l'objectif minimal fixé, la qualification pour l'Euro, tout en redonnant une cohésion et une identité à l'équipe.
Placé dans une position similaire à celle de Laurent Blanc au début de
son mandat, le sélectionneur italien peut sans doute aujourd'hui
s'appuyer sur davantage de certitudes que son homologue français. Les
deux hommes ont utilisé des stratégies similaires et ont ceci en commun
de ne pouvoir compter sur une génération exceptionnelle, mais au petit
jeu des comparaisons, c'est l'homme de Lombardie qui l'emporte.
Joueur
multi-titré mais secondaire de la grande Juventus des années 80,
Prandelli a connu en tant qu'entraîneur une réussite exceptionnelle en
club. Avec le Parme de Gilardino, il a termine deux fois de suite à la
cinquième place de championnat en 2003 et 2004. Entre 2006 et 2010, il
est parvenu à qualifier à trois reprises la Fiorentina pour la Champions
League. En 2006-2007, la Viola, frappée de plein fouet par le scandale
des matches truqués, écope d'une pénalité de quinze points mais réussit
finalement à se hisser à la sixième place du classement. Sans son
handicap, le club aurait fini sur le podium. Grâce notamment à un
Jovetic en feu, l'équipe florentine atteint les huitièmes de finale de
la Champions League en 2010, ne se faisant éliminer que d'extrême
justesse par le Bayern, futur finaliste.
Au
vu de ses résultats, il est logique que Prandelli, élu meilleur
entraîneur de Serie A en 2008, se soit vu proposer le poste de
sélectionneur. En termes de compétences, le bonhomme est irréprochable,
et il semblait la personne idéale pour donner un nouveau souffle à la
sélection, Lippi ayant eu trop tendance à faire confiance aux vieux gr
ognards
et à rester fidèle à une idéologie restrictive. Prandelli aurait pu
choisir d'entraîner une grosse bécane de Serie A (il fut d'ailleurs
pressenti un moment à la Juve) et tenter de remporter un Scudetto, mais
il a fini par céder aux appels du pied de la fédération.

On
le sait, entraîneur et sélectionneur sont des fonctions très
différentes. A la tête d'une équipe nationale, un technicien ne peut
avoir le même impact technique et tactique sur son groupe et ne dispose
que de courtes plages pour tenter de mettre en pratique ses préceptes.
Prandelli, homme de terrain, fondu de ballon rond notoire, poseur de
quilles à répétition, a dû accepter de quitter un métier dont le
quotidien le passionnait, mais il n'a pas pour autant renoncé à ses
principes. Les équipes qu'il a entraînées ont toujours cherché à
produire du jeu et, sous ses ordres, la Nazionale est entrée dans l'ère
de la modernité.
Prandelli
a compris que les bonnes vieilles recettes qui ont fait les succès de
l'Italie (blindage coffre-fort, opportunisme, rouerie, rigueur tactique)
ne suffisaient plus et qu'il fallait aborder les rendez-vous
internationaux avec davantage d'ambition. Résultat: fidèle à son 4-4-2,
il a fait de sa Squadra une équipe équilibrée et agréable à regarder,
plutôt portée vers l'avant sans ouvrir grand la porte de derrière (deux
buts seulement encaissés en qualifications). Il a peuplé son milieu
d'éléments polyvalents et adroits, capables à la fois de tenir la chique
et d'assurer la récupération. En attaque, plutôt que de miser sur la
puissance, il a souvent fait le choix de la vitesse en associant deux
petits gabarits qui peuvent combiner et jouer dans la profondeur.
Prandelli
a tourné la page sur les Cannavaro, Grosso, Camoranesi, Zambrotta. En
défense, autour de l'indéboulonnable Giorgio Chiellini, il a donné leur
chance à des joueurs comme Balzaretti ou Ranocchia et relancé Barzagli,
régulièrement titulaire avec la Juve depuis son retour d'Allemagne. Les
clés de la boutique appartiennent évidemment à
Andrea
Pirlo, soutenu par d'excellents joueurs de ballon comme Riccardo
Montolivo, que Prandelli avait installé comme son meneur de jeu à la
Fiorentina, Claudio Marchisio, Alberto Aquilani, Daniele De Rossi.
La
grave blessure de Giuseppe Rossi et les problèmes de santé de Cassano
vont obliger Prandelli à repenser son système offensif, puisqu'il
s'était jusqu'à présent largement appuyé sur ces deux joueurs. Les
solutions ne manquent pas: l'insupportable Balotelli plante à tour de
bras, Matri en est à 15 pions en 25 matches avec la Juve, Pazzini peut
rendre des services et l'Italo-Argentin de la Roma Pablo Osvaldo a joué
une demie-heure contre l'Irlande du Nord. Dans la perspective de l'Euro,
l'Italie part évidemment avec plusieurs longueurs de retard sur
l'Espagne, l'Allemagne et les Pays-Bas, mais il ne fera pas bon croiser
la route de la Nazionale, pas franchement en manque de talent et animée
d'intentions nouvelles.
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