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samedi 22 septembre 2012

Etoile Rouge de Belgrade 91: du talent à revendre

prosi.jpgAvant la refonte de la C1 en 1992 et l'arrêt Bosman de 1995, certains clubs d'Europe de l'Est parvenaient à tirer leur épingle du jeu dans les compétitions européennes et à faire la nique aux grosses cylindrées occidentales. En 1986, le Steaua Bucarest de Duckadam, Balint et Lacatus, s'offre le scalp du Barça en finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions à Séville. Trois ans plus tard, le club roumain accède à nouveau à la finale grâce à l'émergence de jeunes joueurs comme Dan Petrescu et Gheorghe Hagi.


A ce jour, la dernière équipe issue d'Europe orientale à avoir atteint la dernière marche de la compétition reste l'Etoile Rouge de Belgrade, vainqueur de l'édition 1991 contre l'Olympique de Marseille. Depuis, sept pays se sont partagés les places de finalistes, les quatre nations majeures ne laissant que des miettes à la concurrence: Italie (12), Espagne (10), Angleterre (9), Allemagne (6), France (2), Pays-Bas (2), Portugal (1). Etant donné le poids croissant de la puissance financière et la concentration massive des moyens, il est à peu près certain qu'on ne verra plus jamais un club roumain, serbe ou croate mettre la main sur le trophée, et seuls Russes et Ukrainiens semblent en mesure de rivaliser grâce à leurs pétrodollars (le Chakhtar Donetsk a d'ailleurs joué un quart de finale en 2011 contre Barcelone).

D'un point de vue français, on a l'habitude d'entendre que l'OM était sur le papier le grand favori de la finale de Bari et que sa défaite aux tirs aux buts eut l'effet d'une mauvaise surprise. Certes, les champions de France possédaient avec le fameux trio Abedi Pelé-Waddle-Papin une force de frappe sans beaucoup d'équivalent sur le continent (trente buts européens à eux trois entre 1989 et 1993) et derrière, la défense de ballerines Di Meco-Mozer-Boli-Amoros avait de quoi faire trembler les cannes du plus kamikaze des attaquants.

darko.jpgMais leurs adversaires, s'ils n'étaient guère armés pour répondre à un éventuel défi physique, n'avaient strictement rien à envier aux Marseillais sur le plan footballistique et comptaient dans leurs rangs quelques éléments d'exception qui pour certains feraient par la suite les beaux jours de grands clubs italiens comme la Juventus, le Milan ou la Lazio. Ils pouvaient également s'appuyer sur l'expérience de l'excellent défenseur roumain Miodrag Belodedici, seul étranger présent dans le onze aligné au coup d'envoi et qui avait disputé l'intégralité de la finale 1986 sous le maillot du Steaua, à seulement vingt-deux ans.

La composition du milieu de terrain yougloslave donne une idée de la qualité technique de l'Etoile Rouge millésime 1991: Sinisa Mihajlovic, Vladimir Jugovic, Robert Prosinecki et Dejan Savicevic. Au sein de ce quatuor somptueux, où se mêlent créativité et sobriété, Savicevic, né en 1965 et présent au club depuis 1988, fait figure d'ancien, puisque les trois autres n'ont alors que vingt-deux ans. Prosinecki, véritable surdoué du football yougoslave et seul membre de l'équipe né en Croatie, n'a jamais réussi à s'imposer dans un grand club étranger (Real et Barcelone notamment), contrairement à Mihajlovic, Jugovic et Savicevic, auteur de brillantes carrières en Italie, les deux derniers cités remportant même à nouveau la coupe aux grandes oreilles, respectivement avec la Juventus en 1996 et le Milan AC en 1994.

Le trio totalise plus de 600 matches et près de cent buts en Serie A, 120 matches de Champions League (25 buts) et 157 sélections en équipe de Yougloslavie puis de Serbie (35 buts) entre 1991 et 2003. En 1999, Savicevic signe un retour-éclair à l'Etoile Rouge, ne disputant que que trois matches avec le club qui le révéla aux yeux de l'Europe avant de rejoindre le Rapid de Vienne, où il rendra encore de jolis services jusqu'à ses trente-six printemps.

Un autre joueur marche littéralement sur la flotte lors de cette glorieuse campagne européenne 1990-91: Darko Pancev, avant-centre et buteur en chef de l'équipe. Auteur de cinq pions en huit matches avant la finale, Pancev claque à l'aller et au retour contre les Rangers en huitièmes, marque à Dresde en quart de finale et égalise sur le terrain du Bayern en demie après l'ouverture du score de Wohlfahrt. L'année suivante, le Macédonien, Soulier d'Or 1991, plantera encore sept buts en onze rencontres de C1, permettant à l'Etoile Rouge de participer à la phase finale de l'épreuve (deux poules de quatre équipes, le premier de chaque groupe qualifié pour la finale). Malheureusement, à l'instar de Prosinecki, la suite de sa carrière s'avérera fort décevante, et Pancev ne signera plus la moindre saison correcte après son départ de Belgrade, que ce soit avec l'Inter, Leipzig ou Düsseldorf.

Lorsqu'une une équipe formée presque exclusivement de joueurs du cru, comme ce fut le cas avec l'Etoile Rouge cette année-là, la fuite des talents devient presque inévitable. Certains en profitent pour signer un contrat juteux, s'offrir la belle vie et franchir un palier sur le plan de la notoriété. D'autres, dont le talent ne pouvait s'exprimer que dans le cadre d'un collectif huilé et sous les couleurs de leur premier maillot, traînent comme un boulet leur incapacité à s'adapter à un autre contexte et doivent se contenter de bien agréables souvenirs. La page fut aussi courte que belle, et beaucoup se satisferaient d'avoir contribué à hisser leur club formateur jusqu'aux sommets du football européen.


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