Joueur
au parcours assez particulier, Davor Suker, qui fut l'un des attaquants
les plus efficaces de sa génération, a davantage marqué les esprits par
ses performances sous le maillot croate que sous ceux des divers clubs
qu'il a fréquentés. Sur le plan statistique, il n'a réussi qu'une seule
grande saison dans une grande équipe, à savoir celle qui suivit l'Euro
96, lors de laquelle il planta un paquet de pions pour le Real Madrid.
Vainqueur de la Champions League en 1998, il ne joue que quelques
minutes de la finale contre la Juventus, se faisant voler la vedette par
son compère d'attaque Pedrag Mijatovic, unique buteur de la rencontre.
Malgré
sa relative réussite à Madrid (38 buts en 86 matches de Liga tout de
même), Suker a sans doute laissé une trace plus importante dans
l'histoire du FC Séville, club moins huppé qui lui permit de franchir un
palier et où il fit preuve quatre années durant d'une remarquable
régularité. A l'image d'un Gheorghe Hagi,
qui semblait renaître dès qu'il enfilait la tunique jaune de la
Roumanie, ou à un degré moindre d'un Karel Poborsky, qui marqua lui
aussi l'Euro 96 de son empreinte, il n'était jamais aussi inspiré,
motivé et décisif que lorsqu'il portait le maillot rouge et blanc de la
sélection. Aux côtés des Bilic, Boban, Jarni, Asanovic et Vlaovic, il
fut tout près d'emmener son jeune pays en finale mondiale et jouit chez
lui d'une énorme cote de popularité.
Formé
dans sa ville natale d'Osijek, où il vit le jour en 1968, Suker rejoint
en 1989 les rangs du Dinamo Zagreb, où son talent éclate aux yeux de tous, à tel point qu'il se voit appelé par le sélectionneur pour la première fois quelques mois après son transfert. L'Europe convoite ce jeune attaquant plus que prometteur, et c'est finalement le FC Séville qui parvient à faire signer à Suker son premier contrat à l'étranger.
Très rapidement, le Croate s'impose parmi les meilleurs buteurs de la Liga et enfile les pions avec une constance métronomique (13, 24, 17 et 16 réalisations entre 1992 et 1996). A vingt-huit ans et après un Euro de toute beauté qui l'a révélé au grand public, il s'attire logiquement les faveurs du grand Real, club qui paraît davantage à la mesure d'un joueur qui fait désormais partie du gratin du football européen.
Après
une première année de toute beauté (24 buts et un titre de champion),
Suker peine à maintenir la cadence et, relégué sur le banc, finit par
accepter une proposition d'Arsenal en 1999. Il quitte l'Espagne avec la
satisfaction d'avoir franchi la barre des cent buts en championnat (108
en 197 matches pour être précis). Avec les Gunners, il montre qu'il a
encore de jolis restes et plante 8 buts en 22 rencontres de Premier
League, ce qui ne suffit pourtant guère à convaincre Wenger
de le conserver. Le buteur croate termine sa carrière dans l'anonymat
en Bundesliga, sous le maillot de Munich 1860, après un bref passage à
West Ham.
Meilleur
buteur de l'histoire de la sélection croate, Suker prend littéralement
feu lors des éliminatoires de l'Euro 96, au cours desquels il inscrit
pas moins de douze buts en dix rencontres, permettant à son pays de se
qualifier pour son premier tournoi majeur. A vingt-huit ans, il a enfin
l'opportunité de participer à une grande compétition internationale, lui
qui ne joua pas une minute avec l'équipe yougoslave lors du Mundiale
italien de 1990. En Angleterre, il se fait remarquer en crucifiant
Schmeichel d'un lob magistral lors du dernier match de poule et en
égalisant contre l'Allemagne en quart de finale, avant que Sammer ne
redonne l'avantage à la Mannschaft.
Avec
trois buts en quatre matches et une défaite honorable contre le futur
vainqueur, Suker s'adjuge la reconnaissance du grand public, lui dont le
club a terminé la saison à une modeste douzième place en Espagne, à
près de quarante points de l'Atletico Madrid. Grâce à Boksic, Bilic et
Vlaovic, tous trois buteurs lors du barrage face à l'Ukraine (2-0 à
Zagreb, 1-1 à Kiev), la Croatie gagne son billet pour le Mondial 98, une
épreuve que Suker va éclabousser de sa classe après une saison pourtant
compliquée avec le Real.
En
réussite dès le début du tournoi, Suker marque le troisième but croate
contre la Jamaïque et le seul pion du match contre le Japon. S'il reste
muet lors de la courte défaite contre l'Argentine à Bordeaux, le
meilleur reste encore à venir. En huitièmes, il transforme le penalty
qui élimine la Roumanie avant de martyriser la défense allemande en
quart (il provoque l'expulsion de Wörns en première mi-temps) lors de
ce qui reste l'une des plus humiliantes
défaites de l'histoire de la Mannschaft. Suker, qui signe un fort joli
but et régale Gerland de quelques gestes de grande classe, marche sur
l'eau, à l'image d'un onze croate inarrêtable. La France se méfie
évidemment du bonhomme en demi-finale, ce qui ne l'empêche pas d'ouvrir
le score en début de deuxième période sur une ouverture parfaite
d'Asanovic, dans un Stade de France tétanisé.
Lors
du match pour la troisième place, face à une formation néerlandaise
quelque peu démobilisée, il porte son total à six réalisations pour
s'offrir le titre de meilleur buteur de la Coupe du Monde et s'inviter à
la table des grands, celle des Müller, Kempes et autres Stoïchkov. Elu
meilleur joueur croate de l'année à six reprises, il termine cette
année-là deuxième du classement du Ballon d'Or derrière Zidane. Les
statistiques de Suker sous le maillot croate forcent l'admiration: 46
buts en 71 sélections de 1990 à 2002, dont 6 en 8 matches de Coupe du
Monde, 3 en 4 matches de championnat d'Europe et 23 en 32 rencontres
d'éliminatoires. En ce qui concerne les buteurs, les chiffres en disent
souvent plus long que les mots.
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