
Nous avions consacré il y a quelques temps un papier à ce que nous avions appelé
"les Bleus improbables",
c'est-à-dire à ces tâcherons quelconques qui n'auraient jamais dû avoir
l'honneur de revêtir la tunique bleue frappée du coq. Article-miroir,
celui-ci s'arrête sur dix excellents joueurs qui, pour des raisons
diverses et variées (forte concurrence au poste, Raymond Domenech,
manque de médiatisation du club entre autres), n'ont jamais porté le
maillot de l'équipe de France, ne serait-ce que pour un match amical en
bois. On ne peut guère dire qu'il s'agisse là d'un scandale manifeste
pour les types concernés, mais il est certain que tous auraient mérité
leur chance à un moment ou à un autre, d'autant que les heureux élus
sélectionnés à leur place furent loin d'être toujours indispensables.
Sur les dix joueurs retenus ici (ils l'auront été au moins une fois),
trois sont encore en activité mais ne fouleront certainement jamais les
terrains de Clairefontaine. Pour les autres, le train est déjà passé,
sans nécessairement d'ailleurs qu'ils en conçoivent une grande amertume.
Ils font partie de ces joueurs à qui la sélection s'est toujours
refusée, sans qu'il soit forcément possible d'expliquer pourquoi.
Sylvain Armand (né en 1980, défenseur)

Régulier,
professionnel jusqu'au bout des crampons, taulier de vestiaire, Armand,
qui a disputé près de 400 matches dans l'élite, a toujours été snobé
par les sélectionneurs, fait d'autant plus incompréhensible que l'ancien
Nantais, latéral gauche de métier, peut rendre des services dans l'axe,
comme il le fit sous Kombouaré en 2010-2011. Peu de joueurs du
championnat peuvent se targuer d'avoir aligné dix saisons à trente
matches minimum en faisant preuve d'un tel sérieux et d'une telle
constance dans la performance. Quand on pense qu'un type comme Evra
cumule 43 sélections et semble reparti pour un tour et qu'un surcoté
notoire comme Cissokho fut convoqué par Domenech, il y a matière à
bisquer.
Ignoré par Lemerre (qui a quand même fait jouer Gillet à la
Coupe des Confédérations) à l'époque nantaise malgré le titre de
champion en 2001, Armand a ensuite payé les saisons galère du PSG, dont
il reste quoi qu'on en dise l'un des meilleurs atouts défensifs. Du
genre fidèle, il n'a porté que deux maillots au cours de sa longue
carrière et a toujours été hautement apprécié par ses entraîneurs et
coéquipiers. A trente-deux ans, il est à peu près certain qu'Armand ne
connaîtra jamais les honneurs d'une sélection pourtant méritée.
Ali Benarbia (né en 1968, milieu de terrain)

Après
avoir débuté sa carrière à Martigues, pour qui il joue jusqu'à l'âge de
vingt-sept ans, Ali Benarbia se révèle sur le tard avec l'AS Monaco,
signant une superbe première saison en Principauté et décrochant le
titre en compagnie des Scifo, Henry, Anderson, Trézéguet et autres
Ikpeba (quelle équipe mes enfants). Après une autre année avec l'ASM, il
signe aux Girondins, où il forme avec Micoud un duo extraordinaire de
techniciens pourvoyeurs de caviars, et remporte un nouveau titre en
1999. Auréolé du statut de meilleur joueur UNFP du championnat, Benarbia
rejoint un troisième grand club français, le PSG, avec qui il termine
la saison 1999-2000 à la seconde place derrière Monaco.
A trente-deux
ans, le joueur attend toujours une première convocation et, lassé
d'attendre, opte finalement pour le maillot de la sélection algérienne,
pour qui il dispute son premier match en septembre 2000 face au Burkina
Faso. Comme beaucoup d'autres, Benarbia eut la malchance de tomber sur
Zidane mais aussi sur son ancien coéquipier Micoud, talent rare
considéré à juste titre comme la doublure la plus crédible du maestro.
Avant de s'exiler au Qatar, il disputa deux saisons pleines avec City de
2001 à 2003 (dont la première en deuxième division), prenant part à 80
rencontres et marquant huit buts.
Mathieu Bodmer (né en 1982, milieu de terrain)

Vous
l'aurez compris, cher Jean-Pierre Liégeois (merci au passage pour votre
carte postale du Var), l'ancien Lillois fait partie des petits protégés
de LPC, qui ne rate jamais une occasion de mettre en avant ses qualités
et d'user de toute sa puissance de lobbying pour qu'il ait enfin
sa chance en équipe de France.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'écrire, Bodmer présente un
profil quasiment unique dans le football français et sa polyvalence
aurait dû en faire l'un des piliers de la sélection. Combien de joueurs
sont comme lui capables de briller dans le jeu aérien, de trouver son
avant-centre d'une talonnade, d'assurer la conservation et la
circulation et de donner un coup de main à la récupération?
On
s'enflamme aujourd'hui sur un élément comme Capoue (comme on l'a fait
lors des premières prestations en bleu de M'vila) alors que lui ronge
son frein depuis des années et a sans doute raté son tour. Même s'il
aurait dû être appelé à l'époque lilloise, Bodmer peut remercier Puel de
l'avoir régulièrement collé sur le banc et de l'avoir fait trop jouer
en défense centrale. Auteur de deux saisons consistantes avec le PSG, il
n'a jamais été retenu par Blanc malgré le flou dans la hiérarchie au
milieu. Il est vrai que le sauveur désigné de la patrie s'appelait alors
Marvin Martin.
Benoît Cauet (né en 1969, milieu de terrain)

Milieu
de terrain polyvalent et travailleur dont ses entraîneurs ont toujours
dit le plus grand bien, Cauet signe trois saisons pleines avec l'Inter
sans jamais parvenir à s'attirer les faveurs de Jacquet qui, dans un
registre similaire, lui préfère Boghossian ou Laigle. Révélé sous le
maillot caennais, il fait partie du groupe nantais sacré champion de
France en marchant sur l'eau en 1995. La France apprend alors à
connaître ce joueur atypique mais précieux, au rôle assez compliqué à
définir (ni milieu relayeur technique ni récupérateur pur) mais qui sait
se rendre indispensable au collectif par son abattage et son volume de
jeu.
Recruté par le PSG en 1996, il dispute la finale de la Coupe des
Coupes perdue de peu face au Barça en 1997 à Rotterdam avant de
rejoindre sous le maillot nerazzurri un autre ancien Parisien, Youri
Djorkaeff. Titulaire régulier dans l'entrejeu, il participe à une
centaine de matches de Serie A entre 1997 et 2001 et remporte la Coupe
UEFA en 1998 face à la Lazio au Parc des Princes. Il évolue ensuite au
Torino, puis à Côme et signe encore une saison pleine avec Bastia en
2003-2004.
Alain Caveglia (né en 1968, attaquant)

Comme
on dit sur Canal Plus, parfois les statistiques en disent plus qu'un
long discours. Voici donc ladies and gentlemen le nombre de buts
inscrits par Alain Caveglia (le premier Cavegol, avant Cavenaghi) saison
par saison entre 1994 et 1999: 15/20/11/19/10/17, soit un total de 92
pions en 200 matches de première division. Sur la période, personne ne
fait mieux dans l'hexagone. Révélé sous le maillot de Gueugnon (24 buts
en D2 en 1989-90), il explose lors de sa troisième saison en D1 avec
Sochaux, signe deux superbes saisons avec le HAC entre 1994 et 1996 puis
rejoint Lyon, son club formateur, avec qui il découvre la Coupe
d'Europe, porte quelques fois le brassard et plante 60 buts toutes
compétitions confondues entre 1996 et 1999.
La réussite qu'il connaît
sous les couleurs lyonnaises ne lui ouvre pourtant pas les portes de
l'équipe de France, Jacquet lui préférant par exemple Mickaël Madar.
Buteur d'instinct capable de gestes spectaculaires et de reprises de
volée fracassantes, il devra attendre l'âge de trente-deux ans et sa
quatorzième saison professionnelle pour remporter son premier titre, la
Coupe de France en 2000, au terme d'une finale face au Calais qu'il fait
basculer en obtenant un pénalty plus que litigieux. Avec 104 buts en
313 matches, Caveglia occupe le 69ème rang au classement des buteurs du
championnat et le 56ème parmi les joueurs français.
Benoît Cheyrou (né en 1981, milieu de terrain)

Comme
Mathieu Bodmer, Cheyrou bénéficie d'une grosse cote à LPC, qui apprécie
sa justesse technique, son sens de la passe, sa qualité de frappe et
son opportunisme. Appelé par Raymond la science en février 2010 pour un
match amical contre l'Espagne, il ne foule pas la pelouse du Stade de
France et n'a jamais plus été retenu depuis. On voit mal Deschamps, qui
le faisait régulièrement cirer le banc à Marseille parce qu'il n'avait
pas assez de muscles et trop de ballon, lui offrir une opportunité
tardive. Partout où il est passé (Lille, Auxerre, Marseille), le frangin
de Bruno a rendu de précieux services, mais c'est à l'OM qu'il a pris
une dimension nouvelle pour s'imposer parmi les meilleurs milieux de
l'hexagone.
Recruté en 2007, il fait partie de l'équipe-type de Ligue 1
UNFP au terme de sa première saison et son entraîneur Eric Gerets, qui
connaît vaguement la chose footballistique, voit en lui un possible
cadre des Bleus. Champion et auteur d'une année remarquable, il aurait
mérité (façon de parler hein) d'être du voyage en Afrique du Sud mais
Raymond lui préféra Jérémy Toulalan. Modèle de constance, Cheyrou reste
sur six saisons consécutives à 32 matches de championnat ou plus, onze à
au moins un but et a attaqué l'exercice en cours par un superbe reprise
victorieuse sur le terrain rémois.
Antoine Sibierski (né en 1974, attaquant)

Joueur
adroit devant le but, techniquement impeccable et redoutable dans le
domaine aérien grâce à son 1,88m, Sibierski pouvait aussi bien occuper
la pointe de l'attaque et offrir un point d'ancrage à l'équipe
qu'évoluer en position de milieu offensif, où il faisait parler sa vista
et son sens du jeu. Auteur de 65 buts en première division entre 1994
et 2003 (16 avec le LOSC, 9 avec l'AJA, 17 avec Nantes et 23 avec Lens),
Sibierski s'impose dès ses années lilloises comme une valeur sûre du
championnat, même s'il n'atteint pas des sommets en termes statistiques
(son meilleur total sur une saison reste de 13 buts avec le FCNA en
1999-2000) et connaît de récurrents soucis de blessures qui l'éloignent
régulièrement des terrains.
En 2003, après une excellente année avec
Lens, il signe à Manchester City, dont il sera un titulaire à part
entière trois saisons durant, avant de porter les maillots de Newcastle
et de Wigan, où il gagne le respect des fans. Sélectionné pour les Jeux
Olympiques d'Atlanta en 1996 aux côtés de Maurice, Pirès, Wiltord,
Dacourt et Makélélé, il dispute deux rencontres et marque le deuxième
but des Bleuets contre l'Arabie Saoudite à Miami. Il planta également à
l'occasion de sa seule sélection chez les A' en cette même année 1996.
Jean-Guy Wallemme (né en 1967, défenseur central)

Wallemme
est né en 1967, Laurent Blanc en 1965: voilà en grande partie pourquoi
Wallemme, qui a subi la concurrence d'autres excellents liberos comme
Paul Le Guen ou Alain Roche (bien meilleur défenseur que recruteur),
malgré une carrière riche et irréprochable, n'a été appelé qu'avec les
Espoirs et les A'. Idole de Bollaert et véritable emblème du RC Lens
avec d'autres joueurs maison comme Sikora ou Vairelles, il fait preuve
d'une grande fidélité au Racing, qu'il accompagne en deuxième division
en 1989 malgré de nombreuses offres intéressantes pour un jeune
défenseur alors âgé de vingt-deux ans seulement. Il est fort probable
que si Wallemme avait alors rejoint un club plus en vue à l'époque comme
l'OM ou Bordeaux, il aurait eu sa chance à une période où l'équipe de
France, en mal de certitudes, se cherchait de nouveaux talents.
Il sera
récompensé de son attachement au Racing par un titre de champion en
1998, qu'il remporte après plus de 400 matches disputés sous le maillot
sang et or. Après treize ans de bons et loyaux services, il tente une
aventure à Coventry, pour un bilan plus que mitigé, passe deux saisons à
St-Etienne et revient logiquement boucler la boucle et presque rafler
un deuxième titre avec Lens en 2001-2002. Un défenseur propre, précis
dans la relance, à l'aise balle au pied, doublé d'un véritable capitaine
de route.
Guillaume Warmuz (né en 1970, gardien de but)

Plus
de 350 matches dans l'élite, un titre et une Champions League disputée
avec Lens, des prestations constantes et de haut niveau mais pas la
moindre sélection pour le grand Gus, qui aurait peut-être pu être le
troisième gardien des Bleus en 1998 s'il n'avait pas manqué la moitié de
la saison précédente à cause d'une grave blessure au genou. On parle
quand même d'un type qui a réussi à s'imposer au Borussia Dortmund.
Warmuz n'est d'ailleurs pas le seul bon gardien de son époque (pas si
lointaine, puisqu'il a enlevé les gants en 2007) à ne pas avoir gardé
les cages de l'équipe de France, ne serait-ce que pour un pauvre match
amical du mois d'août, au contraire de Porato, Letizi, Ramé, Charbonnier
ou encore Dutruel: Pascal Olmeta, finaliste de la C1 avec l'OM en 1991
et vice-champion 1995 avec Lyon, n'a jamais visité Clairefontaine
(d'après lui c'est parce qu'il est corse mais nous ne nous aventurerons
pas sur ce terrain plus que glissant), tout comme Gaëtan Huard, dont le
nom reste associé à quelques fameuses boulettes mais qui fut un
remarquable portier et détient toujours le record de la plus longue
période d'invincibilté en championnat (1176 minutes entre la 17ème et la
31ème journée en 1992-93). Après tout, mieux vaut peut-être ne pas
accéder au rang d'international que de se déchirer dans les grandes
largeurs comme Letizi en Russie en 1998...
Stéphane Ziani (né en 1971, milieu offensif)

Formé
à l'école nantaise, Stéphane Ziani reste associé au sacre du RC Lens en
1998, auquel il contribua grandement. Auteur de onze buts et d'une
pelletée de passes décisives, le meneur de jeu signe la saison de sa
carrière, régale Bollaert et s'impose parmi les tout meilleurs milieux
du championnat. Joueur d'une grande finesse technique, doté d'une
remarquable vision du jeu, très à l'aise dans un registre de pur numéro
dix derrière les attaquants, Ziani brillait par sa conservation de
balle, sa capacité d'accélération et ses coups de patte au millimètre.
Il se montrait en prime très adroit devant le but et sur coup de pied
arrêté.
Malgré l'hégémonie zidanesque, certains milieux offensifs eurent
leur chance et signèrent pour certains un long bail avec la sélection
(Martins, Meriem, Micoud entre autres), mais lui fut toujours laissé de
côté. En 1998, il n'aurait guère été aberrant qu'il soit retenu par
Jacquet pour le Mondial (tout comme Vairelles d'ailleurs), mais Mémé
privilégiait la notion de groupe à la forme du moment. Comme Martins,
Ziani a évolué sous les couleurs du Deportivo La Corogne, avec qui il a
marqué 6 buts en 36 matches en 1998-99. Classe, il est ensuite revenu
prêter main forte au FCNA avant de terminer sa carrière en Corse.
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