Leeds-La Corogne 2001: une demie pour le gang

Moins habituée à faire la une des journaux que les grosses cylindrées de Premier League, l'équipe de Leeds United, huit ans après avoir révélé Cantona à l'Angleterre, bouscule à nouveau la hiérarchie en se classant troisième du championnat devant Liverpool et Chelsea. Les joueurs du toujours impeccable David O'Leary, également demi-finalistes en Coupe UEFA (ils sont éliminés par le futur vainqueur Galatasaray après avoir sorti le Spartak et la Roma), permettent au club de jouer dans la cour des grands et de se qualifier pour la Champions League.

Au premier tour, ils déjouent les pronostics et parviennent à s'extraire d'une poule très compliquée dont ils terminent deuxièmes derrière le Milan AC mais devant le Barça, qui prend la porte prématurément. Lors de la seconde phase de groupes (une magnifique formule pondue par les têtes pensantes de l'UEFA pour multiplier les matches et donc les retransmissions), Leeds tire encore son épingle du jeu grâce à deux succès sur Anderlecht et une victoire cruciale au Stade Olympique face à la Lazio, championne d'Italie en titre. A nouveau deuxièmes de leur poule, derrière le Real Madrid cette fois, les mighty whites franchissent un nouveau palier et se gagnent leur ticket pour les quarts de finale de la grande Coupe d'Europe, une première pour le club du Yorkshire depuis 1975.

Emmenée par son duo d'attaque australien Kewell-Viduka, l'équipe de Leeds United, presque exclusivement anglophone, compte dans ses rangs une poignée d'éléments peu fréquentables (Rio Ferdinand, Lee Bowyer et Alan Smith notamment) qui multiplient les mauvais coups sur et en dehors du terrain et valent au club une image sulfureuse. A l'heure où la Premier League se "continentalise" et tourne le dos aux bonnes vieilles recettes du kick and rush, le gang des lads du Yorkshire se fait une place au sommet en montrant les dents et jouant des coudes, avec un football à l'ancienne, physique, direct, intense.

Olivier Dacourt, qui ne fuit jamais le combat et s'appuie sur une technique épatante, crève littéralement l'écran dans l'entrejeu, tandis que des valeurs sûres comme le portier Nigel Martyn, le latéral Ian Harte ou le capitaine sud-africain Lucas Radebe amènent leur calme et leur savoir-faire à l'ensemble. Qu'on ne s'y trompe guère braves gens: ce Leeds United du début des années 2000, certes rugueux et agressif à souhait, n'a rien d'un sombre ramassis de bûcherons, même si le jeu qu'il pratique ne s'embarrasse pas de fioritures. On ne se hisse pas parmi le grand huit européen en éliminant le Barça et la Lazio avec un football à la Wimbledon époque Vinnie Jones et des chaussures à bout carré. On peut jouer dur et jouer bien, à l'image du tandem Scholes-Keane, dominateur avec ManU à l'époque.

C'est le Deportivo La Corogne de Djalminha et Makaay, champion d'Espagne, qui se dresse sur la route du club anglais en quart de finale. Avant la double confrontation, le milieu de terrain du Depor Victor déclare qu'il considère Leeds comme la plus faible des équipes encore en lice (les six autres étant le Bayern, Galatasaray, le Real, United, Valence et Arsenal). La formation galicienne, rompue aux joutes européennes, se voit déjà dans le dernier carré. Trop sûrs de leur supériorité, les partenaires de Fran se font littéralement rentrer dans le lard par leurs hôtes bien peu accueillants et repartent d'Elland Road avec un 3-0 dans la musette (trois buts signés Harte sur coup franc, Smith et Ferdinand).

Grands spécialistes des renversements de situations à domicile (comme peuvent en témoigner le PSG et le Milan AC), les joueurs du Depor s'imposent 2-0 au Riazor, score insuffisant pour refaire leur handicap. C'est une autre équipe espagnole, le FC Valence, irrésistible en ce printemps 2001, qui met fin en demi-finale à l'épopée européenne de Leeds United, incapable d'inscrire le moindre but sur les deux manches (0-0 à Elland Road et 0-3 à Mestalla). Seuls Alan Smith et Rio Ferdinand atteindront à nouveau ce stade de la compétition, sous le maillot de Manchester United.

Durant cette période dorée, le club, présidé par Peter Risdale, vit au-dessus de ses moyens et s'endette de manière totalement aberrante. Après O'Leary, les entraîneurs se succèdent sur le banc de (Venables, Reid, Wise entre autres), mais la situation financière critique plombe les résultats, puisque Leeds se voit contraint de vendre tous ses meilleurs joueurs (Ferdinand, Kewell, Viduka, Dacourt et Smith font tous leurs valises entre 2002 et 2004). Lors de la saison 2003-2004, l'équipe est rétrogradée en Championship (deuxième division), puis en troisième division suite à une pénalité de dix points infligée en 2007. Remontée à l'étage supérieur en 2010, l'équipe ne s'est jamais mêlée depuis à la bagarre pour retrouver la Premier League et a terminé la saison 2012-2013 seulement cinq points au-dessus de la zone de relégation: autant dire qu'Elland Road risque de patienter un sacré bail pour respirer à nouveau le parfum des grandes soirées européennes.


4 avril 2001, Elland Road, Leeds: Leeds United 3 - Deportivo La Corogne 0
Buteurs: Harte (25), Smith (51), Ferdinand (66)
Leeds United: Martyn- Mills - Ferdinand - Matteo - Harte - Bowyer - Dacourt - Batty - Kewell (Wilcox 84) - Smith - Viduka
Deportivo La Corogne: Molina - Manuel Pablo - Romero - Naybet - Cesar - Scaloni (Tristan 72) - Emerson - Duscher (Valeron 55) - Fran (Pandiani 71) - Djalminha - Makaay