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samedi 14 septembre 2013

Real, la stratégie de l'échec

Cela fait maintenant plus d'une décennie que le Real Madrid court après la fameuse decima, autrement dit son dixième succès dans la grande Coupe d'Europe. Les socios pensaient sans doute que l'arrivée sur le banc de Mourinho permettrait enfin au club d'atteindre cet objectif, qui se fait toujours plus obsessionnel à mesure que les années passent, mais le technicien portugais n'a pas rempli sa mission. Vainqueur du trophée avec Porto et l'Inter, le Mou a échoué par trois fois aux portes de la finale, subissant la loi du Barça et des deux géants allemands. Pour calmer la colère des supporters, exaspérés par les choix et les déclarations du Special One, et continuer à leur vendre du rêve, Florentino Perez a décidé de revenir aux bonnes vieilles méthodes: signer un chèque astronomique pour faire venir un nom ronflant, susciter le fantasme et faire les gros titres de la presse espagnole, quitte à ce que l'arrivée du phénomène nuise à l'équilibre de l'équipe.




Il ne s'agit pas ici de remettre en cause les qualités évidentes de Gareth Bale, auteur d'une saison époustouflante en Premier League et de quelques prestations remarquables sur la scène européenne, ni de s’appesantir sur le montant délirant de son transfert. La vraie question à se poser est la suivante: comment le collectif madrilène version 2013-2014 pourrait-il s'avérer plus performant que son prédécesseur avec le Gallois mais sans Mesut Özil? Dévoreur d'espaces, capables de chevauchées au long cours et doté d'une superbe frappe de balle, Bale présente un profil assez similaire à celui de Cristiano Ronaldo, qui comme lui tend à provoquer les défenses côté gauche pour repiquer dans l'axe. Les deux stars de l'effectif évoluent sensiblement au même poste et, pour lui faire une place dans le onze, Ancelotti se verra sans doute contraint de mettre Di Maria sur le banc et de placer Bale sur le flanc droit: difficile dans ces conditions de voir en Bale la pièce manquante du puzzle.

Au sein de l'équipe madrilène vainqueur de la Champions League 2002 évoluait un certain Claude Makélélé, qui tenait la baraque quasiment à lui tout seul dans l'entrejeu et permettait aux créateurs de s'exprimer à leur guise. Le club commit une grave erreur en laissant partir son milieu récupérateur pour Chelsea, mais la vente d'Özil à Arsenal tend à démontrer que le club n'a manifestement pas tiré les leçons du passé. Dans un tout autre registre évidemment que le Français, Özil brillait par sa capacité à faire jouer les autres autour de lui, à mettre de l'huile dans les rouages et à faire le lien entre les solistes de l'attaque. La cohérence et l'efficacité du système offensif merengue dépendaient en grande partie de ce chef d'orchestre tout entier tourné vers le collectif, surdoué techniquement et à la lecture du jeu impressionnante, qui restait accessoirement sur une soixantaine de passes décisives en trois saisons. Quand on a la chance de posséder sur un tel joyau dans ses rangs, on construit autour de lui plutôt que de s'en débarrasser pour faire de la place à un autre.

Le Real, standing du club oblige, compte quelques de milieux de terrain offensifs de classe mondiale dans son effectif, mais on doute que l'un deux puisse remplir le vide laissé par le meneur de jeu de la Mannschaft. Autre organisateur de premier ordre, Modric, plutôt milieu relayeur que véritable numéro 10, évolue un cran plus bas et plus près de Khedira et Xabi Alonso, tandis qu'Isco, la nouvelle coqueluche de Bernabeu, se distingue principalement par sa faculté d'élimination et son sens du but. Gareth Bale, arrière latéral à ses débuts, peut s'avérer un excellent centreur, mais Özil savait se montrer décisif au coeur du jeu et dans une position axiale, où il pouvait tout aussi bien lancer les contres que trouver la faille dans le bloc adverse sur attaque placée.

D'un point de vue strictement sportif, signer Bale et laisser partir Özil ne tient tout simplement pas debout et amoindrit même a priori le potentiel du Real, mais Perez n'a que faire des considérations tactiques. Pour faire venir son nouveau joujou marketing, flashy et spectaculaire à souhait et dont l'arrivée va sans nul doute faire exploser la vente des maillots, il n'a pas hésité à se séparer d'un joueur indispensable, aussi apprécié par ses coéquipiers que par le staff technique. A court d'arguments footballistiques, le président madrilène s'est ridiculisé en mettant en cause l'hygiène de vie d'Özil, pourtant très régulier pendant trois ans sous le maillot merengue: qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Avec Bale, le Real devrait produire le "football de spectacle" cher à Perez et mettre des taules à Almeria ou Levante. Mais pour gagner une nouvelle Champions League, il faudra penser à construire une équipe plutôt qu'une machine à vendre du papier.



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