On entend beaucoup parler des techniciens espagnols en ce moment, et il faut en convenir à juste titre. Arteta réalise un travail formidable avec Arsenal, une équipe jeune à qui l'avenir appartient, Guardiola est en passe d'offrir un quatrième titre consécutif à City, Xabi Alonso va peut-être terminer la saison invaincu avec le Bayer Leverkusen et signer un triplé historique et Luis Enrique pourrait s'adjuger un joli doublé coupe-championnat en cas de succès face à l'OL (ne jamais cependant négliger la capacité du PSG à finir ses saisons en eau de boudin). Moins mis en avant parce qu'entraîneur d'un club moins médiatisé, Unai Emery mérite néanmoins tous les honneurs, lui qui a réussi à qualifier Aston Villa pour sa première Champions League depuis la saison 1983-84, une époque où le club de Birmingham figurait parmi les meilleurs d'Europe. Arrivé au club en octobre 2022 suite au limogeage de Steven Gerrard, Emery prend en mains les destinées d'une équipe qui n'occupe que la seizième place du classement et flirte dangereusement avec la zone de relégation. Sous la houlette d'Emery, Villa va remporter 15 des 25 matches restants et prendre 49 points sur 75 possibles, remontant jusqu'à la septième place, meilleur classement du club depuis 2011, et se qualifiant pour la Ligue Europa Conférence, compétition dans laquelle les Villains atteindront les demi-finales après avoir éliminé le LOSC. Il s'agissait ni plus ni moins de la seizième campagne européenne consécutive d'Emery, qui par le passé a également entraîné Séville, le PSG (le 4-0 au Parc avant la remontada, c'était avec lui sur le banc), Villareal et Arsenal. Emery est un grand spécialiste de la Ligue Europa, qu'il a remportée à quatre reprises (trois fois avec Séville et une fois avec Villareal).
Le parcours d'Aston Villa cette saison en Premier League est en tous points remarquable. Après un début d'exercice chaotique marqué par de lourdes défaites sur les terrains de Newcastle (1-5), Liverpool (0-3) et Nottingham Forest (0-2), le club trouve son rythme de croisière au mois de novembre et s'offre des succès de prestige contre Tottenham (une victoire essentielle en vue de la lutte pour la quatrième place) et surtout City puis Arsenal, que les hommes d'Emery battent à Villa Park à trois jours d'intervalle début décembre. Sauf erreur de notre part, Aston Villa reste la seule équipe à avoir battu Arsenal deux fois cette saison, puisque les Emery boys sont allés s'imposer à l'Emirates 2-0 le 14 avril, une défaite qui coûtera sans doute le titre aux Gunners, qui peuvent maudire leur ancien entraîneur de leur avoir joué un si mauvais tour. A une seule journée du terme de la saison, Aston Villa a compilé le respectable total de 68 points et signé 20 succès en championnat, se montrant intraitable à domicile où l'équipe a cumulé 40 points sur 54 possibles, ne s'inclinant que contre Newcastle, United et Tottenham. Il est simplement dommage que cette jolie saison n'ait pas été couronnée d'un sacre en Ligue Europa Conférence, une compétition dont les Villains étaient clairement les favoris avec Monsieur Coupe d'Europe sur le banc mais dans laquelle ils ont subi la loi de la grande surprise Olympiakos.
Cette qualification pour la prochaine Champions League, Emery la doit à quelques éléments clé dont il a su faire des titulaires réguliers et décisifs. Citons d'abord l'excellent gardien Emiliano Martinez, incarnation du cauchemar français en finale de Coupe du Monde 2022 et bourreau des Lillois à Pierre Mauroy. Le portier argentin, devenu un des meilleurs spécialistes du poste en Premier League, a su garder sa cage inviolée face à des cadors comme Arsenal, City ou Chelsea. Mentionnons également le défenseur central international Pau Torres, ancien joueur de Villareal transféré à Villa contre 33 millions d'euros en 2023. Même si Aston Villa a concédé 56 buts en Premier League (cinquième défense du championnat à égalité avec United), l'Espagnol forme une charnière performante et fiable avec le Brésilien Diego Carlos. Il s'agit de deux joueurs qu' Emery connaît parfaitement bien pour les avoir eus sous ses ordres à Villareal et Séville. Il ne faudrait pas oublier Lucas Digne, aligné à 32 reprises sur le côté gauche de la défense, ni le milieu de terrain international brésilien Douglas Luiz, pilier du club depuis 2019 et auteur de neuf buts en championnat, soit un de moins que l'excellent ailier jamaïcain Leon Bailey. Mais la grande confirmation de la saison se nomme à coup sûr Ollie Watkins, auteur de 19 buts en championnat et quatrième meilleur buteur de Premier League derrière Haaland, Palmer et Isak. Déjà auteur de quinze pions la saison dernière, le natif de Torquay compte 59 buts en 145 matches de championnat à son actif et devrait logiquement être appelé par Southgate pour le prochain Euro allemand au sein d'une attaque anglaise qui fait froid dans le dos avec Kane, Palmer, Saka, Foden, Solanke et Bowen.
C'est un véritable exploit qu'a signé Aston Villa en se qualifiant pour la prochaine Champions League puisque le club ne possède que le dixième budget de Premier League derrière les deux clubs de Manchester, Arsenal, Chelsea, Tottenham, Liverpool, Newcastle, West Ham et même Everton. Alors que des clubs comme Chelsea ou United ont dépensé sans compter et littéralement balancé le pognon par les fenêtres (62 millions pour Roméo Lavia, 116 pour Caicedo, 121 pour Enzo Fernandez, 82 pour Fofana, 70 pour Mudryk du côté de Chelsea, 75 millions pour Hojlund, 64 pour Mount, 95 pour Antony en ce qui concerne United), Villa a sous les ordres du très compétent directeur général Monchi, arrivé il est vrai sur le tard en 2023, réussi à bâtir un effectif cohérent et compétitif à peu de frais puisque le plus gros transfert de l'histoire du club se nomme Moussa Diaby avec 55 millions d'euros. Par petites touches, année après année, Aston Villa s'est reconstruit intelligemment en recrutant de manière pertinente et sans se ruiner: Douglas Luiz en 2019 pour 17 millions, Konsa en 2019 pour 13 millions, Watkins en 2020 pour 28 millions, Bailey en 2021 pour 32 millions, Digne en 2022 pour 30 millions, Diego Carlos en 2022 pour 31 millions, Pau Torres en 2023 pour 33 millions. A l'heure où les plus grosses cylindrées européennes font fi de toute décence et de tout sens de la mesure sur le marché des transferts, Aston Villa se présente comme un modèle de gestion et d'expertise en matière de recrutement avec un budget de 220 millions d'euros trois fois inférieur à celui de United. Aujourd'hui, Unai Emery peut sabrer le champagne et se projeter avec ambition vers la prochaine campagne, même s'il faudra peut-être faire sans Watkins, annoncé avec insistance du côté d'Arsenal.
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