A chaque fois qu'une compétition internationale pointe le bout de son nez, c'est la même rengaine: les "football's coming home" fleurissent, Albion revit le songe éveillé de 1966 et toute l'Angleterre se met à rêver d'un titre qui la fuit depuis la glorieuse époque du Swinging London. Cette année, les bookmakers placent l'Angleterre tout en haut de la liste des favoris du prochain Euro qui s'ouvre dans quelques jours en Allemagne en compagnie de la Mannschaft, toujours redoutable à domicile, de la France, meilleure nation européenne de la dernière Coupe du Monde, et du Portugal, qui possède peut-être sur le papier le meilleur milieu de terrain de la compétition. Il faut dire que l'équipe aux trois lions a atteint la finale du dernier tournoi européen à domicile, qu'elle a vaincu le signe indien des séries de tirs aux buts (même si elle s'est inclinée dans cet exercice face à l'Italie en 2021) et qu'elle possède un effectif qui mélange expérience et jeunesse d'une qualité jamais vue depuis l'ère des Gerrard, Lampard, Scholes, Beckham et Rooney, une génération dont on attendait monts et merveilles et qui n'a jamais rien gagné. Battue par la France en quart de finale au Qatar au terme d'un match qu'elle aurait largement pu remporter, l'Angleterre a soif de revanche et veut à nouveau imposer sa loi au vieux continent, elle qui se targue d'abriter le meilleur championnat au monde. Est-il vraiment raisonnable de penser que les Southgate boys peuvent aller au bout et mettre tout le monde d'accord, ou bien les espoirs d'un pays entier se fracasseront-ils à nouveau face à des nations qui ont déjà remporté l'Euro et connaissent la saveur suave de la victoire comme la France, l'Allemagne, le Portugal, l'Italie ou l'Espagne?
Intrinsèquement, le potentiel offensif de l'Angleterre est tout simplement effrayant. En la personne d'Harry Kane, la perfide Albion possède dans ses rangs le meilleur avant-centre de la planète, auteur d'une saison stratosphérique avec le Bayern, même s'il a confirmé sa réputation de chat noir en ne s'adjugeant aucun titre si ce n'est, maigre consolation, celui de meilleur buteur de la Bundesliga (question à dix mille dollars: une équipe peut-elle gagner un titre avec Kane?). Le prince Harry sera magnifiquement soutenu dans sa quête de sacre européen par des joueurs aussi talentueux et confirmés que Jude Bellingham, étincelant avec le Real cette saison, Phil Foden, élu meilleur joueur de Premier League et grand artisan du titre de City, Bukayo Saka, auteur de 16 buts et 9 passes décisives en championnat avec Arsenal, sans oublier les Cole Palmer (22 pions avec Chelsea), Ollie Watkins (19 grains avec Aston Villa), Jarrod Bowen (16 buts sous les couleurs de West Ham), Anthony Gordon, Ivan Toney et Eberechi Eze. Si Southgate, souvent taxé d'incompétence notoire outre-Manche, parvient à trouver la meilleure formule, le secteur offensif à sa disposition a de quoi faire exploser n'importe quelle défense. Adepte du 4-2-3-1, le sélectionneur anglais confiera-t-il le poste de meneur de jeu à Bellingham, qui s'est épanoui dans ce rôle en Espagne, ou donnera-t-il les clés du camion à Foden, excellent à la direction des opérations avec City? On imagine assez aisément un système avec Foden à gauche sur son vrai pied, Bellingham dans l'axe, Saka à droite et Kane en pointe, une attaque qui aurait vraiment une sacrée gueule.
Dans l'entre-jeu, Declan Rice, titulaire lors de la finale du dernier Euro aux côtés de Kalvin Phillips, a clairement franchi un cap et pris une sacrée épaisseur depuis son transfert à Arsenal pour s'affirmer comme l'un des meilleurs milieux de terrain de Premier League. Son abattage, sa faculté à ratisser les ballons et à impulser le premier mouvement vers l'avant, sa qualité de passe et de frappe seront plus que précieux pour la formation anglaise. A ses côtés, on pourrait retrouver le très prometteur Kobbie Mainoo, qui à 19 ans seulement pourrait être l'une des grandes révélations de cet Euro. Blessé en début de saison, le jeune espoir anglais a peu à peu gagné ses galons de titulaire à United, finissant l'année en trombe en étant élu meilleur joueur mancunien du mois de mai et en marquant le second but des siens en finale de FA Cup contre City. MVP du match amical contre la Belgique en mars, Mainoo a bluffé son sélectionneur par sa maturité et son calme et possède encore une belle marge de progression. Il devrait logiquement être préféré à des joueurs comme Conor Gallagher, le petit chouchou de Southgate, Adam Wharton, annoncé également comme un futur grand (à noter au passage que Crystal Palace est le premier pourvoyeur de la sélection avec Dean Henderson, Marc Guehi, Eberechi Eze et donc Adam Wharton) ou le très peu fiable Trent Alexander-Arnold, certes immensément talentueux mais incapable de s'imposer au milieu de terrain ou sur le flanc gauche de la défense de par sa grande porosité défensive. Dommage, car sa qualité de passe, de centre et de frappe sur coup de pied arrêté a peu d'équivalents en Europe.
Si l'on considère la liste de Southgate, il saute aux yeux que c'est le secteur défensif qui pourrait faire s'effondrer les rêves anglais (ne perdons pas de vue le fait que les grands tournois internationaux se gagnent d'abord et avant tout grâce à une solide assise défensive). Sur les côtés, le très fiable et expérimenté Kyle Walker, qui avait réussi à museler Mbappe au Qatar, et Kieran Trippier devraient tranquillement faire le boulot. Mais dans l'axe, le forfait du très décrié Harry Maguire, véritable pilier de l'arrière-garde anglaise, ne laisse à Southgate d'autre choix que d'aligner Marc Guehi, un joueur qui n'a jamais joué le moindre match de Coupe d'Europe, aux côtés de John Stones, jamais avare de boulettes lors des grands rendez-vous ("gaffe-prone" dirait-on en angliche). Si on la compare à celle de ses principaux concurrents, qui peuvent aligner des Ruben Dias, des Saliba (probablement le meilleur défenseur français, n'en déplaise à DD) ou des Rüdiger, cette charnière centrale paraît bien faiblarde, sans omettre le fait que Jordan Pickford a joué le maintien avec Everton et que Ramsdale s'est fait piquer sa place de numéro un à Arsenal par David Raya. Les autres solutions en défense se nomment Joe Gomez, Lewis Dunk, Luke Shaw et Ezri Konsa: pas franchement rassurant. Une certitude: pour gagner l'Euro, les Three Lions devront miser sur leur force de frappe offensive et marquer systématiquement un but de plus que l'adversaire, tant leur effectif apparaît déséquilibré sur le papier.
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