Pepe ne fait décidément pas son âge. A 41 ans, l'ancien boucher du Real Madrid, exécuteur des basses œuvres sous Mourinho, semble enfin s'être acheté une conduite et a sorti un match de patron face à la Turquie. Sorti sous les ovations des supporters portugais, le doyen de la compétition a multiplié les interventions tranchantes et régné dans le domaine aérien face à une opposition il est vrai limitée notamment par l'absence de la petite merveille Arda Güler en début de rencontre. Jamais pris en défaut et toujours bien placé, le défenseur du FC Porto a parfaitement géré les affaires courantes aux côtés de l'impeccable Ruben Dias à l'occasion de sa 138ème sélection. Quant à Cristiano Ronaldo, qui dispute son sixième championnat d'Europe consécutif, il a offert sur un plateau le troisième but à Bruno Fernandes suite à un alignement catastrophique de la défense turque qui lui laissa tout le loisir de négocier tranquillement un deux contre un face à Bayindir. En d'autres temps, le quintuple Ballon d'Or aurait peut-être cherché à conclure lui-même pour gonfler ses statistiques personnelles, mais lui qui a promis de se mettre entièrement au service de l'équipe et du collectif semble tenir parole. Pour l'instant, son remplaçant naturel Gonçalo Ramos doit se contenter de ronger son frein et n'a pas joué la moindre minute dans cet Euro, Roberto Martinez ayant semble-t-il décidé que sa star devait jouer tous les matches jusqu'au bout. A 39 piges, l'icône nationale tient encore remarquablement sa place, même si on peut l'accuser de phagocyter le jeu de son équipe et d'inhiber ses coéquipiers, qui cherchent systématiquement à le trouver dans les meilleures conditions.
Le Portugal s'est présenté dans un 4-2-3-1 plus équilibré que le 3-4-3 aligné face à la Tchéquie. Plutôt que de venir marcher sur les plates-bandes de Nuno Mendes, décisif sur l'ouverture du score, Cancelo occupait le côté droit de la défense, sortant le moins offensif Diogo Dalot du onze titulaire, tandis que Palhinha officiait à la récupération aux côtés de Vitinha derrière un Bruno Fernandes qui évoluait dans un vraie position de meneur de jeu. Ce système possède l'avantage de clarifier les rôles au milieu de terrain, Palhinha, au profil très dense physiquement, se chargeant de gratter les ballons, Vitinha, joueur complet et polyvalent, d'impulser le premier mouvement vers l'avant et Bruno Fernandes de diriger la manœuvre en trouvant ses ailiers Leao et Bernardo Silva ou éventuellement Ronaldo dans la profondeur. Il s'agit sans doute de la meilleure configuration pour cette sélection portugaise, qui peut ainsi à la fois trouver la faille au cœur du jeu grâce à l'aisance technique de Fernandes et Vitinha et porter le jeu sur les côtés, où les deux doublettes Cancelo-Bernardo Silva et Nuno Mendes-Leao s'avèrent particulièrement performantes, même si le joueur du Milan AC, remplacé par Neto à la mi-temps, connaît encore trop de déchet dans son jeu et a pris un deuxième avertissement pour simulation en deux matches. Avec ce quatuor très complémentaire, Martinez dispose sur le papier de deux véritables ailiers sur le flanc gauche et deux joueurs aussi capables d'occuper leur couloir que de participer activement à la construction du jeu à droite, Bernardo Silva et Cancelo aimant particulièrement venir dans l'axe pour toucher la chique et servir de relais à leurs milieux axiaux. Le joueur de City sent d'ailleurs particulièrement bien le coup sur le premier but, venant du côté opposé pour reprendre le centre de Nuno Mendes.
Sous pression et dans l'obligation de l'emporter après sa défaite inaugurale contre la Slovaquie, la Belgique s'est sortie sans trop de difficultés du piège roumain grâce notamment à un virevoltant Doku, qui a mis au supplice son adversaire direct Ratiu. Tedesco avait fait le choix de remplacer Mangala par Tielemans dans l'entrejeu, et bien lui en a pris puisque le joueur d'Aston Villa a ouvert le score dès la deuxième minute sur une remise intelligente de Lukaku. De la même manière que Palhinha avec le Portugal, Onana semble bien plus à son aise avec un milieu plus joueur et plus technique à ses côtés et peut se consacrer exclusivement aux tâches purement défensives, laissant à Tielemans le soin d'approvisionner De Bruyne en munitions. Sur le flanc droit de l'attaque, le très volontaire Lukebakio, auteur de cinq buts avec le FC Séville cette saison, avait été préféré à Trossard (que l'excellent Omar da Fonseca se plaît à appeler Brossard), très décevant et brouillon lors du premier match, tandis que le vétéran Vertonghen retrouvait sa place dans l'axe de la défense avec le souvent inquiétant Faes, l'homme qui a réussi un doublé contre son camp avec Leicester contre Liverpool. Theate, au profil plus proche de celui d'un troisième défenseur central que de celui d'un véritable latéral de métier, occupait le flanc gauche de l'arrière-garde belge mais se gardait bien de la moindre montée, préférant surveiller de près Dennis Man, aligné à droite au sein du 4-1-4-1 roumain. Comme son pendant à droite Castagne ne brille pas particulièrement par ses velléités offensives, il fallait bien que la lumière vienne une fois encore de Kevin De Bruyne.
Qui a dit qu'il n'y avait plus de véritables meneurs de jeu dans le football moderne? Certes, le jeu passe désormais énormément par les côtés, comme le démontrent les milieux excentrés Wirtz et Musiala avec l'Allemagne, Bernardo Silva avec le Portugal ou les ailiers Williams et Yamal avec l'Espagne. Mais des milieux offensifs axiaux brillent dans l'entrejeu à l'occasion de cet Euro, à l'image de Gündogan, Fabian Ruiz, Pedri, Fernandes, Barella, Bellingham, Eriksen et bien sûr De Bruyne, qu'il faudrait sérieusement songer à naturaliser français, tant il est déplorable de constater que l'équipe de France ne dispose d'aucun meneur de jeu digne de ce nom dans ses rangs. Hier soir, le milieu de terrain belge a délivré une merveille de passe décisive à Lukaku, décidément maudit dans cette compétition puisqu'il s'agit déjà de son troisième but refusé, cette fois pour un hors-jeu quasiment inexistant et contraire à l'esprit du jeu, avant de délivrer les siens d'un but très opportuniste à la 79ème minute, son 28ème en sélection. Tout est possible dans ce groupe serré et imprévisible avant une dernière journée décisive puisque les quatre équipes (Belgique, Slovaquie, Ukraine et Roumanie) ont toutes perdu et gagné et se retrouvent donc à égalité avec trois points. Les Belges compteront une fois de plus sur le brio de leur numéro 7 pour franchir l'obstacle ukrainien et éviter une nouvelle élimination au premier tour près de deux ans après le fiasco qatari.
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