Face à une équipe suisse remarquablement organisée et agressive dans le bon sens du terme, l'Allemagne est passée à deux doigts de s'incliner et de laisser filer la première place du groupe. Ce résultat nul arraché dans le temps additionnel aura peut-être une influence sur la suite du parcours de la Mannschaft, puisqu'au lieu d'affronter en huitièmes le deuxième du groupe B, qui pourrait être l'Italie ou la Croatie, elle croisera la route du deuxième du groupe C, à choisir probablement entre le Danemark, la Slovénie et la Serbie. Nous souhaitons bonne chance aux futurs adversaires de la Nati, qui trois ans après avoir éliminé la France en huitièmes de finale à Bucarest, a failli signer l'une des performances majeures de cet Euro en s'offrant le scalp de l'Allemagne à Francfort. Alors que Nagelsmann avait choisi d'aligner le même onze pour la troisième fois consécutive, ce qui a peut-être pour effet de rendre son équipe plus prévisible, la Mannschaft n'a dû son salut qu'à son banc, puisque c'est Raum, entré en jeu à la place de Mittelstädt sur le flanc gauche de la défense, qui a trouvé la tête du remplaçant Niclas Füllkrug, auteur de son deuxième but dans cet Euro et dont on se demande s'il ne devrait pas prendre la place d'un Havertz une fois de plus transparent, à la 92ème minute. Pour leur prochain match, Nagelsmann se verra privé de Jonathan Tah, suspendu et qui a affiché quelques signes de fébrilité et de nervosité, tout comme Rüdiger, bien loin de son niveau madrilène et qui devrait faire la paire dans l'axe avec Schlotterbeck.
Après avoir ouvert le score par l'intermédiaire de l'ancien Niçois Ndoye, la Suisse a aligné les phases de défense en bloc bas, arc-boutée sur un excellent trio Schär-Akanji-Aebischer, et les séances de contre-pressing, à l'image du début de la deuxième période où huit joueurs suisses se trouvaient dans le camp adverse. Bien aidé par le travail défensif de ses attaquants et notamment l'activité incessante de Fabian Rieder, sorti totalement rincé à la 65ème minute, le duo Xhaka-Freuler a abattu un boulot considérable au milieu de terrain, parvenant parfaitement à limiter l'influence de Toni Kroos et réduisant Gündogan à la portion congrue. Peu en verve, Florian Wirtz a paru émoussé physiquement, lui qui disputait hier soir son 52ème match de la saison, tandis que Jamal Musiala, plutôt en jambes en début de rencontre, a progressivement disparu de la circulation malgré une belle frappe à la 50ème suite à une magnifique inspiration de Wirtz. Le tournant du match s'est produit à la 84ème minute, lorsque Vargas, entré en jeu à la place de Rieder et parfaitement servi dans la profondeur par Amdouni, s'en est tranquillement allé battre Neuer, avant que son but ne soit refusé pour un hors-jeu de quelques centimètres. Quatre minutes plus tard, Xhaka, le capitaine de la Nati, voyait sa tentative superbement repoussée par le portier allemand, qui participait à sa 18ème rencontre dans un Euro, un record pour un gardien. Par deux fois, les Suisses venaient de laisser passer une occasion de faire le break et tendaient le dos pour se faire cruellement punir en toute fin de rencontre.
On a peut-être généralement surestimé le potentiel réel de cette Mannschaft après ses deux succès plus ou moins faciles contre l'Ecosse et la Hongrie, deux adversaires qui ne disposaient pas des armes pour rivaliser avec elle. Il ne faut pas perdre de vue que Robert Andrich est souvent remplaçant au Bayer Leverkusen, que Mittelstädt n'a émergé comme une possible solution au poste de latéral gauche qu'à 28 ans et que porter offensivement cette équipe s'avère une lourde responsabilité pour les deux jeunes joueurs que sont Musiala et Wirtz, qui incarnent à coup sûr l'avenir de l'Allemagne mais peut-être pas encore son présent. Victime de la pression populaire et des mauvais résultats, Nagelsmann n'a disposé que de très peu de temps pour bâtir à la hâte une équipe compétitive et trouver la bonne formule pour cet Euro disputé à la maison. Hier soir, son 4-2-3-1, qui avait si bien fonctionné contre la France et les Pays-Bas en amical au mois de mars et lors des deux premières rencontres de l'Euro, a éprouvé toutes les peines du monde à prendre le contrôle du jeu et à mettre durablement en difficulté la formation suisse. Malgré 66% de possession et 636 passes échangées contre 331, l'Allemagne ne s'est procurée que très peu d'occasions franches et n'a cadré au total que trois tirs, ne mettant pratiquement jamais Sommer en danger jusqu'à l'entrée en jeu décisive du supersub Füllkrug, attaquant sous-coté s'il en est qui affiche des statistiques impressionnantes en équipe nationale avec 13 buts en seulement 18 sélections, légèrement supérieures à celles de Marcus Thuram en bleu. Un tournoi international réserve toujours son lot de surprises et l'avant-centre de Dortmund pourrait bien être le Toto Schillacci de cette Allemagne version 2024.
La question se pose désormais de savoir si le sélectionneur allemand va reconduire le même onze pour le huitièmes de finale le 29 juin à Dortmund, à l'exception de Tah qui sera logiquement remplacé par Schlotterbeck. Fera-t-il à nouveau le choix de titulariser en pointe Kai Havertz, certes sans doute plus à même de combiner dans les petits espaces que Füllkrug avec ses compères d'attaque mais aussi incroyablement maladroit et tout sauf tueur devant le but? Nagelsmann a opté de manière louable pour la vitesse, la technique et les échanges courts au sol, mais face à un bloc regroupé sur son but, la taille et la qualité dans le jeu aérien du joueur du BVB offrent une présente constamment menaçante dans la surface, une possibilité d'allonger le jeu et une véritable cible pour les centreurs que sont Kimmich, Mittelstädt et éventuellement Raum, qui a peut-être gagné sa place dans le onze hier soir. Malgré toute l'expérience colossale des Neuer, Rüdiger, Kroos, Müller et Gündogan, Nagelsmann regrettera-t-il à l'issue du tournoi de ne pas avoir retenu des vieux briscards comme Hummels, irréprochable et toujours très performant à 35 ans, ou des joueurs rodés aux joutes européennes comme Julian Brandt ou Leon Goretzka? L'ancien entraîneur du Bayern a misé sur la forme du moment, retenant dans sa liste quelques éléments dénués du moindre vécu international, tels que Benjamin Henrichs (RB Leipzig), Robin Koch (Eintracht Francfort), Aleksandar Pavlovic (Bayern Munich), Chris Führich (VfB Stuttgart) ou Maximilian Beier (Hoffenheim). Comme le diraient Wiltord, Pirès et Trézéguet, un Euro ne se gagne pas à seulement à onze, et l'avenir proche nous dira si les risques calculés pris par Nagelsmann en valaient la chandelle.
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