L’Italie est passée à quelques secondes de l’élimination face
à la Croatie hier soir à Leipzig, sauvée in extremis par un but du
sans-grade Mattia Zaccagni suite à un magnifique dépassement de
fonction de Calafiori, décidément l’une des rares satisfactions
italiennes de cet Euro, qui choisit de porter seul le ballon au coeur
de la défense adverse avant de décaler impeccablement le héros de
la Lazio. Longtemps devant au score grâce à un but de l’éternel
Modric, qui venait une minute plus tôt de voir son penalty repoussé
par un Donnarumma une nouvelle fois éblouissant, comme si le fait de
porter le maillot de la sélection avait le don de le transcender et
de l’animer d’une confiance inébranlable, les joueurs croates,
allongés sur la pelouse, semblaient inconsolables au coup de siflet
final. Il leur faudra désormais poursuivre leur route sans leur
maître à jouer et capitaine Modric, qui est devenu à près de 39
ans le joueur le plus âgé à marquer lors d’un Euro et dont le
but italien a sans doute sonné le glas d’une longue et brillante
carrière internationale de la plus cruelle des façons. On savait
que ce groupe de la mort ferait au moins une victime de poids, mais
on pouvait difficilement imaginer une telle domination de la Roja,
qui s’est imposée face à l’Albanie avec les coiffeurs, ni que
le sort de cette poule se jouerait à la dernière seconde du dernier
match entre le tenant du titre et le demi-finaliste du dernier
Mondial. Miraculée, la Nazionale affrontera la Suisse en huitièmes,
et au vu de la performance des Helvètes face à l’Allemagne et des
joueurs de Spalletti hier soir, ce sera tout sauf une partie de
plaisir.
Le sélectionneur
transalpin avait fait le choix d’aligner un 3-5-2 et de renforcer
son milieu en y incorporant Dimarco aux côtés de Barella et
Jorginho, sans doute pour empêcher le trio Modric-Kovacic-Brozovic
de contrôler la chique et dicter le tempo du match. En attaque, il
s’est privé de Scamacca et de Chiesa, un des seuls joueurs
italiens capable de créer des différences balle au pied, et accordé
sa confiance à un duo inédit composé de Retegui et Raspadori.
Cette composition d’équipe très originale sur le papier a eu pour
conséquence d’excentrer Pellegrini sur le côté gauche, le flanc
droit du milieu de terrain se voyant confié à Di Lorenzo, placé un
cran plus haut que Darmian, probablement parce qu’il venait de
prendre un bouillon monumental face à Nico Williams. Incapables de
prendre le jeu à leur compte avant l’entrée de Chiesa, les
Italiens s’en sont remis au jeu de tête de Bastoni, plus à l’aise
offensivement que défensivement, pour porter le danger sur la cage
d’un Lavkovic dans l’ensemble assez tranquille. Une fois menée
et dos au mur, la Nazionale s’est activée de manière trop souvent
brouillonne, et on a longtemps cru que les Croates, en faisant preuve
de la roublardise qui les caractérise, en multipliant les fautes et
en cassant volontiers le rythme, allaient tenir le score jusqu’au
bout. C’était sans compter sur la détermination de la formation
italienne, qui faute de certitudes dans le jeu et de plan tactique
clair, a puisé dans ses ressources mentales pour se sortir du piège.
Quand votre meilleur
joueur, et de très loin, est votre gardien de but, il y a forcément
de quoi se poser des questions avant d’aborder la phase à
élimination directe. L’évidence, c’est que l’Italie, malgré
son titre de champion d’Europe obtenu il y a trois ans, traverse un
énorme creux générationnel et manque cruellement de talent et de
fuoriclasse, à l’image du trio Retegui-Raspadori-Scamacca qui ne
totalise que onze petits buts en sélection. Non seulement elle ne
peut plus compter sur la classe d’un Baggio, d’un Del Piero, d’un
Totti ou d’un Vieri pour faire la différence, mais elle ne
s’appuie plus non plus sur une imperméabilité défensive qui
faisait sa force il y a encore trois ans grâce à sa charnière
centrale Bonucci-Chiellini. Constat alarmant : la Nazionale a
encaissé au moins un but à chaque match alors qu’elle n’en
avait concédé aucun au premier tour lors du dernier Euro, et sans
un grand Donnarumma, décisif à de nombreuses reprises, le total
aurait pu être bien plus lourd. Où diable sont passés les
héritiers des grands défenseurs italiens, les successeurs présumés
des Scirea, Baresi, Maldini et autres Nesta ? Cette équipe sans
identité nette ne sait ni défendre ni attaquer et semble souvent
sans idées sur le terrain, guère aidée en cela par un Spalletti
qui semble toujours tâtonner tactiquement et chercher la meilleure
formule, lui qui s’est montré très agacé par les limites
techniques affichées par son équipe malgré la qualification.
L'équipe d'Italie ne possède plus la marge sur ses adversaires dont elle disposait lors du dernier Euro. Chiellini et Bonucci, atteints par la limite d'âge, ont pris leur retraite, remplacés numériquement par de jeunes joueurs (Calafiori a 22 ans et Bastoni 25) qui n'ont pas encore atteint leur pleine mesure en défense centrale, un poste qui requiert métier, sagesse et expérience. Barella, malgré toutes ses qualités, ne s'est pas installé dans les crampons de Verratti, véritable playmaker , homme de base de Mancini et courroie de transmission de la Nazionale championne d'Europe. Jorginho, troisième du Ballon d'Or 2021 et titulaire lors des trois matches du premier tour, est devenu un joueur ordinaire et banal, souvent confiné à un rôle de remplaçant à Arsenal (24 rencontres disputées cette saison seulement). Quant à Insigne et Immobile, qui formaient avec Chiesa un trident offensif souvent très critiqué, ils avaient eu le mérite de trouver le chemin des filets à quatre reprises alors que Scamacca, dont le compteur reste bloqué à un seul but en sélection, Retegui et Raspadori sont restés muets dans ce début d'Euro (les trois buts italiens ont été signés par Bastoni, Barella et Zaccagni). Aucun secteur de jeu ne se porte réellement bien au sein de cette équipe et seul Donnarumma se montre véritablement au niveau. Si l'Italie réédite en huitièmes de finale son niveau de performance du premier tour, nul doute que le portier italien devrait avoir beaucoup de travail contre la Suisse.
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