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mardi 25 juin 2024

L'Italie entre espoirs et limites

L’Italie est passée à quelques secondes de l’élimination face à la Croatie hier soir à Leipzig, sauvée in extremis par un but du sans-grade Mattia Zaccagni suite à un magnifique dépassement de fonction de Calafiori, décidément l’une des rares satisfactions italiennes de cet Euro, qui choisit de porter seul le ballon au coeur de la défense adverse avant de décaler impeccablement le héros de la Lazio. Longtemps devant au score grâce à un but de l’éternel Modric, qui venait une minute plus tôt de voir son penalty repoussé par un Donnarumma une nouvelle fois éblouissant, comme si le fait de porter le maillot de la sélection avait le don de le transcender et de l’animer d’une confiance inébranlable, les joueurs croates, allongés sur la pelouse, semblaient inconsolables au coup de siflet final. Il leur faudra désormais poursuivre leur route sans leur maître à jouer et capitaine Modric, qui est devenu à près de 39 ans le joueur le plus âgé à marquer lors d’un Euro et dont le but italien a sans doute sonné le glas d’une longue et brillante carrière internationale de la plus cruelle des façons. On savait que ce groupe de la mort ferait au moins une victime de poids, mais on pouvait difficilement imaginer une telle domination de la Roja, qui s’est imposée face à l’Albanie avec les coiffeurs, ni que le sort de cette poule se jouerait à la dernière seconde du dernier match entre le tenant du titre et le demi-finaliste du dernier Mondial. Miraculée, la Nazionale affrontera la Suisse en huitièmes, et au vu de la performance des Helvètes face à l’Allemagne et des joueurs de Spalletti hier soir, ce sera tout sauf une partie de plaisir.


Le sélectionneur transalpin avait fait le choix d’aligner un 3-5-2 et de renforcer son milieu en y incorporant Dimarco aux côtés de Barella et Jorginho, sans doute pour empêcher le trio Modric-Kovacic-Brozovic de contrôler la chique et dicter le tempo du match. En attaque, il s’est privé de Scamacca et de Chiesa, un des seuls joueurs italiens capable de créer des différences balle au pied, et accordé sa confiance à un duo inédit composé de Retegui et Raspadori. Cette composition d’équipe très originale sur le papier a eu pour conséquence d’excentrer Pellegrini sur le côté gauche, le flanc droit du milieu de terrain se voyant confié à Di Lorenzo, placé un cran plus haut que Darmian, probablement parce qu’il venait de prendre un bouillon monumental face à Nico Williams. Incapables de prendre le jeu à leur compte avant l’entrée de Chiesa, les Italiens s’en sont remis au jeu de tête de Bastoni, plus à l’aise offensivement que défensivement, pour porter le danger sur la cage d’un Lavkovic dans l’ensemble assez tranquille. Une fois menée et dos au mur, la Nazionale s’est activée de manière trop souvent brouillonne, et on a longtemps cru que les Croates, en faisant preuve de la roublardise qui les caractérise, en multipliant les fautes et en cassant volontiers le rythme, allaient tenir le score jusqu’au bout. C’était sans compter sur la détermination de la formation italienne, qui faute de certitudes dans le jeu et de plan tactique clair, a puisé dans ses ressources mentales pour se sortir du piège.


Quand votre meilleur joueur, et de très loin, est votre gardien de but, il y a forcément de quoi se poser des questions avant d’aborder la phase à élimination directe. L’évidence, c’est que l’Italie, malgré son titre de champion d’Europe obtenu il y a trois ans, traverse un énorme creux générationnel et manque cruellement de talent et de fuoriclasse, à l’image du trio Retegui-Raspadori-Scamacca qui ne totalise que onze petits buts en sélection. Non seulement elle ne peut plus compter sur la classe d’un Baggio, d’un Del Piero, d’un Totti ou d’un Vieri pour faire la différence, mais elle ne s’appuie plus non plus sur une imperméabilité défensive qui faisait sa force il y a encore trois ans grâce à sa charnière centrale Bonucci-Chiellini. Constat alarmant : la Nazionale a encaissé au moins un but à chaque match alors qu’elle n’en avait concédé aucun au premier tour lors du dernier Euro, et sans un grand Donnarumma, décisif à de nombreuses reprises, le total aurait pu être bien plus lourd. Où diable sont passés les héritiers des grands défenseurs italiens, les successeurs présumés des Scirea, Baresi, Maldini et autres Nesta ? Cette équipe sans identité nette ne sait ni défendre ni attaquer et semble souvent sans idées sur le terrain, guère aidée en cela par un Spalletti qui semble toujours tâtonner tactiquement et chercher la meilleure formule, lui qui s’est montré très agacé par les limites techniques affichées par son équipe malgré la qualification.

 

L'équipe d'Italie ne possède plus la marge sur ses adversaires dont elle disposait lors du dernier Euro. Chiellini et Bonucci, atteints par la limite d'âge, ont pris leur retraite, remplacés numériquement par de jeunes joueurs (Calafiori a 22 ans et Bastoni 25) qui n'ont pas encore atteint leur pleine mesure en défense centrale, un poste qui requiert métier, sagesse et expérience. Barella, malgré toutes ses qualités, ne s'est pas installé dans les crampons de Verratti, véritable playmaker , homme de base de Mancini et courroie de transmission de la Nazionale championne d'Europe. Jorginho, troisième du Ballon d'Or 2021 et titulaire lors des trois matches du premier tour, est devenu un joueur ordinaire et banal, souvent confiné à un rôle de remplaçant à Arsenal (24 rencontres disputées cette saison seulement). Quant à Insigne et Immobile, qui formaient avec Chiesa un trident offensif souvent très critiqué, ils avaient eu le mérite de trouver le chemin des filets à quatre reprises alors que Scamacca, dont le compteur reste bloqué à un seul but en sélection, Retegui et Raspadori sont restés muets dans ce début d'Euro (les trois buts italiens ont été signés par Bastoni, Barella et Zaccagni). Aucun secteur de jeu ne se porte réellement bien au sein de cette équipe et seul Donnarumma se montre véritablement au niveau. Si l'Italie réédite en huitièmes de finale son niveau de performance du premier tour, nul doute que le portier italien devrait avoir beaucoup de travail contre la Suisse.

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