A chaque fois qu'un grand tournoi international se profile, on tend à oublier presque systématiquement de placer la Croatie parmi les favoris. Pourtant, depuis la glorieuse génération des Suker, Boban et Asanovic, demi-finaliste de la Coupe du Monde 98, l'équipe au maillot à damiers est parvenue à percer parmi les meilleurs nations mondiales, traçant sa route jusqu'à la finale du Mondial russe et éliminant le Brésil (merci à eux au passage) en 2022 au Qatar. Le sélectionneur Zlatko Dalic, en poste depuis 2017, possède le remarquable bilan de 46 victoires et 15 nuls en 82 matches et s'appuie sur un groupe de joueurs exceptionnels qui évoluent dans les meilleurs clubs du continent (Manchester City, Real Madrid, Bayer Leverkusen, Ajax Amsterdam, Atalanta Bergame) ou au sein du championnat national (Labrovic, Baturina, Pasalic, Petkovic, Perisic, Pjaka), qui selon les dires du meneur de jeu espagnol Dani Olmo, qui a fait le choix inhabituel de rejoindre le Dinamo Zagreb à seize ans, est d'un meilleur niveau général que l'on pourrait penser. La liste de Dalic pour le prochain Euro présente un subtil mélange d'expérience (Modric 38 ans, Perisic 35 ans, Vida 35 ans, Kramaric 32 ans) et de jeunesse (il ne faut pas perdre de vue que Gvardiol, auteur d'une saison de baron avec City, n'a que 22 ans) et possède un solide vécu international. Certes, la Croatie évoluera dans un groupe extrêmement relevé en compagnie de l'Italie et de l'Espagne, mais il y a fort à parier qu'elle fera plus qu'embêter son monde et saura tirer son épingle du jeu d'une manière ou d'une autre. Il s'agit de la sixième participation consécutive du pays de quatre millions d'habitants à un Euro, qui a réussi à sortir des poules en 2016 et 2021 et vient de taper le Portugal en amical à Lisbonne.
Le 4-3-3 croate s'appuie avant tout sur un milieu de terrain Brozovic-Modric-Kovacic d'une très grande qualité technique et qui se connaît par cœur, puisque ces trois-là ont tous trente ans ou plus et compilent 370 sélections (95 pour Brozovic, 101 pour Kovacic et la bagatelle de 175 pour Modric, appelé pour la première fois en 2006). Pas forcément très fort dans le domaine de la récupération, même si Brozovic peut se montrer efficace dans un rôle de sentinelle devant la défense, ce trio ultra-complémentaire est capable de totalement confisquer la chique, d'échanger les passes à l'infini et de dicter le tempo du match. Véritable poumon de l'équipe, le milieu de terrain croate est construit pour maîtriser la possession et rendre fou les récupérateurs adverses en multipliant les échanges dans les petits espaces, ce qui constitue souvent à la fois un régal pour les yeux et une arme tactique redoutable. Mateo Kovacic, qui a suppléé un De Bruyne blessé en début de saison à City, et Modric, auréolé d'un sixième sacre en Champions League, aborderont le tournoi dans de bonnes dispositions physiques puisqu'ils n'ont joué qu'un nombre de minutes limité avec leurs clubs respectifs. Quant à Marcelo Brozovic, après sept années passées à l'Inter, il est allé s'offrir une pré-retraite dorée en Arabie Saoudite à Al-Nassr, où il évolue avec Aymeric Laporte, Seko Fofana, Otavio, Sadio Mané et bien évidemment Cristiano Ronaldo. Ce trio expérimenté connaît la chanson et devrait dans un premier temps poser de sérieux problèmes à ses adversaires espagnols, italiens et albanais.
En défense, le flanc gauche est confié à l'excellent Josko Gvardiol, grande révélation du Mondial 2022 et auteur d'une saison pleine avec City où il s'est découvert des qualités de buteur et de contre-attaquant, lui qui possèderait plutôt un profil de défenseur central (c'est dans cette position qu'il avait brillé au Qatar) contrarié. Désormais considéré comme l'un des meilleurs défenseurs du continent et promis à un brillant avenir, il sera l'un des atouts maîtres de cette sélection. Son pendant à droite n'est autre que le très fiable Josip Stanisic, qui a disputé 20 rencontres de Bundesliga et 13 de Ligue Europa avec le Bayer Leverkusen, où il doit composer avec la forte concurrence imposée par Frimpong et Kossounou. Face au Portugal, Dalic a choisi d'aligner une charnière centrale Sutalo-Pongracic. Le premier nommé, âgé de 24 ans, évolue à l'Ajax Amsterdam, où il s'est imposé comme un titulaire indiscutable, et compte 14 sélections. Quant à Pongracic, gabarit massif, il défend depuis 2022 les couleurs de Lecce, après être passé par le RB Salzbourg, Wolfsburg et le Borussia Dortmund. Dans les cages, on retrouve le remarquable Livakovic, portier de Fenerbahce, qui avait écœuré les tireurs japonais et brésiliens au Qatar et représentera un atout non négligeable en cas de série de tirs aux buts. En réserve, le sélectionneur peut compter sur le vétéran Vida et sur Borna Sosa, titulaire à gauche lors du Mondial 2022 (la défense croate a d'ailleurs été renouvelée aux trois-quarts puisqu'elle se composait au Qatar de Sosa, Lovren, Juranovic et Gvardiol).
Il est un peu plus compliqué d'y voir clair dans le secteur offensif, au sein duquel Dalic dispose de plusieurs options. Contre le Portugal, le sélectionneur croate a placé l'ancien Rennais Lovro Majer, habitué à évoluer dans l'entre-jeu, en position d'ailier droit, tandis que Kramaric, auteur de 15 buts avec Hoffenheim et d'un total de 28 en 93 sélections, occupait le côté gauche. Le poste d'avant-centre s'est vu confier à Budimir, qui a donné la victoire aux siens et a planté 17 pions cette saison avec la modeste équipe d'Osasuna. Dalic peut aussi choisir de titulariser le vieux briscard Perisic, remarquable centreur de retour au pays à Hadjuk Split après avoir porté les couleurs de clubs plus ou moins prestigieux comme Wolfsburg, l'Inter, le Bayern ou Tottenham. Il pourra aussi donner du temps de jeu à Marco Pasalic, homonyme du milieu de terrain de l'Atalanta Bergame et auteur de 6 buts avec Rijeka, à Bruno Petkovic, attaquant du Dinamo Zagreb, ou à Marko Pjaca, l'ancien joueur de la Juventus. Logiquement, le onze vainqueur du Portugal devrait être aligné contre l'Espagne le 15 juin à Berlin pour ce qui devrait s'avérer l'une des rencontres les plus excitantes du premier tour. Gageons que personne ne peut se réjouir de croiser la route de cette formation croate qui ne se rate pratiquement jamais lors des grands rendez-vous, possède une jolie galerie d'éléments de classe mondiale et est toujours animée d'un fort sentiment nationaliste qui pousse les joueurs au-delà de leurs limites. Toujours compétitive, elle s'est payée le scalp de sélections aussi prestigieuses que le Brésil, l'Allemagne, l'Espagne ou l'Angleterre et se verrait bien en ajouter quelques autres à sa belle collection.
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