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dimanche 12 décembre 2010

David Ginola, envers et contre tout

Il y a des injustices que le passage du temps ne suffit pas à réparer. Dans la mémoire collective nationale, le nom de David Ginola reste irrémédiablement associé au traumatisme de la défaite contre la Bulgarie de novembre 1993, qui priva la génération Papin-Cantona de la World Cup américaine. Coupable d'avoir voulu jouer le dernier ballon et victime de ses instincts d'attaquant, il balança la chique directement dans les pieds de Kremenliev sur un centre raté aux conséquences cataclysmiques. Qualifié de criminel par Gérard Houllier, le joueur parisien, bouc émissaire parfait, dut porter sur ses épaules la responsabilité de la débâcle, lui dont le but splendide avait permis aux Bleus de mener à la mi-temps contre Israël un mois plus tôt.


Lors de ses deux dernières saisons dans l'hexagone, Ginola fut systématiquement sifflé dans tous les stades du pays par des publics imbéciles, cible de toutes les haines et de toutes les rancoeurs enfouies. Quand tous les tâcherons du championnat s'essuyaient les crampons sur ses chevilles, c'est encore lui qu'on traitait de plongeuse, au lieu d'hurler à l'assassinat. Trop doué, trop beau gosse, trop parisien, Ginola avait tort d'être ce qu'il était, et chacun de ses dribbles se voyait taxé d'insolence.

Appelé à 17 malheureuses reprises, Ginola compte moins de sélections que Reynald Pedros ou Pascal Vahirua: c'est dire l'ampleur du malentendu. Pourtant, El Magnifico figure incontestablement parmi les meilleurs joueurs français des années 90. Ailier naturel à la technique soyeuse qui maîtrisait mieux que personne le contrôle de la poitrine, il pouvait tout aussi bien provoquer balle au pied le long de la ligne que revenir à l'intérieur pour chercher la lucarne opposée d'une frappe enroulée, action qui est peu à peu devenue sa marque de fabrique. Ses changements de rythme imprévisibles, son coup de rein et son sens du contre-pied le rendaient très compliqué à prendre en un contre un.

Parfaitement à l'aise des deux pieds, il était capable de créer le danger et de déborder sur chaque flanc, et savait se montrer adroit et efficace devant le but dans une position d'attaquant associé à un pur avant-centre. Au cours de sa carrière, Ginola a non seulement multiplié les slaloms chaloupés et les raids en solitaire au coeur de la défense, mais également distillé un nombre impressionnant de passes décisives et de centres millimétrés, malgré sa réputation de soliste un brin égoïste. Souvent éblouissant de classe et de facilité, il faisait partie de la catégorie des artistes capables de gagner un match à eux tout seuls, sur une accélération soudaine ou une mine des trente mètres.

Arrivé de Brest au début de l'année 1992, il devient rapidement un des favoris du Parc et joue un rôle décisif aux côtés de Weah dans les excellents résultats de ce qui reste la meilleure période de l'histoire du club. Il brille également sur la scène européenne, notamment face au Real Madrid, ce qui lui vaudra l'admiration dela presse espagnole et son surnom hispanisant. Lors du fameux PSG-Real de mars 1993, il marque le troisième but d'une somptueuse demie-volée sur une remise de Bravo, au terme d'une action de rêve. A l'aller, il avait déjà planté un but capital de la tête à Bernabeu alors que les locaux menaient tranquillement 2-0.

L'année suivante, lorsque les deux équipes se retrouvent en quarts de finale de la Coupe des Coupes, il offre un caviar à Weah, qui permet à Paris de s'imposer à Madrid. En trois saisons et demie dans la capitale, Ginola a remporté un titre de champion (13 buts en 1993-94), deux Coupes de France et joué trois demi-finales européennes consécutives. Alors qu'on s'attend à le voir rejoindre l'Espagne et son championnat taillé sur mesure pour ses qualités, il s'envole pour Newcastle et son riant climat.

A l'époque, le choix paraît étrange pour un joueur de son élégance, qu'on imagine davantage en Catalogne que dans le nord-est de l'Angleterre. Beaucoup craignent pour ses guibolles et sa carrière, pensant qu'il ne pourra pas s'exprimer dans un championnat trop rugueux, artiste incompris dans une équipe de bourrins. Faisant souvent preuve d'une hargne et d'un courage physique insoupçonnés, il met rapidement tout le monde d'accord et signe une superbe saison avec les Magpies, qui comptent jusqu'à dix points d'avance sur ManU avant de s'effondrer et de laisser filer le titre. Le fervent public de Saint James Park en pince gravement pour son Frenchie, magnifique dans son maillot blanc et noir à col boutonné, qui multiplie les chevauchées et les régalades techniques et approvisionne ses partenaires d'attaque en ballons de qualité.

L'arrivée de Dalglish aux manettes met fin à l'histoire d'amour entre Newcastle et Ginola, qui signe à Tottenham en 1997. Un autre club working-class et prolo à souhait où David Glamour, catalogué starlette, va devenir une idole. En 1999, marquant les esprits de quelques pions invraisemblables, il est élu meilleur joueur de Premier League à la fois par ses pairs et par les journalistes, alors que les Spurs se débattent en milieu de classement.

Au palmarès du prix remis par la Football Writers' Association, il succède à Klinsmann, Cantona, Zola et Bergkamp, ce qui permet de mesurer l'estime que lui portaient les spécialistes d'outre-Manche. Un certain Johan Cruyff, du genre plutôt exigeant, aimait à répéter qu'il considérait tout simplement le Français comme le meilleur joueur du monde: un compliment qui vaut plus que certains trophées.




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