Les exp

ulsions,
qu'elles soient justifiées ou non, font partie intégrante de l'histoire
du jeu et ont contribué à nourrir sa légende. Certains cartons rouges
ont changé le cours de grandes finales ou marqué au fer (rouge,
évidemment) la carrière de certains joueurs, tandis que d'autres n'ont
fait que confirmer la funeste réputation de leur destinataire. Suivant
les cas, les bannis de la pelouse sont soit des salopards, soit des
victimes, soit un incertain mélange des deux. Voici une sélection de
quelques-unes des biscottes fatales distribuées dans le football
international depuis 1986, quand de Jong et Barton commençaient à peine à
s'entraîner sur les tibias de leurs petits camarades à la maternelle.
José Batista (13 juin 1986, Estadio Neza, Nezahualcoyotl, Mexique)

Pour
le dernier match de poule du groupe E lors du Mondial mexicain de 1986,
l'Uruguay et l'Ecosse s'affrontent pour une place en huitièmes de
finale. Les deux formations sont mal embarquées, les partenaires
de McStay ayant perdu leurs deux matches tandis que la Celeste en a pris
six dans la musette contre le Danemark. Après même pas une minute de
jeu, le défenseur uruguayen José Batista descend Gordon Strachan par
derrière aux abords des trente mètres. L'arbitre français Joël Quiniou
n'hésite pas et expulse l'auteur de l'attentat, pour ce qui reste à ce
jour le carton rouge le plus rapide de l'histoire de la Coupe du Monde,
le joueur n'étant resté sur la pelouse que 56 secondes. Même Van Bommel
n'a pas fait mieux. Malgré leur infériorité numérique, les Uruguayens
parviennent à arracher le nul et à se qualifier parmi les meilleurs
troisièmes pour le tour suivant, où ils se feront sortir par le futur
vainqueur argentin.
David Beckham (30 juin 1998, Stade Geoffroy-Guichard, Saint Etienne, France)

Le
match entre l'Argentine et l'Angleterre, un des plus beaux du Mondial
français, reste dans la mémoire nationale anglaise davantage associé à
l'expulsion du Spice Boy, coupable d'un mauvais geste sur Simeone, qu'au
pion d'anthologie de Michael Owen. Suite à l'élimination de l'équipe
aux trois lions, Beckham est devenue la cible privilégiée des médias qui
lui firent porter la responsabilité de la défaite face à un rival
historique. La campagne de presse fut d'une rare violence et on vit même
des effigies du joueur pendues au bout d'une corde dans les rues de
certaines villes du pays. Beckham dut attendre son coup franc miraculeux
contre la Grèce en 2001, synonyme de qualification pour la Coupe du
Monde, pour retrouver son statut iconique. Il a été appelé à 95 reprises
sous le maillot de l'équipe nationale, dont il fut 58 fois le
capitaine.
Laurent Blanc (6 juillet 1998, Stade de France, St Denis, France)

Lors
de la demie-finale de Saint Denis face à la Croatie, et alors que le
score est déjà de deux buts à un, Bilic s'effondre suite à un accrochage
avec Blanc sur un coup de pied arrêté frappé par ZIdane. A peine touché
au visage, le Croate en fait des caisses dans la grande tradition
théâtrale nationale et provoque l'expulsion du Président, qui,
crève-coeur, se voit privé de finale: une injustice totale au vu du
comportement toujours irréprochable du monsieur, défenseur aussi
classieux que propre. Avant ce match, Blanc n'avait jamais été exclu
d'un match. Il sera remplacé par Leboeuf, qui s'acquittera fort bien de
la tâche aux côtés de Marcel Desailly. Les deux hommes sont par la suite
devenus sélectionneurs de leur pays respectifs: probablement leur
unique point commun, à moins qu'ils n'apprécient tous deux le
beaujolpif.
Roy Keane (21 avril 2001, Old Trafford, Manchester, Angleterre)

En
1997, suite à une faute du Norvégien Haaland, Roy Keane se blesse
gravement au genou et reste éloigné des terrains pendant des mois.
Quatre ans plus tard, lorsque le bad boy irlandais croise à nouveau la
route de son adversaire à l'occasion du derby mancunien, il lui fracasse
littéralement la jambe d'une terrible savate à mi-jambe. Suspendu trois
matches et condamné à 5000 livres d'amende, Keane avouera peu après
dans son autobiographie avoir voulu délibérément mettre fin à la
carrière d'Haaland, ce qui lui vaudra de purger cinq matches
supplémentaires et une rallonge de 150 000 livres. Il s'agit sans doute
du chapitre le plus choquant de l'histoire sanglante de Roy Keane,
personnage aussi détéstable qu'admirable, adulé par les fans de United.
Jens Lehmann (17 mai 2006, Stade de France, Saint-Denis, France)

Sur
le papier, la finale de la Champions League 2005-2006 entre le Barça
d'Eto'o et Ronaldinho et le Arsenal d'Henry a de quoi faire saliver le
footophile. Pendant près de vingt minutes, les débats sont équilibrés et
le spectacle s'avère à la hauteur des attentes. Mais à la 18ème minute,
Lehmann, sorti de son but, fauche Eto'o, lancé en profondeur, et se
voit prié de rejoindre les vestiaires. Malheureux comme les pierres,
Pirès doit sortir pour laisser entrer Almunia dans les cages. Réduits à
dix, les Gunners, courageux, parviennent tout de même à ouvrir le score
par Campbell, avant que le Barça ne renverse la vapeur dans le dernier
quart d'heure. On pourra toujours se demander si, à égalité numérique,
Arsenal n'aurait pas remporté ce soir-là sa première coupe aux grandes
oreilles.
Pedro Monzon (8 juillet 1990, Stade Olympique, Rome, Italie)

Faux
sommet d'un Mondiale italien dans l'ensemble assez hideux, la finale
entre la RFA et l'Argentine peut êtrre considéré comme la plus moche de
l'histoire de l'épreuve. Entré en jeu à la mi-temps dans un match fermé
et heurté, le défenseur argentin devient vingt minutes plus tard le
premier joueur expulsé d'une finale mondiale, après un attentat sur
Klinsmann parti sur le côté droit. Monzon, qui porte le même patronyme
qu'un célèbre boxeur, sera imité en fin de match par son coéquipier
Dezotti, qui laissera l'Argentine s'incliner sans gloire à neuf contre
onze. Horrible de bout en bout, la rencontre constitue le symbole d'un
football dont on regrette guère la disparition.
Frank Rijkaard (24 juin 1990, Stadio Giuseppe Meazza, Milan, Italie)

Après
vingt minutes d'un huitième de finale hyper-tendu entre la RFA et les
Pays-Bas, Rijkaard se rend coupable d'une faute sur Völler et reçoit un
carton jaune qui le suspend automatiquement pour le match suivant. Le
charmant attaquant allemand prend à son tour une biscotte pour
contestation, puis heurte volontairement Van Breukelen sur le coup franc
qui s'ensuit, ce qui lui vaut un deuxième carton. Au passage, Rijkaard
balance un crachat au visage de Völler, ce qui n'échappe pas à
l'arbitre. A la 22ème minute, les duettistes prennent ensemble la
direction des vestiaires. Au final, les Allemands s'imposeront 2-1 grâce
à des buts signés Klinsmann et Brehme, pour un succès aussi polémique
que capital sur la route du titre.
Wayne Rooney (30 juin 2006, Veltins Arena, Gelsenkirchen, Allemagne)

Deux
ans après le quart de finale de l'Euro dantesque entre les deux
équipes, Anglais et Portugais se retrouvent au même stade de la
compétition lors de la Coupe du Monde allemande. Aux alentours de
l'heure de jeu, alors que le score est toujours nul et vierge; Rooney, à
la lutte au milieu de terrain avec deux joueurs adverses, piétine sans
vergogne les parties intimes de Ricardo Carvalho sous les yeux de
l'arbitre. Réduits à dix, les Anglais s'inclinent une nouvelle fois aux
tirs aux buts, comme en 1990, 1998 et 2004.. Comble d'ironie, Rooney
commet l'irréparable sous les yeux de David Beckham, sorti dix minutes
auparavant. Dans un véritable cauchemar à répétition, c'est à nouveau un
kid de Manchester qui concentre les critiques après l'élimination.
Mark Van Bommel (29 janvier 2011, Stadio Angelo Massimino, Catane)

Précédé
d'une réputation de tueur loin d'être usurpée (comment a-t-il pu finir
la finale du dernier Mondial?), Mark la menace quitte le Bayern au
mercato d'hiver pour rejoindre les jeunots du Milan AC et les poètes
Gattuso et Flamini au milieu. Histoire de signer son entrée en Serie A
et d'entretenir sa légende, Van Bommel se fait expulser dès son premier
match sous le maillot rossonero face à Catane, recevant un deuxième
carton pour un balayage en règle à la 54ème. S'il avait été qualifié
pour le match de Champions League contre Tottenham, Van der Vaart aurait
peut-être fini le match sur une civière. Dommage que Van Bommel donne
souvent raison à ses détracteurs, car le bonhomme est aussi un sacré
joueur de football et un patron de vestiaire respecté. Le Roy Keane
hollandais, en somme.
Zinedine Zidane (9 juillet 2006, Stade Olympique, Berlin, Allemagne)

Impossible
de ne pas évoquer le coup de boule du numéro 10 français face à
l'Italie. Oui, avec lui, les Bleus seraient sans doute venus à bout
d'une Squadra sur les rotules. Non, Zidane, qui a collectionné une
quinzaine de cartons rouges au cours de sa carrière, n'en était pas à
son coup d'essai, et avait une certaine tendance à dégoupiller. Au-delà
des fausses questions morales sur le pseudo-devoir d'exemplarité des
footeux, il restera toujours le souvenir amer d'une sortie ratée et les
regrets de ne pas avoir conquis un deuxième trophée mondial à la portée
de l'équipe de France. Malgré tous les doctes avis des intellectuels de
plateaux et les analyses fumeuses des psychologues de comptoir, tout le
reste n'est que littérature.
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