Parce qu'il a joué aux
côtés des plus grands attaquants au Real Madrid (Raul, Suker,
Mijatovic, Ronaldo), on tend trop souvent à oublier le rôle majeur
qu'a joué Fernando Morientes au sein d'une équipe qui a dominé
l'Europe au tournant des années 2000. Dans l'ombre des stars, ce
joueur aussi discret qu'efficace savait admirablement se mettre au
service du collectif et faire briller ses partenaires d'attaque.
Constituant un excellent point d'appui en pointe de par son gabarit
et la qualité exceptionnelle de son jeu aérien, Morientes causait
de gros soucis aux défenses adverses par sa finesse technique et la
justesse de son jeu en remise, qui lui permettaient de combiner à
merveille avec des attaquants plus mobiles.
Redoutable d'adresse
devant le but, il faisait planer une menace constante dans la
surface, tout aussi capable d'asséner un coup de boule monstrueux
que de finir le boulot d'un plat du pied chirurgical ou d'une
pichenette sans bavures. Opportuniste à souhait et doué du sens
inné du placement qui fait les grands buteurs, il se trouvait
toujours à la réception des centres et sur le chemin des ballons
déviés ou repoussés par les poteaux. Lorsque le cuir lui parvenait
dans la zone des neuf mètres, le gardien n'avait pas l'ombre d'une
chance face à ce phénomène des surfaces qui n'avait pas besoin de
dix occasions pour la mettre au fond.
Recruté par le Real après
deux excellentes saisons avec Saragosse (28 buts en 66 matches de
Liga entre 1995 et 1997), Morientes a passé six saisons avec le club madrilène,
sous les couleurs duquel il a tout gagné de 1997 à 2003: trois
Champions League, deux titres de champion d'Espagne et une Coupe
Intercontinentale. En Liga, il a dépassé la barre des douze
réalisations à quatre reprises, signant son meilleur score en
1998-99 avec 19 buts, empilant 72 pions en 170 apparitions, total fort respectable pour un joueur qui n'était pas toujours titulaire, loin s'en faut. Sur la même période, il a claqué une vingtaine de buts en Champions League, formant avec son compère Raul un duo aussi complémentaire que performant.
Titulaire lors des trois finales
européennes remportées par le Real en 1998, 2000 et 2002 (honneur
qu'il partage avec les seuls Hierro et Raul), il ouvre le score avant
la mi-temps lors du choc espagnol contre Valence au Stade de France,
ouvrant la voie d'une victoire 3-0. Couvert de trophées avec la
Maison Blanche, Morientes a connu bien des changements pendant ses
années madrilènes, de l'époque Seedorf-Karembeu-Redondo à
l'arrivée année après année des "galactiques" de
Fiorentino Perez, mais a toujours su se montrer utile et régulier.
L'arrivée de Ronaldo en 2002, qui réduit considérablement son
temps de jeu et le cloue souvent sur le banc, le contraint néanmoins
à accepter un prêt à l'AS Monaco à l'orée de la saison
2003-2004.
Lors de son unique saison
en Principauté, Morientes est l'un des principaux artisans du
parcours exceptionnel des Monégasques en Champions League, s'avérant
déterminant à chaque tour. En huitièmes de finale, alors que l'ASM
est mené 2-0 sur la pelouse du Lokomotiv Moscou, il plante un but
importantissime qui permet à l'équipe de se qualifier au retour. Au
tour suivant, il retrouve ses anciens partenaires du Real et réduit
le score à 4-2 à sept minutes du terme à Bernabeu, rendant
possible l'exploit à Louis II, auquel il participe encore en
trompant Casillas à la 48ème.
Insatiable à l'image de ses
coéquipiers Giuly et Rothen, il marque encore lors de chacune des
deux manches en demie-finale face à Chelsea. Meilleur buteur de
la compétition avec 9 buts en 12 matches, Fernando Morientes perd toutefois sa première finale européenne face au FC Porto de Mourinho, qui donne une triste fin à la belle épopée. Malgré une année de toute beauté, l'ASM, intouchable en Ligue 1 jusqu'en janvier, ne remporte aucun trophée, malgré son jeu spectaculaire et offensif, mais une quarantaine d'apparitions sous le maillot rouge et blanc auront suffi à l'Espagnol pour laisser une trace indélébile dans l'histoire du club.
La fin de son histoire avec
Monaco coïncide avec une baisse de rendement du joueur, qui ne
retrouvera plus jamais le niveau qui était le sien à Madrid ou sur
le rocher. Vendu à Liverpool en janvier 2005, il peine à s'imposer
chez les Reds et signe à Valence l'année suivante, où il connaîtra
une dernière embellie avec douze buts lors de la saison 2006-2007.
Amoureux du joueur qui avait porté son équipe vers les sommets,
Deschamps prend le risque de le faire venir à Marseille, mais
l'expérience se solde par un échec et l'attaquant annonce sa
retraite à l'été 2010.
On ne peut guère en vouloir à
l'entraîneur marseillais d'avoir tenté le coup ni d'avoir pu penser
que, même à 33 ans et en petite forme, Morientes pouvait encore
rendre de précieux services comme joker de luxe. Deschamps n'est pas
le moins bien placé pour apprécier le talent du bonhomme,
accessoirement quatrième meilleur buteur de l'histoire de la Roja.
Avec 27 buts en 47 sélections, dont cinq en sept rencontres de
Coupe du Monde, Morientes présente un ratio de 0,57 but par match en
sélection seulement surpassé par David Villa. Ironie du sort, son
but international le plus important fut celui, pourtant valable,
qu'on lui refusa dans les prolongations du quart de finale face à la
Corée du Sud en 2002. Ce jour-là, s'il n'a pas marqué, c'est qu'il
n'en avait pas le droit.
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