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samedi 20 octobre 2012

Benzema, tireur isolé

benz3.jpgRécemment, sur une radio de grande écoute essentiellement consacrée à la chose sportive, un ancien joueur des Verts reconverti dans le commentaire catastrophiste expliquait avec autant d'aplomb que d'incompétence que, selon lui, Karim Benzema n'était pas un buteur. Sur le ton péremptoire qui caractérise les prises de position les plus absurdes et indéfendables, Captain Démago envoyait de la statistique à la pelle, rappelant que l'attaquant du Real Madrid n'avait pas planté pendant l'Euro et restait sur huit matches sans marquer sous le maillot bleu.


A l'entendre, Benzema est le principal responsable de l'inefficacité chronique de la sélection, incapable de trouver la faille contre le Japon. Si les dires du sinistre du microphone ne trouvaient guère d'écho, cela ne vaudrait même pas la peine de les évoquer ici, mais, malheureusement, son opinion est largement partagée: nombreux sont les parasites de plateau et les piliers de comptoir qui font porter le chapeau à l'ancien Lyonnais, accusé de tous les maux imaginables. A en écouter certains, Benzema, qui bénéficierait d'un traitement de faveur, ne mériterait même pas une place de titulaire en équipe de France. D'autres attaquants, paraît-il, feraient mieux le boulot.

S'il veut de la statistique parlante, le populo de studio, nous pouvons lui en fournir: en 2011-2012, Benzema a planté 32 pions en 52 matches avec le Real (21 en 34 matches de Liga, 7 en 11 matches de Champions League, 4 en 7 matches du Coupe du Roi). Cette saison, il a déjà trouvé les filets à deux reprises en Champions League. Contrairement au consultant favori des ménagères, nous ne prétendons pas détenir la science infuse, mais à notre très humble avis il semble tout de même à première vue qu'il s'agisse là de chiffres dignes d'un buteur, mais peut-être nous avançons-nous. Rappelons au passage que Benzema a terminé meilleur buteur de Ligue 1 en 2008 (37 buts en 72 matches entre 2006 et 2008 avec l'OL), ce qui tendrait à prouver que le garçon possède certaines aptitudes devant les cages.

benz2.jpgEn équipe de France, il marque en moyenne moins d'un but tous les trois matches, mais (faut-il le rappeler?) il a dû attendre la nomination de Laurent Blanc pour qu'un sélectionneur lui fasse pleinement confiance. Un paquet de tâcherons ont porté pendant de trop longues années le maillot bleu, y compris lors de tournois internationaux, sans que grand-monde n'y trouve à redire (certains leur adressaient même des compliments). En France, celle dont le procureur de café du commerce sait si habilement se faire le porte-parole, on a un sérieux problème avec les artistes. Demandez donc à Ginola son avis sur la question.

Il ne faudrait pas perdre de vue que le rôle du buteur consiste à conclure efficacement les mouvements collectifs de son équipe et à terminer au mieux le travail. Au Real, Benzema hérite de bons ballons parce qu'il joue aux côtés de passeurs émérites tels que Özil, Xabi Alonso et Di Maria. Techniquement au-dessus de la moyenne, il ne se contente pas d'attendre les offrandes de ses partenaires, mais participe activement à la construction des actions et distribue du caviar en retour. En équipe de France, Benzema se trouve manifestement trop isolé et n'est guère soutenu par des pourvoyeurs de qualité, mis à part Cabaye, avec qui sa relation reste perfectible (nous ne parlerons pas du cas Nasri par pure décence). S'il décroche autant et vient chercher les ballons aussi bas, c'est tout simplement parce que l'équipe s'avère incapable de le trouver s'il reste en pointe.

Comment peut-on stigmatiser son manque d'efficacité alors qu'il n'a pas la moindre occasion à se mettre sous la dent? Pourquoi lui reprocher de déserter le front de l'attaque et de vouloir créer l'étincelle quand rien ne se passe? Outre le fait qu'il a marqué des buts importants sous l'ère Blanc, on tend à négliger les dix passes décisives de Benzema en sélection. Est-ce un réel problème de disposer d'un attaquant qui sent le jeu et sait faire jouer les autres? De façon paradoxale, ce sont précisément ses qualités qui sont retenues contre lui.

Evidemment, dès que l'on s'en prend à Benzema, c'est pour suggérer qu'on le remplace par des types qui eux claqueraient sévère (et mouilleraient le maillot aussi, la marque des vrais joueurs de classe). On a ainsi pu entendre des grands essepères du ballon rond évoquer les noms de Gignac, seulement en voie de redressement (mais dès qu'un joueur de l'OM aligne trois bons matches, sa sélection devient indiscutable), de Gomis, meilleur spécialiste des buts hors-jeu du championnat, ou encore de Gameiro, abonné au banc avec son club. Quelques questions à la volée: ces joueurs auraient-ils leur place au Real Madrid? Font-ils fantasmer Florentino Perez? Combien de pions ont-ils marqué en Champions League?

Apparemment, beaucoup de gens n'ont toujours pas compris la différence entre un bon joueur de Ligue 1 et un attaquant de calibre mondial. L'Espagne a Torres et Villa, l'Angleterre a Rooney, l'Allemagne a Klose et Gomez, et la France a Benzema: point barre. Le poste d'attaquant de pointe ne saurait revenir à personne d'autre, et aucun joueur français ne possède le talent et l'envergure pour prétendre prendre sa place. La question ne se pose même pas, tant l'écart entre lui et les autres reste considérable. Au lieu de sans cesse remettre en cause son statut et de chercher des alternatives inexistantes, on devrait plutôt chercher à mettre l'équipe à son service et à le placer dans les meilleures conditions possibles. Des joueurs de cette qualité, nous n'en avons pas des caisses en magasin.

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