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lundi 14 octobre 2013

A quoi joue Mourinho?

Conflictuel, insolent et volontiers provocateur, José Mourinho se complaît dans la polémique, ce qui fait de lui un client privilégié des médias. Quand beaucoup d'entraîneurs se plaignent de ne pas pouvoir bosser dans la sérénité, il concentre volontairement la lumière sur lui, joue au chat et à la souris avec les journalistes et donne systématiquement du grain à moudre aux experts et observateurs. Que ce soit un trait de caractère ou une stratégie de management et de communication, il cherche systématiquement la confrontation et le contre-pied, n'hésitant pas pour cela à remettre en cause les valeurs les plus établies et à bousculer les institutions, à l'image du traitement infligé à Iker Casillas au Real. Cette politique du «seul contre tous» qui fit ses preuves par le passé et contribua à créer une sorte de mythe autour du technicien portugais, semble aujourd'hui à bout de souffle.



A Madrid, la méthode Mourinho a échoué sur bien des plans. Du point de vue des stricts résultats, même s'il a remporté une Liga, son bilan reste mitigé, puisque sa mission première consistait à conquérir la dixième Coupe d'Europe de l'histoire du Real. Tactiquement, il n' pas jamais trouvé la solution pour contrarier le Borussia et le Bayern, et si Nani n'avait pas été expulsé à Old Trafford, il aurait sans doute reçu une leçon de Ferguson. Mais là n'est pas le plus grave. Sur le banc de l'Inter, Mourinho se battait déjà contre ciel et terre mais bénéficiait du soutien indéfectible de son vestiaire: les Thiago Motta, Eto'o, Samuel et autres Maicon se dépouillaient sur le terrain pour leur entraîneur. En trois ans sur le banc du Real, il n' a réussi qu'à se mettre tous les cadres de l'équipe à dos et à semer la zizanie dans le groupe. A force de vouloir avoir raison contre tout le monde, il s'est placé dans une situation intenable d'isolement total, sans les joueurs, ni ses dirigeants, ni le public de son côté.


En retrouvant Stamford Bridge, Mourinho est en quelque sorte revenu à la maison, reprenant les rênes d'un club à qui il a permis de retrouver les sommets. A Chelsea, le Mou bénéficie d'un statut iconique et d'un crédit quasi-illimité. Pourtant, quelques revers surprenants (notamment face à Bâle à domicile en Champions League et à Everton en Premier League), la pauvre qualité de jeu des Blues et les choix parfois pour le moins baroques du grisonnant polyglotte suscitent déjà des interrogations. Fidèle à ses habitudes et toujours prêt à tout pour ne pas perdre la face, Mourinho affirme qu'il souhaite ni plus ni moins que changer le jeu de son équipe en profondeur et que celle-ci se trouve actuellement engagée dans un processus de transition. Il laisse ainsi entendre qu'il refuse de s'inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs et compte faire table rase des dernières saisons, comme s'il succédait à des incompétents notoires. Rappelons simplement que Di Matteo et Benitez ont gagné un trophée européen chacun avec Chelsea.


Le recrutement opéré par le club présente quelques incohérences, et il paraît probable que Mourinho ait eu les pleins pouvoirs dans ce domaine en bon manager à l'anglaise. On peut par exemple se demander pourquoi Chelsea a fait signer autant de milieux de terrain (De Bruyne, Schürrle, Willian, Van Ginkel) pour qu'au final un baron comme Mata se retrouve sur le banc voire parfois carrément exclu de la feuille de match. Le rendement et la complicité technique du trio Mata-Oscar-Hazard, trois jeunes talents initialement programmés pour progresser ensemble, fut assurément l'une des principales satisfactions de la saison passée. Pourquoi, sinon par une forme d'égotisme ou d'obstination, vouloir absolument mettre un terme à une association qui fonctionnait manifestement? Elu par les supporters meilleur joueur des Blues ces deux dernières années et auteur de 18 buts et 26 passes décisives en championnat sous le maillot bleu, Mata doit s'interroger sur les motifs de sa disgrâce.


La gestion du cas Lukaku a également provoqué bon nombre de critiques outre-Manche. Auteur de 17 buts avec West Bromwich Albion en 2012-13, le jeune attaquant belge a accepté d'être prêté à Everton parce que Mourinho lui a fait comprendre qu'il ne disposerait que d'un temps de jeu limité s'il restait à Chelsea. Depuis son départ, l'ancien joueur d'Anderlecht a claqué quatre buts en trois rencontres pour les Toffees et un doublé en Croatie qui a permis à la sélection belge de se qualifier pour le Brésil. Or à eux trois, Torres, Ba et Eto'o n'ont pas planté le moindre pion en Premier League. Si Mourinho a défendu son choix en affirmant que celui-ci s'avérerait profitable à Chelsea aussi bien qu'au joueur sur le long terme, on ne peut s'empêcher de penser que la puissance et l'efficacité de Lukaku, actuellement en pleine confiance, feraient le plus grand bien à l'attaque des Blues.


Depuis le début de saison, Mourinho a opté soit pour le 4-2-3-1 soit pour le 4-3-3, expérimentant toutes sortes de formules et de combinaisons possibles, allant jusqu'à aligner Schürrle seul en pointe. S'il est tout à fait normal qu'un entraîneur nouvellement nommé cherche son meilleur schéma, surtout avec autant de nouvelles recrues, Mourinho donne le sentiment de moins maîtriser son sujet et se retranche plus que jamais derrière les sorties médiatiques tapageuses.


Question à dix mille livres: et si, après tout, le Portugais s'ennuyait à Chelsea? Il a déjà gagné deux titres avec les Blues et ne peut plus être le premier à leur offrir la Champions League. Il ne peut même plus se friter avec Ferguson par médias interposés. En partie grillé par ses excès sur le banc madrilène (le fameux coup du doigt dans l'oeil de Villlanova), Mourinho n'a sans doute pas croulé sous les propositions intéressantes à l'heure de quitter l'Espagne, de telle sorte que Chelsea pourrait en fait constituer un choix par défaut. Quel grand club aurait pris le risque d'engager un technicien précédé d'une réputation aussi sulfureuse ? Si l'on en croit la presse anglaise, et notamment The Guardian, il n'aurait pas digéré que Manchester United n'ait pas fait appel à lui pour succéder à Sir Alex. Voilà qui jette un nouvel éclairage sur les raisons d'un retour annoncé que Mourinho l'ambitieux vit peut-être comme une régression.

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