Plutôt que les considérations tactiques ou l'évaluation du rendement des uns et des autres, ce sont les blessures et suspensions qui occupent l'espace médiatique à la veille des demi-finales: Neymar ne jouera plus, Thiago Silva devra attendre une éventuelle finale (à moins que la requête des dirigeants brésiliens pour faire sauter son carton n'aboutisse, ce qui ne nous surprendrait qu'à moitié) et Di Maria a quitté ses partenaires après une demi-heure face à la Belgique. Après le placenta de cheval pour Diego Costa, on évoque un traitement à base de cellules souches pour le lieutenant de Messi, mais les chances de le revoir d'ici la fin du tournoi semblent bien minces.
Il s'agit d'une véritable tuile à l'heure où l'Albiceleste s'apprête à disputer sa première demi-finale depuis 1990 et l'époque Maradona-Caniggia (et une jolie pelletée de bouchers autour). Mis à part vous savez qui bien évidemment, le Madrilène semblait le seul à même de créer des brèches dans les défenses adverses et éliminer ses adversaires directs. Di Maria sous le maillot du Real cette saison, c'est plus de vingt caviars et un gros paquets de dribbles réussis: un joueur de classe mondiale, qui a joué un rôle central dans la conquête de la decima et a totalement fait oublier le départ d'Özil. Il vit toujours dans l'ombre d'une des deux superstars du moment (Ronaldo au Real, Messi avec l'Argentine), qui ne pourraient sans doute pas nourrir les mêmes ambitions sans lui. Moins naturellement collectif qu'Özil, moins attiré par le but que Robben, Di Maria n'est pas seulement un joueur de contre: il sert à la fois de relais entre le milieu et l'attaque et de détonateur des mouvements offensifs. Une sorte de Giggs argentin, en somme.

On est parfaitement en droit de critiquer Sabella, et pas seulement de Cadix, (comme nous ne sommes guère privés de le faire jusqu'ici) et de trouver cette Argentine froide et calculatrice (une Argentine Sharon Stone quoi), mais les absences de Di Maria et Agüero constituent un handicap considérable. Enlevez Valbuena et Griezmann à la France, Van Persie et Sneijder aux Pays-Bas, Özil et Götze à l'Allemagne, observez le résultat et on en recause tranquillement devant une Suze hein. L'Argentine avait réussi un bon début de match contre la Belgique et la sortie de Di Maria a fait ressurgir le spectre d'un nouvel échec en quart après les amères éliminations de 2006 et 2010. Courageux et solidaires, les Argentins s'en sont cette fois sortis à la grinta, dont il ne faudrait pas oublier qu'elle fait partie du patrimoine national, au même titre que l'asado ou le tango (est-il besoin d'évoquer l'Atletico de Simeone?). Et aux chantres du "joga bonito" et de l'otarisme de plage, nous nous contenterons de signaler que l'équipe qui a commis le plus de fautes dans ce tournoi n'est autre que le Brésil.
Le colonel Moustache avec un fer à cheval dans la salle à manger se trouve confronté à un souci d'ordre identique: qui dit pas de Neymar dit pas de vitesse, pas d'accélérations ni de changements de rythme, pas ou peu de provocations balle au pied et accessoirement très peu de buts dans le jeu (si l'on excepte les pions du Barcelonais et ceux plantés sur phases arrêtées, Oscar, tout simplement invisible lors des derniers matches, est le seul buteur brésilien).
Vous pensez bien (vous ne pensez pas, allez-vous me dire, bande de faignants du bulbe qui si ça se trouve faites insulte à votre espèce en allant vous enduire de monoï sur un espace sableux quelconque) que le père Scolari ne vas pas se lancer inconsidérément à l'offensive face à un adversaire qu'il a toutes les raisons de craindre. Solution probable: un milieu Luiz Gustavo-Paulinho-Ramires en mode régalade et qui fait saliver d'avance, Oscar à droite, Hulk à gauche et Fred en pointe, autant vous dire que ça va méchamment envoyer du rêve et que l'arrière-garde teutonne risque d'avoir rapidement le tournis.
Les Pays-Bas et l'Allemagne furent loin d'être géniaux en quart mais ils se présentent en ordre de marche et sans blessé majeur dans leurs rangs (la perte d'un Robben ou d'un Müller aurait un impact similaire sur les deux sélections aux forfaits de Di Maria et Neymar, voire même plus important encore). Lorsqu'on évalue les chances des prétendants au début d'une compétition, on tend souvent à oublier ces deux facteurs essentiels que sont les blessures et les suspensions. Dans le football dit moderne, ce sont des joueurs comme les quatre que nous venons de citer ou encore des Alexis Sanchez, des James Rodriguez ou des Eden Hazard, autant de créateurs plus susceptibles que les autres de se faire chatouiller les chevilles, qui dynamitent les blocs adverses et débloquent les matches. Pouvoir encore compter sur eux quand vient l'heure de la distribution des lauriers constitue un soi un atout non négligeable.
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