Il aura bel et bien lieu,
ce quart de finale entre la France et l'Allemagne que (presque) tout
le monde attendait, mais le cap des huitièmes s'est avéré très
compliqué à franchir pour les deux meilleurs ennemis du football
européen. Comme le Brésil et les Pays-Bas, les deux équipes ont
souffert mille morts pour se qualifier et ont dû puiser dans leurs
ressources physiques et et mentales, comme on dit en Suisse, pour
sortir du piège tendu par des adversaires surmotivés et sans
complexes. Une fois encore, la loi des séries, à laquelle on se
raccroche quand tout semble aller mal, s'est appliquée dans cette
Coupe du Monde: c'est la troisième élimination du Nigeria à ce
stade de la compétition contre un représentant du vieux continent,
et l'Allemagne n'a jamais perdu en huitièmes de finale de son
histoire.
Si les Bleus ont joué à
l'envers pendant une bonne heure, c'est essentiellement parce que les
champions d'Afrique les ont pris à contre-pied. Alors que l'on
s'attendait à les voir défendre bas et jouer le contre, les Super
Eagles ont d'emblée pris les Français à la gorge, exercé un
pressing étouffant et empoigné la direction des opérations.
Deschamps avait aligné Giroud plutôt que Griezmann, pensant sans
doute que le jeu de tête du Gunner et sa faculté à servir de pivot
ouvriraient des brèches dans une défense regroupée: ce fut une
erreur tactique majeure, qui aurait pu (dû?) valoir aux Bleus de se
retrouver menés au score.

Que dire de
la prestation du roi du calembour? Spectateur de la rencontre, il
s'est contenté de trottiner du début à la fin, ne s'approchant
jamais à moins de cinq mètres de son adversaire direct et laissant
très souvent Matuidi faire le taf à sa place aux abords de la
surface. Comme Marathon Blaise ne possède que trois poumons, il lui
fut simplement impossible de colmater toutes les fuites. On ne voit
guère comment Digne pourrait faire pire contre l'Allemagne.


D'aucuns, qui ne sont
plus à une analyse foireuse près, avanceront sans doute que
Griezmann a bénéficié du travail de sape de Giroud, mais vu le
manque de poids de l'avant-centre et son implication douteuse,
l'argument ne tient pas. Il aurait manifestement été plus judicieux
d'aligner Griezmann d'entrée plutôt que de vouloir affronter
l'adversaire sur son terrain et ses points forts. En outre, il ne
s'agit pas uniquement d'une option offensive, mais d'un choix à
l'impact considérable sur l'équilibre d'ensemble de l'équipe.
Un mot sur un joueur dont
personne ne parle, précisément parce qu'il a accepté le rôle de
l'homme de l'ombre, mais qui s'avère à chaque match plus
indispensable: Yohan Cabaye, une nouvelle fois exemplaire dans
l'engagement et la justesse tactique. Accrocheur en diable, il a
collectionné les interventions, souvent compensé le placement
douteux de ses partenaires et toujours tenté de donner des ballons
propres alors que les Bleus se contentaient souvent de balancer et
faisaient faillite dans les transmissions.
Superbe joueur de ballon,
pour user d'un terme technique, Cabaye se tape le sale boulot et
laisse ses deux compères Pogba et Matuidi récolter les lauriers, la
reconnaissance populaire et les louanges des observateurs: c'est ce
que l'on appelle, dans le jargon, la classe. Il aurait mérité de
marquer sur sa frappe somptueuse, mais il semble écrit qu'il ne sera
pas sous le feu des projecteurs lors de ce Mondial.
La France peut-elle
battre l'Allemagne? Nous serions tentés de dire oui. La Mannschaft
peut compter sur un trio d'attaque redoutable (même si on peut avoir
envie de secouer Özil pour faire remonter le talent qui est au fond)
et un milieu remarquablement équilibré, mais ne peut s'appuyer sur
la moindre certitude défensive. Höwedes et Boateng sont des
centraux alignés sur les côtés par défaut, Mertesacker fait du
Mertesacker et Mustafi affiche d'énormes carences. Face à
l'Algérie, l'absence de Matts Hummels a pesé lourd, privant
l'Allemagne de sa qualité de relance et de première passe. Le
défenseur du Borussia pourrait faire son retour pour le quart de
finale, mais il n'est pas certain que sa présence suffise en
elle-même à stabiliser une arrière-garde très inquiétante
jusqu'alors.
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