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mardi 1 juillet 2014

Premières chaleurs

Il aura bel et bien lieu, ce quart de finale entre la France et l'Allemagne que (presque) tout le monde attendait, mais le cap des huitièmes s'est avéré très compliqué à franchir pour les deux meilleurs ennemis du football européen. Comme le Brésil et les Pays-Bas, les deux équipes ont souffert mille morts pour se qualifier et ont dû puiser dans leurs ressources physiques et et mentales, comme on dit en Suisse, pour sortir du piège tendu par des adversaires surmotivés et sans complexes. Une fois encore, la loi des séries, à laquelle on se raccroche quand tout semble aller mal, s'est appliquée dans cette Coupe du Monde: c'est la troisième élimination du Nigeria à ce stade de la compétition contre un représentant du vieux continent, et l'Allemagne n'a jamais perdu en huitièmes de finale de son histoire.


Si les Bleus ont joué à l'envers pendant une bonne heure, c'est essentiellement parce que les champions d'Afrique les ont pris à contre-pied. Alors que l'on s'attendait à les voir défendre bas et jouer le contre, les Super Eagles ont d'emblée pris les Français à la gorge, exercé un pressing étouffant et empoigné la direction des opérations. Deschamps avait aligné Giroud plutôt que Griezmann, pensant sans doute que le jeu de tête du Gunner et sa faculté à servir de pivot ouvriraient des brèches dans une défense regroupée: ce fut une erreur tactique majeure, qui aurait pu (dû?) valoir aux Bleus de se retrouver menés au score.


La titularisation de Giroud eut pour effet de décaler Benzema sur le côté gauche, une position qu'il n'affectionne guère. Comme le Madrilène a (volontairement?) omis de faire sa part de boulot défensif, le flanc gauche français s'est rapidement transformé en voie express pour les Nigérians, qui ont rapidement compris qu' Evra était totalement aux fraises et ont multiplié les attaques de son côté. 

Que dire de la prestation du roi du calembour? Spectateur de la rencontre, il s'est contenté de trottiner du début à la fin, ne s'approchant jamais à moins de cinq mètres de son adversaire direct et laissant très souvent Matuidi faire le taf à sa place aux abords de la surface. Comme Marathon Blaise ne possède que trois poumons, il lui fut simplement impossible de colmater toutes les fuites. On ne voit guère comment Digne pourrait faire pire contre l'Allemagne.

Tant que la France se trouva dans cette configuration, elle frisa constamment la correctionnelle et donna l'impression de s'accrocher tant bien que mal en attendant un miracle sur coup de pied arrêté. Les Bleus peuvent également remercier l'arbitre, qui a refusé un but à Emenike pour un hors-jeu peu évident, oublié un penalty pour une faute ahurissante de bêtise d'Evra (encore lui, gros dossier quand même sur ce match) et n'a collé qu'un jaune à Matuidi qui aurait mérité l'expulsion pour une semelle terrible sur la cheville d'Onazi. Jusqu'à l'heure de jeu, seuls Valbuena, une fois de plus convaincant, Cabaye, Matuidi, Debuchy et la charnière centrale entretinrent la flamme. Benzema et Giroud furent transparents, au mieux maladroits, et Pogba ne donna qu'un aperçu de son énorme talent.


L'entrée de Griezmann, en mode Ribéry 2006, a simplement tout changé. Plutôt qu'un Giroud pataud et hors du coup, la défense nigériane s'est subitement coltinée un attaquant vif, dribbleur, entreprenant et surtout en pleine confiance. Benzema a retrouvé sa place dans l'axe, Valbuena continué sur sa lancée, Pogba refait surface et, logiquement, les occasions n'ont pas tardé à se multiplier. 

D'aucuns, qui ne sont plus à une analyse foireuse près, avanceront sans doute que Griezmann a bénéficié du travail de sape de Giroud, mais vu le manque de poids de l'avant-centre et son implication douteuse, l'argument ne tient pas. Il aurait manifestement été plus judicieux d'aligner Griezmann d'entrée plutôt que de vouloir affronter l'adversaire sur son terrain et ses points forts. En outre, il ne s'agit pas uniquement d'une option offensive, mais d'un choix à l'impact considérable sur l'équilibre d'ensemble de l'équipe.

Un mot sur un joueur dont personne ne parle, précisément parce qu'il a accepté le rôle de l'homme de l'ombre, mais qui s'avère à chaque match plus indispensable: Yohan Cabaye, une nouvelle fois exemplaire dans l'engagement et la justesse tactique. Accrocheur en diable, il a collectionné les interventions, souvent compensé le placement douteux de ses partenaires et toujours tenté de donner des ballons propres alors que les Bleus se contentaient souvent de balancer et faisaient faillite dans les transmissions. 

Superbe joueur de ballon, pour user d'un terme technique, Cabaye se tape le sale boulot et laisse ses deux compères Pogba et Matuidi récolter les lauriers, la reconnaissance populaire et les louanges des observateurs: c'est ce que l'on appelle, dans le jargon, la classe. Il aurait mérité de marquer sur sa frappe somptueuse, mais il semble écrit qu'il ne sera pas sous le feu des projecteurs lors de ce Mondial.

La France peut-elle battre l'Allemagne? Nous serions tentés de dire oui. La Mannschaft peut compter sur un trio d'attaque redoutable (même si on peut avoir envie de secouer Özil pour faire remonter le talent qui est au fond) et un milieu remarquablement équilibré, mais ne peut s'appuyer sur la moindre certitude défensive. Höwedes et Boateng sont des centraux alignés sur les côtés par défaut, Mertesacker fait du Mertesacker et Mustafi affiche d'énormes carences. Face à l'Algérie, l'absence de Matts Hummels a pesé lourd, privant l'Allemagne de sa qualité de relance et de première passe. Le défenseur du Borussia pourrait faire son retour pour le quart de finale, mais il n'est pas certain que sa présence suffise en elle-même à stabiliser une arrière-garde très inquiétante jusqu'alors.

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