post-labels {display: none}

lundi 8 décembre 2014

Pourquoi Neuer mérite le Ballon d'Or

Une fois n'est pas coutume, comme dirait Balkany en piquant dans la caisse, LPC s'intéresse à l'un des débats qui agitent le monde du fouteballe depuis quelques semaines comme, il faut bien le dire, chaque année à cette période: à qui filer la fameuse baballe dorée? Dans le jargon journalistique, il s'agit d'un magnifique exemple de marronnier (n'est-ce pas Vincent?), qui fait tous les mois de décembre le bonheur des plumes sans inspiration qui ne savent plus quoi inventer pour attirer le chaland, qu'il passe ou ne passe pas (précisons au passage que le chaland qui ne passe pas ne saurait être désigné comme un "non-chaland", non ne me remerciez pas, tout le plaisir est pour moi).


Entre la dinde et le cassoulet, on a toujours droit à la sempiternelle question: qui c'est le plus fort entre Messi et Ronaldo hein Kara tu sais toi et entre l'hippopotame et l'éléphant tiens je mangerais bien des gencives de porc ça me rendrait hyper content? Sauf que cette année, ladies and gentlemen (pardon lady et gentlemen, on salue notre unique lectrice, à savoir ma mère, au passage), les deux habitués du podium sont accompagnés d'un gardien de but, et pas n'importe lequel en prime, ce qui rend la chose un tantinet plus intéressante, même si le meilleur joueur du monde reste évidemment Ibrahimovic.

L'argument qui consiste à dire qu'il faut récompenser Neuer pour éviter de donner la récompense aux deux autres loustics, qui la trustent depuis six saisons, ne tient pas la route, et pas seulement celle de Dijon (et je ne dis pas ça parce que la moutarde me monte au nez). Rappeler qu'aucun gardien n'a été élu depuis l'immense Lev Yachine en 1963 et que d'autres portiers devraient figurer au palmarès (Maier, Zoff, Buffon, Casillas, Van der Sar) ne fait pas avancer le schmilblick. Il faut simplement se demander lequel des trois le mérite le plus, ce que les membres du corps électoral ne font manifestement pas. 

Que le Ballon d'Or fasse constamment l'objet de controverses montre à quel point il est compliqué, voire aberrant, de valoriser une individualité dans un sport collectif qui requiert tous les profils et toutes les compétences. Cela prouve également qu'il reste un prix prestigieux et convoité, sur lequel lorgnent même les joueurs les plus titrés et qui s'est peu à peu fait une place dans la légende du jeu. Etre sacré Ballon d'Or, ce n'est pas seulement être désigné comme le meilleur joueur de la saison. C'est aussi rejoindre Di Stefano, Cruyff, Platini, Ronaldo et consorts au panthéon, mon vieux Léon.


Commençons par le cas Cristiano Ronaldo (ho le beau cas, dirait le docteur d'Achille Talon, récemment recommandé à Zlatan). Du point de vue des performances, le type marche sur l'eau et enchaîne les triplés aussi vite que les passements de jambes, mais le récompenser constituerait une erreur. S'il a remporté la decima avec le Real, il n'a absolument pas pesé sur la finale, dont le meilleur joueur fut Angel Di Maria. Cela ne l'a pas empêché d'exhiber ses abdominaux et de s'approprier la victoire après avoir transformé un penalty totalement anecdotique pour le 4-1, alors que la messe était déjà dite. 

Il n'a pas pu sauver le Portugal du désastre lors de la Coupe du Monde, retombant dans ses travers individualistes et ses jérémiades. Le niveau global de la sélection se situe à des années-lumière du sien, mais cela ne justifie pas de ne pas se présenter en conférence de presse après une défaite lorsque l'on porte le brassard de capitaine. Le problème de Ronaldo, c'est qu'il cherche à tout prix à attirer les projecteurs sur lui lorsque tout va bien, mais qu'il fuit la lumière tel un Draculao de Madère lorsque les choses tournent au vilain. Et puis veut-on vraiment donner une troisième balle en or à un joueur de ce calibre qui n'hésite pas à s'adonner aux plus grotesques simulations comme à ses débuts avec le Sporting et United ?


Lionel Messi, qui bat record sur record au plus grand dam de son meilleur ennemi, continue à tutoyer la stratosphère mais n'a rien gagné cette saison. Son début de Mondial fut remarquable, et il tira souvent l'Argentine du guêpier, avant de s'essouffler quelque peu, rattrapé par la fatigue et sa solitude en attaque en raison des blessures d'Agüero et Di Maria et de l'absence de Tevez. Le pays attendait de lui qu'il fasse une Maradona 1986 (sans les mains) et la déception fut à la hauteur des attentes engendrées par la première finale mondiale depuis 1990. S'il avait gagné la Coupe du Monde, un cinquième Ballon d'Or lui tendrait les bras, mais il serait malvenu de récompenser un finaliste malheureux quand on s'est allègrement permis d'ignorer Robben et Sneijder en 2010. Il n'en reste pas moins que Messi reste un phénomène, un génie, un artiste, et qu'en termes de régularité dans l'excellence, il n'a strictement rien à envier à Ronaldo.


Pourquoi Neuer se détache-t-il clairement, à tel point que son élection relève presque de l'évidence, un très mauvais signe pour lui? D'abord parce qu'il a littéralement plané sur la Coupe du Monde, atteignant un niveau invraisemblable et se montrant encore plus fort qu'on ne pouvait l'imaginer. Contre l'Algérie, alors que la Mannschaft tanguait sévèrement, il a littéralement sauvé les meubles et multiplié les interventions décisives. Face à la France, il a sorti une paire de parades mémorables, devant Valbuena juste avant le repos notamment. Match après match, il a écœuré les attaquants adverses, n'encaissant qu'un seul but (sans conséquence) sur les trois derniers tours, il est vrai avec le concours de la formidable paire (je vous en prie) Boateng-Hummels. S'il faut récompenser un champion du monde, alors Neuer s'impose tout naturellement, même si on se demande ce que Müller doit faire pour avoir droit à ne serait-ce qu'au quart de la reconnaissance qu'il mérite.


A 28 ans, l'infranchissable gardien allemand a atteint une plénitude et une maturité qui le placent bien au-dessus de la concurrence à son poste et installent une confiance totale dans les rangs de la sélection et de son club. Ce qui est déprimant pour les adversaires du Bayern, c'est qu'ils doivent non seulement éviter de se faire tailler en pièces par Müller, Götze, Ribéry, Lewandowski et Robben (quel arsenal, comme dirait Arsène, qui se laisse encore une douzaine d'années pour jouer le titre), mais qu'ils parviennent également à battre Neuer, qui, à l'instar de Gordon Banks, peut arrêter un but déjà marqué. 

Quand on peut compter sur un tel phénomène dans les cages, on joue forcément plus sereinement. Rolland Courbis a sans doute raison quand il affirme que le gardien est le joueur le plus important du onze, celui qu'il faut placer en premier sur la feuille de match, de par la spécificité de son poste et ses attributions particulières (non mais je vous en prie ça suffit maintenant on n'est pas chez Canteloup là hein). L'adage qui veut qu'aucun succès n'est possible sans du solide entre les poteaux contient sa part de vérité, et il serait intéressant de voir où en serait le PSG avec Apoula Edel, surnommé "Apoul aux œufs d'or" par son agent.


Si l'on envisage l'aspect tactique et l'importance d'un joueur dans l'évolution du jeu, c'est une nouvelle fois Neuer qui tient la corde. Le géant bondissant joue régulièrement les liberos bis, n'hésitant pas à s'aventurer loin de sa surface et à faire parler la qualité de sa relance et de son jeu au pied. Sa lecture du jeu, son sens de l'anticipation et sa maîtrise technique balle au pied sont tout simplement exceptionnels. Pour joueur de son gabarit (1,93m pour 93 kg tout de même), ses réflexes, sa gestuelle et sa coordination relèvent de l'improbable. On pourrait le croire pataud et lourd, mais il peut sortir à toute vitesse, se relever en un éclair pour effectuer un deuxième ou troisième arrêt, s'étendre à l'horizontale pour sortir un ballon de sa lucarne. Impressionnant et sérénissime, Neuer est un croisement entre un mutant et Herr Schmidt (monsieur tout le monde en allemand, on suit dans le fond merci), qui banalise l'impensable. Son corps évoque celui d' Ibrahimovic, de par sa combinaison puissance-élasticité-équilibre. Son visage rappelle davantage celui de mon charcutier, qui a une bonne tête de Ballon d'Or (et aussi une bonne tête de veau).


1 commentaire:

  1. J'avais perdu le blog il y a de cela des mois, je retrouve le site ! Joie !

    Très bon article, même si Neuer finira 3ème (jurisprudence Ribéry pour ne citer que le cas le plus récent)

    RépondreSupprimer