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vendredi 18 septembre 2015

Pourquoi Payet a raison

Au cours d'une interview accordée au Canal Football Club, Dimitri Payet, absent de la dernière liste de Deschamps, a déclaré ne pas comprendre que le sélectionneur dise attendre plus de lui. S'estimant à juste titre dans la meilleure période de sa carrière (il a terminé meilleur passeur du championnat avec l'OM la saison dernière et a déjà planté trois buts en cinq journées avec West Ham), l'ancien Stéphanois a mis les crampons dans le plat, laissant clairement entendre que certains joueurs se voyaient systématiquement sélectionnés quel que soit leur niveau de performance tandis que d'autres pouvaient briller en vain dans leur coin et aller royalement se faire cuire un œuf. 

Même si ces propos viennent d'un type qu'on dit volontiers un tantinet imbu de lui-même (il aurait le boulard, en langage technique) et qui trimballe une réputation de diva, qu'elle soit justifiée ou non, il convient de les considérer avec attention, car ils pointent du doigt un vrai problème au sein de l'équipe de France que peu de joueurs osent dénoncer.


Il n'y a d'ailleurs qu'à jeter un œil aux réactions à la déclaration de Payet pour comprendre une partie du problème: tais-toi et bosse, ne fais pas de vagues, n'étale pas tes états d'âme sinon tu es mort. Littéralement traumatisé par l'épisode Knysna, le football français a une peur panique de l'ego. Ce qui plaît à Deschamps (et c'est à coup sûr une des raisons de sa nomination), ce sont de bons petits soldats malléables et dociles qui acceptent sans broncher de s'asseoir sur le banc ou de rester à la maison. C'est le culte du sacro-saint groupe (qui vit bien, forcément), un principe totalitaire qui éradique toute différence et évince les personnalités fortes. 

On nous répondra que Jacquet ne pensait qu'en fonction du groupe lui aussi. Certes, mais en considérant que celui-ci devant inclure des caractères bien trempés (Deschamps, Desailly, Blanc, Karembeu, Djorkaeff, Petit), de vrais champions qui accepteraient d'apporter leur écot à la cause commune. Où sont les personnalités marquées, les leaders chez les Bleus d'aujourd'hui? On ne gagne pas un Euro avec vingt-trois types qui récitent gentiment leur leçon devant le micro. On sent bien l'influence de Deschamps sur ses joueurs: ils sont tous aussi ennuyeux à écouter que lui.


Payet a raison de dire que certains bénéficient de plus de clémence que d'autres et figurent sans doute déjà dans la liste pour le championnat d'Europe. C'est une évidence que tous les observateurs et footophiles n'ont pu que constater. Un joueur de seconde zone comme Sissoko, actuellement dernier de Premier League, passé par des clubs huppés comme Toulouse et Newcastle, compte plus de trente sélections. Personne n'a encore compris à quoi il servait au juste, mais il est costaud, il va vite, et surtout il est content d'être là. 

Valbuena? Cinquante sélections. Sur les talons de Govou. Il mouille le maillot. Evra et Sagna? Près de cent vingt sélections à eux deux, total plutôt respectable pour deux latéraux qui n'ont jamais réussi un centre en bleu et ne rassurent que moyennement sur le plan défensif. Kurzawa? Digne? Corchia? Mathieu? Non merci, on fera sans.  L'idée de base de Deschamps? Former une sélection aussi consensuelle que possible et viser un petit quart de finale honorable sans prêter le flanc à la critique. De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace.


Au milieu de terrain, il a confié les clés à Pogba, tout en concédant que le Turinois ne pouvait être considéré comme un meneur de jeu. Les autres sélectionnés habituels dans l'entre-jeu (Matuidi, Schneiderlin, Sissoko, Cabaye, Kondogbia) sont tous des milieux défensifs plus ou moins capables de se projeter vers l'avant. Les seuls pourvoyeurs de ballons potentiels (Griezmann, Valbuena) évoluent plutôt sur les côtés, laissant l'axe aux récupérateurs physico-physiques chers à Deschamps (après le carré magique, le triangle pragmatique) dans un système où la relation entre le milieu et l'attaque est parfois inexistante. 

Le profil de Payet, un vrai meneur de jeu axial capable de jouer par-dessus et trouver la profondeur, d'illuminer une action d'une passe parfaite et accessoirement de marquer, ferait un bien fou à cette équipe de France. Avec sa sortie qui n'est pas passé inaperçue au royaume du "je fais confiance au sélectionneur" (une sorte de mantra à l'approche de l'Euro), il s'est peut-être définitivement grillé. Quand Deschamps reconnaît qu'un joueur à de la qualité, comme il l'a fait récemment au sujet de Payet sur RMC, c'est souvent pour mieux lui claquer la porte au nez.






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