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mardi 3 novembre 2015

Tout sauf l'Inter

Comme prévu, la saison de Serie A donne lieu à une lutte aussi indécise que savoureuse entre les principaux favoris, et bien malin qui peut prédire le nom du vainqueur final. La Fiorentina se prend à rêver du titre, la Roma répond enfin aux espoirs placées en elle, le Napoli n'a perdu qu'un petit match en onze journées et même le Milan est revenu dans la course grâce à sa victoire probante sur le terrain de la Lazio. Seule la Juve, qui éprouve bien plus de difficultés à tourner la page Pirlo-Vidal-Tevez qu'on ne pouvait le penser, semble un peu larguée, même s'il est trop tôt pour l'enterrer définitivement. Tout ce beau monde tente plus ou moins de jouer au football, sauf l'Inter, qui, si jamais il devait être sacré (Saint Zeman priez pour nous), ferait l'un des champions les plus laids et détestables de l'histoire du championnat italien.

Un chiffre pour commencer: la Roma, meilleure attaque, a marqué 25 buts, la Viola 22, le Napoli 21 et l'Inter...11 (quatorzième attaque du championnat, même Empoli fait mieux). Voilà donc une équipe qui ne vise rien moins que le Scudetto en plantant un but par match: noble défi. Seuls six joueurs ont marqué pour les nerazzurri (Icardi, Jovetic, Perisic, Medel, Guarin et l'inénarrable Melo, une véritable honte ambulante) contre onze pour la Roma, une équipe blindée de bons footballeurs où le danger peut venir de partout. Certes, l'Inter est la meilleure défense du pays avec sept buts encaissés, mais le spectacle proposé par l'équipe frise le scandale esthétique. D'après Mancini, qui dit "ne pas comprendre cette chose d'avoir à bien jouer" et pour qui savoir gagner 1-0 est un art, la manière importe peu. Bienvenue en 1990.


On savait que le technicien italien s'appuierait d'abord sur une assise défensive solide (on blinde d'abord, et on voit très éventuellement ce qu'on fait avec la chique ensuite) et le moins que l'on puisse dire est que l'on n'est pas déçu du voyage. Dans son 4-3-3, Mancini n'envisage pas une seconde de mettre un créateur ou un type avec un semblant de ballon au milieu: Kondogbia, Medel, Melo, Brozovic, Guarin, du muscle, encore du muscle, toujours du muscle, avec aussi en bonus de la sueur et des coups. Résultat: son Inter joue avec sept ou huit éléments à vocation défensive et trois attaquants censés créer du jeu et des occasions à partir de rien. Dans ces conditions, réussir à marquer onze pions relève de l'exploit. Contre la Roma, c'est l'improbable Gary Medel qui a ouvert le score d'une frappe des vingt mètres. Pour le reste, circulez, il n'y a rien à voir.

Lors du choc face aux giallorossi, l'Inter s'est contenté de gérer petitement son avantage et de placer quelques timides contres. Et encore, "gérer" est un bien grand mot, puisqu'Handanovic, certainement le meilleur gardien de Serie A à l'heure actuelle, a sauvé la cabane à plusieurs reprises. Face à la vitesse de Gervinho et Salah, la défense intériste a souvent pris l'eau. Il convient de rappeler qu'elle en avait pris quatre dans le cornet à domicile contre la Fiorentina et que face à une Juve pourtant dans le doute, elle était passé tout près de la correctionnelle, Khedira trouvant le poteau en deuxième période sur une frappe de près. Le fait que l'Inter ait marqué plus en cinq déplacements qu'en six matches à la maison démontre l'incapacité notoire de l'équipe à faire le jeu.


Mais, précisément, Mancini ne veut pas que son équipe prenne les choses en main. Il souhaite qu'elle reste bien en place (ah la belle expression moderne que voilà), qu'elle trouve la faille d'une manière plus ou moins miraculeuse et qu'elle ferme la boutique à double tour. On se demande quel plaisir Mancini le joueur (et quel merveilleux joueur il fut!) aurait eu à évoluer dans cette équipe ultra-pragmatique, avant tout bâtie pour détruire et dénuée de toute imagination. C'est à croire que certains anciens attaquants deviennent amnésiques quand ils enfilent le costume d'entraîneur, ce qui ne veut pas dire que les milieux défensifs de métier sont forcément à l'inverse les tenants du football champagne, comme Deschamps et Dunga s'efforcent à le prouver.

Il est regrettable que des fossoyeurs du jeu tels que Mancini se voient encore offrir une place sur des bancs aussi prestigieux que celui de l'Inter (ceci dit, le passage d'un Mourinho qui n'avait pas hésité à faire jouer Eto'o arrière latéral contre le Barça lui donne une sorte de blanc-seing). Dans son ensemble, la Serie A donne à voir un football souvent offensif et technique. Même la Juventus de Conte puis Allegri, avant tout fondée sur la rigueur tactique et la domination dans les duels, n'était pas laide à regarder, portée par les Pirlo, Pogba, Marchisio, Vidal. Le retour au premier plan de la Fiorentina et de la Roma, qui furent toujours les favorites des esthètes, et l'embellie du Napoli et de sa formidable escouade offensive (Hamsik, Higuain, Mertens, Insigne, Callejon, Gabbiadini) témoignent d'une tendance forte vers la prise de risques et le souci de bien jouer.


Mancini, c'est le Saint-André du football italien: le type qui a mis les œillères et va totalement à contre-courant de l'évolution de son sport. A la différence près que Mancini, lui, il gagne et engrange les points (24 en 11 journées), ce qui rend la chose d'autant plus agaçante. Ne reste plus qu'à espérer qu'il ne l'emportera pas au paradis et que ses conceptions sécuritaires ne lui offriront pas son premier Scudetto en tant qu'entraîneur. Comme on le sait, la justice n'existe pas dans le football de haut niveau, mais les matches joués face à des gros calibres (défaite 1-4 contre la Fio, nul pénible contre la Juve, victoire imméritée contre la Roma) laissent à penser qu'aligner sept bourrins et trois demi-artistes risque de s'avérer tactiquement un peu léger pour aller au bout.

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