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samedi 29 octobre 2016

Jardim, l'homme du réel

Le très recommandable mensuel So Foot a récemment consacré un article à l'insupportable corporatisme des entraîneurs français, intitulé « Le village gaulois ». Il est vrai que les techniciens bien de chez nous, adeptes du 9-1-0 et incapables de la moindre audace tactique, voient souvent d'un mauvais œil l'arrivée d'hommes de banc étrangers qui ont souvent la mauvaise idée d'en avoir, des idées (copyright Boby Lapointe, réécoutez d'urgence l'inégalé « Avanie et Framboise »). Lors de ses débuts en Ligue 1, Leonardo Jardim en prit plein la tronche, comme Ancelotti, Ranieri, Bielsa et aujourd'hui Emery, et fut l'objet de toutes les critiques imaginables, essentiellement parce que Monaco avait commencé sa saison par deux défaites (les essepères hexagonaux n'en sont plus à une conclusion hâtive près). Deux ans après, le Portugais présente un bilan en béton armé : deux places sur le podium, un quart de Champions League et un exercice 2016-2017 attaqué sur d'excellentes bases sur les plans domestique et continental. Nous aimerions que ceux qui avaient sauté à la gorge de Jardim présentent publiquement leurs plus plates excuses, mais ils sont sans doute trop occupés désormais à taper sur Emery, un autre ibérique qui n'a rien compris au fouteballe.





Les ceusses qui s'amusaient à éreinter l'entraîneur monégasque lui reprochaient notamment son style trop défensif, une approche cynique du jeu, une rigueur synonyme d'ennui et de realpolitik. Qu'ont-ils à dire maintenant que l'ASM est la meilleure attaque du continent et la quinzième défense de Ligue 1 ? Nous n'irons pas jusqu'à écrire que Jardim se réjouisse de voir son équipe prendre des pions, puisque cette perméabilité doit l'agacer au plus haut point, mais son équipe démontre qu'elle sait admirablement attaquer sans se reposer exclusivement sur des contres. Certes, elle est particulièrement à son aise quand elle est censée subir et jouer le moindre coup à fond, comme ce fut le cas face à Tottenham, mais elle galère moins à domicile pour prendre le jeu à son compte, que ce soit face à des concurrents directs pour le titre (Paris) ou des formations venues essentiellement pour défendre (Montpellier vient d'en prendre six dans la musette à Louis II). Le jeu de Monaco n'est ni stéréotypé, ni unidimensionnel, ni restrictif. Très souvent, il se révèle même ambitieux et séduisant.




Le parallèle entre Jardim et Deschamps semble intéressant à établir, jusqu'à un certain point. Tous les deux sont catalogués comme « défensifs » alors que leurs équipes respectives proposent un football plutôt tourné vers l'attaque. Ils sont avant tout des pragmatiques qui savent remarquablement s'adapter aux circonstances et tirer le meilleur de l'effectif à leur disposition. L'énorme différence réside dans le fait que le sélectionneur puisse choisir ses hommes quand on demande à Jardim d'obtenir des résultats avec ceux qu'on veut bien lui donner. Alors qu'à son arrivée Monaco semblait pouvoir concurrencer le PSG sur le marché des transferts, le Portugais a vu partir Falcao, James Rodriguez, Kondogbia, Martial, Abdennour, Ferreira Carrasco et Kurzawa, pour ne citer qu'eux, et réussi à maintenir un niveau de performance remarquable, ce qui en soi mérite un grand coup de chapeau. Le « projet » monégasque a changé en cours de route pour se transformer en une vaste entreprise d'import-export, mais Jardim est parvenu à maintenir le cap et à gérer avec brio et intelligence un effectif qui ressemble tout de même fortement à une armée mexicaine, pour reprendre l'une des expressions favorites de monsieur Jacques Monclar, un cador du microphone qu'on ne cite jamais assez.




Confronté à une incertitude constante et à une situation toujours susceptible de changer, Jardim a fait preuve de beaucoup de justesse et de discernement dans son management. Il a su à la fois s'appuyer sur quelques cadres (Subasic, Fabinho, Moutinho et Bernardo Silva notamment), lancer des jeunes avec une grande réussite (Lemar, Mbappe), faire une place aux nouvelles recrues (Sidibé, Glik) et donner du temps de jeu à quasiment tout le monde. Statistique parlante et qui montre à quel point le senhor Leonardo sait partager le gâteau : pas moins de quinze joueurs monégasques ont marqué depuis le début de la saison. Alors évidemment, il s'en trouvera toujours qui donneront dans le relativisme et expliqueront qu'il n'est pas très compliqué de sortir du lot en Ligue 1, du moment que l'on peut compter sur quelques bons joueurs. Nous leur rétorquerons que le Monaco de Jardim a tout de même battu en quelques mois le Bayer Leverkusen, Arsenal, Villareal et Tottenham et qu'étrangement le club qui occupe actuellement la tête du championnat n'est pas non plus coachée par un Français.

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