L'image de Claude Puel n'a pas toujours été très positive en France, c'est le moins que l'on puisse dire. Lorsqu'il entraînait le LOSC, avec qui il s'est tout de même qualifié pour la Champions League, on lui reprochait d'être l'entraîneur le plus défensif et restrictif du championnat, mais on lui trouvait au moins l'excuse de faire avec les moyens du bord. Mais c'est surtout son passage sur le banc de l'OL qui a laissé des traces dans les esprits. Malgré des résultats satisfaisants, Puel dût faire face aux critiques récurrentes et au désamour profond du public de Gerland, qui réclamait régulièrement sa démission. Guère soutenu par Lacombe et Aulas, il fut viré comme le dernier des malpropres et sans indemnités, malgré le procès qu'il intenta au club. C'est un homme blessé qui a quitté Lyon, un homme dont on ne peut remettre en cause ni le professionnalisme, ni l'implication ni la compétence et qui a eu l'impression à juste titre de raquer la note pour tout le monde.
Sa réussite à Nice a tout bouleversé. Pourtant, lui, comme Julio, n'a pas changé. Il est resté l'entraîneur de terrain à l'ancienne qui mène le train en short devant ses hommes pendant les joggings. Les valeurs de cet ancien besogneux du milieu sont toujours restées les mêmes: travail, rigueur, respect du collectif, sérieux, humilité. Ce que Puel a démontré avec évidence et brio à Nice, c'est qu'il n'avait pas de chapelle ni de dogme, qu'il n'était pas un sombre fossoyeur du jeu comme on pouvait le penser, mais qu'il savait simplement (façon de parler) utiliser au mieux les joueurs à sa disposition. Avec les Aiglons, il n'a fait que créer le système qui convenait le mieux aux qualités des Seri, Mendy, Koziello, Ben Arfa et Germain. Résultat: l'OGCN fut l'équipe de Ligue 1 (hors PSG) la plus agréable à voir évoluer la saison dernière. Toute l'année, l'équipe a proposé un jeu chatoyant et lumineux, un football éminemment moderne, porté par une exigence technique de très haut niveau. D'aucuns y ont vu une révolution idéologique chez Puel. Que nenni. Le bonhomme a remarquablement analysé les forces et le potentiel de son groupe, identifié les individualités sur lesquelles il pourrait s'appuyer et fait en sorte de mettre tout son monde dans les meilleures dispositions: un boulot admirable d'intelligence et de finesse.
Il n'est pas surprenant que Southampton ait fait confiance à Puel pour succéder à Koeman, même si ce choix a dû en surprendre plus d'un. Le SFC est un club à taille humaine où il pourra appliquer sereinement ses principes et où on ne lui mettra pas de bâtons dans les roues. Autant que la perspective d'entraîner en Premier League, c'est la possibilité de reconstruire en partant quasiment de zéro qui a probablement séduit Puel, qui a l'âme d'un bâtisseur. A Lille, on l'a laissé travailler sur la durée, avec le succès que l'on sait. A Nice, on lui a également confié les clés de la maison, et les résultats ont suivi. Il n'y a finalement qu'à Lyon que le contexte ne lui a pas permis de former et lancer un projet à long terme, d'où le mariage raté et le divorce douloureux. A la tête des Saints, il va devoir gérer une équipe qui a perdu Lovren (un moindre mal), Lallana, Schneiderlin, Mané, Wanyama et Pellé en l'espace de quelques mois: un défi qui n'a pas effrayé le monsieur, toujours prêt à se retrousser les manches et mettre les mains dans le cambouis.

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