Surnommé
Pinturicchio en référence à un peintre de la Renaissance italienne,
Alessandro Del Piero appartient à la catégorie des artistes, espèce trop
rare dans l'histoire récente du football italien, davantage enclin à
produire des milieux polyvalents ou des déménageurs des surfaces. Ces
vingt dernières années, il y a eu Baggio, Totti et lui. Plus buteur que
chef d'orchestre et soutien idéal d'un avant-centre de métier, Del Piero
fait partie de ces joueurs capables de tout dans les trente derniers
mètres et qui possèdent dans leur palette technique tous les attributs
décisifs de l'attaquant: finesse du toucher de balle, sens du dribble,
frappe puissante et précise, intelligence dans la passe et la déviation,
adresse diabolique devant le but.
Dénué
de remarquables capacités physiques, le petit génie bianconero doit son
époustouflant parcours à ses seules qualités de footballeur et un
talent exceptionnel mis au service d'un professionalisme sans failles.
Passé maître dans l'exercice du coup franc et redoutable artificier, son
nom est également synonyme de délicieuses feuilles mortes et autres
boulets de canon dans les filets adverses.
Recruté
par la Juve à Padoue en 1993, Del Piero restera l'homme d'un seul club,
dont il est devenu une des légendes vivantes. Après une brève période
d'adaptation, il connaît entre 1995 et 1998 une insolente réussite sur
la scène européenne, marquant pas moins de 23 buts en 30 rencontres de
Champions League. Portée par son irrésistible attaquant, la Vieille Dame
dispute trois finale consécutives, s'inclinant néanmoins à deux
reprises contre Dortmund et le Real. Champion d'Italie en 1995, 1997 et
1998, il remporte deux nouveaux Scudetti aux côtés de Trézéguet en 2002
et 2003, s'inclinant cependant une troisième fois en finale continentale
face au rival milanais.
Avec
la Squadra Azzura, dont il est le cinquième buteur de tous les temps à
égalité avec Baggio (27 buts en 92 sélections), Del Piero a disputé
toutes les compétitions internationales de 1996 à 2008. Son premier
tournoi, l'Euro 96, se solde par une humiliante élimination au premier
tour, mésaventure qu'il connaîtra à nouveau huit ans plus tard. Lors de
la fameuse défaite de Rotterdam contre la France, il rate deux occasions
de doubler la mise face à Barthez en deuxième période, héros malheureux
d'un des épisodes les plus douloureux de l'histoire de la sélection
italienne.
Condamné
semble-t-il à l'échec lors des rendez-vous internationaux, Del Piero,
entré en jeu à la 53ème, manque une opportunité unique de rentrer dans
la légende du maillot bleu, aux côtés des Riva, Altobelli, Baggio.
Toujours Baggio. Sévèrement critiqué pour son incapacité à faire gagner
la Squadra et sa propension à passer à côté des grandes finales, il
prendra partiellement sa revanche en 2006, même s'il doit une nouvelle
fois s'asseoir sur le banc. Buteur au bout de la prolongation en
demie-finale contre l'Allemagne, il réussit son tir au but en finale et
ajoute à 31 ans sa plus belle ligne à un palmarès déjà bien rempli.
Le
30 octobre 2010, en marquant face au Milan AC, Del Piero a battu le
record détenu par Boniperti pour devenir le meilleur buteur de
l'histoire de la Juve en Serie A avec 180 réalisations,
auxquels il faut ajouter une cinquantaine de pions en Coupe d'Europe.
Très régulier dans son rendement depuis l'ouverture de son compteur à
Foggia en septembre 1993, il a dépassé à sept reprises la barre des dix
réalisations en championnat depuis 1998 mais a dû attendre sa quinzième
saison sous le maillot bianconero pour conquérir son premier titre de
capocanoniere devant Trézéguet en 2008.
Tout
comme Gianluigi Buffon, Del Piero a définitivement gagné le respect des
tifosi en restant au club malgré la relégation en Serie B et en
acceptant de promener sa classe et son titre de champion du monde sur
les pelouses d'Arezzo, Frosinone ou Spezia. Auteur de vingt buts lors de
ce passage au purgatoire, le sauveur atteint un statut iconique et
incarne pour les supporters la revanche de la Juve sur ceux qui ont
voulu causer sa perte, Moratti en tête. Fidèle parmi les fidèles, il ne
s'est sans doute jamais imaginé joué sous d'autres couleurs et porter un
autre maillot que le numéro 10 de la Juve. Assurément, il y a moins
prestigieux comme tunique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire