post-labels {display: none}

dimanche 1 septembre 2013

Ribéry, Ballon d'Or par défaut?

Censé récompenser l'individualité la plus brillante, le Ballon d'Or revient en fait le plus souvent au meilleur élément de la meilleure équipe de la saison. Décerné à un joueur, il vient indirectement saluer le parcours d'une équipe dans une compétition majeure, que ce soit un Euro, une Coupe du Monde ou une Champions League. On peut y voir un paradoxe ou une contradiction, mais il n'en demeure pas moins qu'un grand joueur doit avant tout faire gagner son équipe et contribuer à élever le niveau de jeu collectif en rendant les autres meilleurs.


Un cador digne du prestigieux trophée ne doit pas phagocyter le jeu de son équipe et bouffer du ballon en vue de faire gonfler ses statistiques, mais mettre de l'huile dans les rouages et/ou faire la différence sans tirer la couverture à lui. Dans l'idéal, si l'on s'en tient aux critères mis en avant chaque année à l'occasion du vote, le lauréat devrait être un exact équivalent du MVP dans le sport américain: le lauréat doit non seulement briller individuellement mais aussi et peut-être surtout tirer tout le monde vers le haut, à l'image d'un Michael Jordan ou d'un Lebron James, le genre de barons dont la simple présence sur le terrain change le visage de l'équipe.

Quand on jette un œil au palmarès du Ballon d'Or, on constate non sans une certaine amertume que la récompense n'a été qu'exceptionnellement attribuée à des joueurs altruistes, polyvalents et indispensables par leur rayonnement et leur leadership. Sacré en 2003, un joueur comme Pavel Nedved fait figure d'exception, au même titre que Lothar Matthäus, tandis qu'un Zidane ne doit sa balle dorée qu'à ses deux buts en finale de Coupe du Monde. Des milieux de terrain de grande envergure comme Gerrard, Pirlo ou Sneijder n'ont eu droit qu'aux places d'honneur, au même titre que Xavi et Iniesta, extraordinaires de régularité et multititrés avec le Barça et la Roja.

En 2002, Michael Ballack, qui avait littéralement porté le Bayer Leverkusen et la Mannschaft sur ses épaules, s'était fait devancer par Ronaldo et ses huit buts en Asie, alors que le Brésilien n'avait pas joué de la saison: un exemple qui en dit long et met en lumière une forme d'incohérence, pour ne pas dire d'injustice. Négligeant superbement l'influence qu'un joueur peut exercer sur son équipe, les votants s'obstinent à récompenser des solistes (Weah, Rivaldo, Chevchenko, Ronaldinho, Kaka, les deux Ronaldo, Messi) avant tout capables de marquer et de frapper les esprits par leurs exploits personnels.

Venons-en au Ballon d'Or 2013. Le Bayern a si outrageusement dominé l'Europe qu'il semble à la fois inévitable et parfaitement logique qu'un membre de l'effectif bavarois rafle la mise. Problème: aucune individualité ne ressort véritablement du lot (pas de buteur à trente pions qui aurait à coup sûr écrasé le vote), précisément parce que Heynckes a su faire de son équipe une formidable machine collective et créer un système dans lequel quasiment chaque joueur devait apporter son écot défensivement et offensivement.

Sur le plan purement statistique (il faudrait d'ailleurs comptabiliser le nombre de montées de Lahm ou de ballons grattés par Schweinsteiger et Javi Martinez), deux joueurs dominent assez nettement l'ensemble: Thomas Müller (13 buts et 10 passes en championnat, 8 buts en Champions League) et Franck Ribéry (10 buts et 14 passes en championnat, 4 passes en Champions League). Décisif en finale et déjà élu meilleur joueur de Bundesliga à deux reprises, le Français devrait selon toute vraisemblance rejoindre Kopa, Platini, Papin et Zidane au palmarès, comme l'indique son tout récent titre de joueur UEFA de l'année.

Si tel était le cas, beaucoup feront sans doute la fine bouche et verront sans doute en Ribéry un Ballon d'Or par défaut, sacré une année vierge de toute compétition internationale et parce que Ronaldo ou Messi n'ont pas connu la même réussite avec leurs clubs respectifs. Ils railleront sûrement le manque de charisme et de classe du balafré, pas franchement copain avec la syntaxe et qui donne toujours l'impression de revenir d'un barbecue chez le voisin. 

Outre qu'il convient de ne pas confondre Ballon d'Or et Prix Goncourt, le choix de Ribéry, joueur travailleur, généreux, toujours soucieux d'impliquer ses partenaires, aussi content de marquer que de faire marquer et guère obsédé par son compteur personnel, correspondrait exactement aux critères cités au début du présent papier. Alors que beaucoup de stars du football considèrent que les autres doivent bosser pour eux, lui ne rechigne pas à mettre les mains dans le cambouis et à mettre son talent et ses cannes au service de l'équipe. S'il s'agit de distinguer le MVP (most valuable player ou joueur le plus "précieux") de la saison, autrement dit le joueur à la fois le plus utile à l'équipe et le plus déterminant dans les moments qui comptent, personne ne mérite le titre davantage que Ribéry, sans qui le Bayern n'aurait pu atteindre de tels sommets.

2 commentaires:

  1. Très bon article, avis complètement partagé.

    RépondreSupprimer
  2. Ouaip. Très bonne analyse sur ce qu'est réellement le ballon d'or, ça m'a ouvert les yeux (même si au fond je m'en foutais quand même un peu).

    Je me demande bien si Cannavaro aurait eu son ballon d'or sans la coupe du monde...

    RépondreSupprimer