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samedi 5 juillet 2014

Retours sur terre

Ce sont trois buts inscrits sur coups de pieds arrêtés par des défenseurs centraux (Hummels, Thiago Silva et David Luiz) qui ont permis à l'Allemagne et au Brésil d'éliminer respectivement la France et la Colombie. A l'heure où les pions comptent double, les matches se ferment, les intentions offensives se font moins nettes, les blocs se resserrent et ce qu'il est convenu d'appeler le «réalisme», aussi floue soit la définition de ce terme, reprend le dessus. 

On ne peut pas dire que les éliminés du jour aient particulièrement bien joué à l'occasion de leur quart de finale (la Colombie a plutôt déjoué en fait) mais ils sont tombés face à deux adversaires solides, bien organisés et opportunistes à souhait: la recette pour aller au bout en somme, dans le football dit moderne, et ce n'est pas ce bon Aimé Jacquet qui dira le contraire.


Ce qui séparait la France de l'Allemagne hier? A la fois pas grand-chose et un gouffre. La Mannschaft a développé peu de mouvements de qualité et ses armes offensives furent transparentes, avec, en ce jour de résultats du baccalauréat («j'ai eu mon bac avec mension tro de la bal jé tou déchirer»), une mention spéciale du jury à Mesut Özil, ou peut-être à son fantôme, on ne sait plus trop. 

Au milieu, le trio Schweini-Khedira-Kroos n'a jamais réellement pris la direction des opérations, se contentant de contrôler le tempo et d'installer le match dans un faux rythme, n'hésitant pas à poser des semelles à l'ancienne pour couper les rares possibilités de contre-attaques bleues, souvent amorcées par Griezmann. En ouvrant le score et en endormant le match, les Allemands ont empêché les Français de jouer dans leur registre favori, celui de la récupération haute et de la projection vers l'avant.


Pour contrarier la stratégie adverse, il aurait fallu que Matuidi et surtout Pogba, soutenus par un Cabaye une nouvelle fois au four et au moulin (non, nous ne citerons pas la vanne de Desproges sur Himmler), créent des différences et franchissent les lignes balle au pied, ce qui ne fut jamais le cas. L'organisation allemande (ach grosse organisatzion) a fermé hermétiquement les espaces et empêché le jeu français de prendre de la vitesse sur une accélération individuelle ou un enchaînement collectif. 

Le trio offensif a beaucoup tenté, à l'image du match irréprochable de Valbuena et Griezmann (quel joli talent s'est trouvé Deschamps avec ce dernier), mais quand les Bleus sont parvenus à trouver des positions de frappe, ils se sont heurtés à un Matts Hummels monumental et un Neuer toujours aussi impressionnant. Benzema, parti sur les chapeaux de roue, n'aura trouvé la faille ni en huitièmes ni en quart.

Que dire du match du libero du Borussia Dortmund? Après avoir ouvert la marque de la tête, Herr Hummels a régné dans les airs en défense et collectionné les interventions décisives sur les points chauds. En prime, le monsieur n'est pas maladroit avec la chique dans les pieds et s'efforce toujours de relancer propre. Avec lui, la Mannschaft s'est peut-être enfin trouvée ce taulier défensif qui lui faisait tant défaut. 

Son retour, après la prestation calamiteuse de la défense allemande contre l'Algérie, a rassuré tout le monde et stabilisé l'équipe: un colosse. Neuer a sorti des arrêts de grande classe, notamment devant Valbuena en première période, sur une occasion franche qui fut peut-être le tournant de la rencontre. Immense sur sa ligne et d'une envergure démente, le portier du Bayern donne parfois l'impression d'être simplement infranchissable ( c'est pourquoi on le surnomme le "Edel blanc").


Le Brésil va donc devoir se coltiner cette Mannschaft particulièrement costaude et pragmatique (et si les échecs répétés lors des derniers tournois avaient fait revenir les Teutons aux bonnes vieilles méthodes?) sans Thiago Silva, suspendu, et Neymar, blessé sérieusement par Zuniga. Soyons clairs: le geste du Colombien n'est ni acceptable ni excusable, et il prive la Seleçao de son principal atout offensif et le téléspectateur de la seule raison à peu près valable de se farcir les matches du Brésil. Mais plutôt que de clouer Zuniga au pilori, l'opinion brésilienne devrait remercier l'arbitre, qui a attendu des lustres pour sortir une biscotte et encore, non pas sur une grosse faute mais sur une erreur de gamin de Thiago Silva.

Le Brésil a commis beaucoup de fautes et plus que la Colombie (31 contre 23), Fernandinho posant d'entrée des taquets honteux sur James Rodriguez, objet de toutes les attentions, sans recevoir le moindre avertissement. Il est clair que le poète Scolari avait donné des consignes à ses milieux pour s'occuper du cas James, ce qui n'a d'ailleurs pas empêché le Monégasque d'offrir quelques friandises. L'agressivité brésilienne combinée à une totale impunité niveau avertissements ne pouvait malheureusement qu'engendrer ce genre de comportement. 

On applaudit donc bien fort M. Velasco et surtout, on a envie de dire à Scolari, qui en prime passe son temps à pester contre l'arbitrage et à réclamer des cartons: dis donc vieux, tu as voulu sortir la boîte à tacles et régler le problème James façon Gentile sur Maradona? Qui sème les coups récolte les blessures. C'est triste pour Neymar, qui ne méritait pas de finir son Mondial comme cela, mais à force de ne pas être sanctionné, le Brésil s'attire la haine de ses adversaires.

La Seleçao peut-elle passer l'obstacle allemand sans son capitaine et son petit génie offensif? Nous sommes tentés de répondre par l'affirmative, d'abord parce qu'il faudra que les Allemands franchissent le cap psychologique de la demi-finale (échecs en 2006, 2010 et 2012) et aussi parce que, malgré les coups durs d'hier, la Seleçao a le vent dans le dos: les Brésilos ne sont pas géniaux, loin de là, ils jouent essentiellement sur le physique et la puissance, ont relativement peu marqué (cinq buts en quatre matches si l'on excepte le match en bois contre le Cameroun, dont quatre sur coups de pieds arrêtés) mais ils ont la réussite avec eux et une volonté inébranlable d'aller au bout. Contrairement à ce que l'on pouvait penser, Thiago Silva, auteur d'un tournoi moyen, n'est pas irremplaçable, et Neymar, depuis le début de la phase éliminatoire, est trop isolé pour briller. L'Allemagne devra élever son niveau de jeu et faire preuve de répondant dans les duels pour couper l'élan brésilien.

On regrettera simplement que la Colombie, si brillante et séduisante pendant toute la compétition, soit passée totalement à côté du premier quart de finale de son histoire. Pression négative? Pays organisateur en face? Impression plus ou moins consciente d'avoir déjà réussi son tournoi? Sans doute un peu de tout cela à la fois, mais toujours est-il que les Cafeteros ont joué à l'envers, donnant des ballons et le bâton pour se faire battre, se montrant fébriles dans la relance, ratant des contrôles à la pelle et les transmissions les plus simples. On ne pige guère non plus pourquoi Pekerman (monsieur je paume en quart de finale après avoir fait fantasmer tout le monde) a choisi de titulariser Ibarbo, le Jô colombien, plutôt que Jackson Martinez, qui par sa vitesse et sa puissance aurait mobilisé l'attention de la défense auriverde et donné une plus grande marge de manœuvre à James. Il faut croire que nous ne comprendrons jamais la psychologie des sélectionneurs argentins.

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    complètement d'accord à propos de l'arbitrage de Brésil-Colombie : trop indulgent pendant trop longtemps. Résultat : beaucoup de fautes et Neymar out, ce qui est vraiment moche. Attention à la ligne d'attaque du Brésil contre l'Allemagne ! Hulk-Fred-Jô ? Les Brésiliens qui avaient l'habitude de nous gonfler avec le joga bonito nous la joue "droite décomplexée", remember Dunga '94.

    Une dernière remarque sur la faute de Thiago Silva : ce qu'il fait n'est pas une "faute de gamin", c'est une faute de débile mental. Rater une demi-finale de coupe du monde sur un truc comme ça, c'est inexcusable.

    Pour France-Allemagne, pas grand-chose à ajouter... Grosse impression d'impuissance.

    Rémi.

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