Ce sont trois buts inscrits sur coups de
pieds arrêtés par des défenseurs centraux (Hummels, Thiago Silva et
David Luiz) qui ont permis à l'Allemagne et au Brésil d'éliminer
respectivement la France et la Colombie. A l'heure où les pions
comptent double, les matches se ferment, les intentions offensives se
font moins nettes, les blocs se resserrent et ce qu'il est convenu
d'appeler le «réalisme», aussi floue soit la définition de ce
terme, reprend le dessus.
On ne peut pas dire que les éliminés du
jour aient particulièrement bien joué à l'occasion de leur quart
de finale (la Colombie a plutôt déjoué en fait) mais ils sont
tombés face à deux adversaires solides, bien organisés et
opportunistes à souhait: la recette pour aller au bout en somme,
dans le football dit moderne, et ce n'est pas ce bon Aimé Jacquet
qui dira le contraire.

Au milieu, le trio
Schweini-Khedira-Kroos n'a jamais réellement pris la direction des
opérations, se contentant de contrôler le tempo et d'installer le
match dans un faux rythme, n'hésitant pas à poser des semelles à
l'ancienne pour couper les rares possibilités de contre-attaques
bleues, souvent amorcées par Griezmann. En ouvrant le score et en
endormant le match, les Allemands ont empêché les Français de
jouer dans leur registre favori, celui de la récupération haute et
de la projection vers l'avant.
Pour contrarier la stratégie adverse,
il aurait fallu que Matuidi et surtout Pogba, soutenus par un Cabaye
une nouvelle fois au four et au moulin (non, nous ne citerons pas la vanne de Desproges sur Himmler), créent des différences et
franchissent les lignes balle au pied, ce qui ne fut jamais le cas.
L'organisation allemande (ach grosse organisatzion) a fermé
hermétiquement les espaces et empêché le jeu français de prendre
de la vitesse sur une accélération individuelle ou un enchaînement
collectif.
Le trio offensif a beaucoup tenté, à l'image du match
irréprochable de Valbuena et Griezmann (quel joli talent s'est
trouvé Deschamps avec ce dernier), mais quand les Bleus sont
parvenus à trouver des positions de frappe, ils se sont heurtés à
un Matts Hummels monumental et un Neuer toujours aussi
impressionnant. Benzema, parti sur les chapeaux de roue, n'aura
trouvé la faille ni en huitièmes ni en quart.

Son retour, après la
prestation calamiteuse de la défense allemande contre l'Algérie, a
rassuré tout le monde et stabilisé l'équipe: un colosse. Neuer a
sorti des arrêts de grande classe, notamment devant Valbuena en
première période, sur une occasion franche qui fut peut-être le
tournant de la rencontre. Immense sur sa ligne et d'une envergure
démente, le portier du Bayern donne parfois l'impression d'être
simplement infranchissable ( c'est pourquoi on le surnomme le "Edel blanc").
Le Brésil va donc devoir se coltiner
cette Mannschaft particulièrement costaude et pragmatique (et si les
échecs répétés lors des derniers tournois avaient fait revenir
les Teutons aux bonnes vieilles méthodes?) sans Thiago Silva, suspendu, et
Neymar, blessé sérieusement par Zuniga. Soyons clairs: le geste du
Colombien n'est ni acceptable ni excusable, et il prive la Seleçao
de son principal atout offensif et le téléspectateur de la seule
raison à peu près valable de se farcir les matches du Brésil. Mais
plutôt que de clouer Zuniga au pilori, l'opinion brésilienne
devrait remercier l'arbitre, qui a attendu des lustres pour sortir
une biscotte et encore, non pas sur une grosse faute mais sur une
erreur de gamin de Thiago Silva.

On applaudit
donc bien fort M. Velasco et surtout, on a envie de dire à Scolari, qui en
prime passe son temps à pester contre l'arbitrage et à réclamer
des cartons: dis donc vieux, tu as voulu sortir la boîte à tacles
et régler le problème James façon Gentile sur Maradona? Qui sème
les coups récolte les blessures. C'est triste pour Neymar, qui ne
méritait pas de finir son Mondial comme cela, mais à force de ne
pas être sanctionné, le Brésil s'attire la haine de ses
adversaires.
La Seleçao peut-elle passer l'obstacle
allemand sans son capitaine et son petit génie offensif? Nous sommes
tentés de répondre par l'affirmative, d'abord parce qu'il faudra
que les Allemands franchissent le cap psychologique de la demi-finale
(échecs en 2006, 2010 et 2012) et aussi parce que, malgré les coups
durs d'hier, la Seleçao a le vent dans le dos: les Brésilos ne sont
pas géniaux, loin de là, ils jouent essentiellement sur le
physique et la puissance, ont relativement peu marqué (cinq buts en
quatre matches si l'on excepte le match en bois contre le Cameroun,
dont quatre sur coups de pieds arrêtés) mais ils ont la réussite avec
eux et une volonté inébranlable d'aller au bout. Contrairement à
ce que l'on pouvait penser, Thiago Silva, auteur d'un tournoi moyen,
n'est pas irremplaçable, et Neymar, depuis le début de la phase
éliminatoire, est trop isolé pour briller. L'Allemagne devra élever
son niveau de jeu et faire preuve de répondant dans les duels pour
couper l'élan brésilien.
On regrettera simplement que la
Colombie, si brillante et séduisante pendant toute la compétition,
soit passée totalement à côté du premier quart de finale de son
histoire. Pression négative? Pays organisateur en face? Impression
plus ou moins consciente d'avoir déjà réussi son tournoi? Sans
doute un peu de tout cela à la fois, mais toujours est-il que les
Cafeteros ont joué à l'envers, donnant des ballons et le bâton
pour se faire battre, se montrant fébriles dans la relance, ratant
des contrôles à la pelle et les transmissions les plus simples. On
ne pige guère non plus pourquoi Pekerman (monsieur je paume en quart
de finale après avoir fait fantasmer tout le monde) a choisi de
titulariser Ibarbo, le Jô colombien, plutôt que Jackson Martinez,
qui par sa vitesse et sa puissance aurait mobilisé l'attention de la
défense auriverde et donné une plus grande marge de manœuvre à
James. Il faut croire que nous ne comprendrons jamais la psychologie
des sélectionneurs argentins.
Bonjour,
RépondreSupprimercomplètement d'accord à propos de l'arbitrage de Brésil-Colombie : trop indulgent pendant trop longtemps. Résultat : beaucoup de fautes et Neymar out, ce qui est vraiment moche. Attention à la ligne d'attaque du Brésil contre l'Allemagne ! Hulk-Fred-Jô ? Les Brésiliens qui avaient l'habitude de nous gonfler avec le joga bonito nous la joue "droite décomplexée", remember Dunga '94.
Une dernière remarque sur la faute de Thiago Silva : ce qu'il fait n'est pas une "faute de gamin", c'est une faute de débile mental. Rater une demi-finale de coupe du monde sur un truc comme ça, c'est inexcusable.
Pour France-Allemagne, pas grand-chose à ajouter... Grosse impression d'impuissance.
Rémi.