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lundi 11 mars 2024

Tottenham, direction l'Europe?

On aurait raisonnablement pu penser que le départ d'Harry Kane, meilleur buteur de l'histoire du club, allait gravement porter préjudice aux Spurs, probablement condamnés à rentrer gentiment dans le rang et à oublier leurs ambitions européennes. Manchester United et Chelsea, deux budgets monumentaux, voire Newcastle, quatrième la saison dernière, faisaient figure de favoris pour intégrer le top four derrière le monstre à trois têtes qui occupe actuellement le podium de la Premier League. Mais United a déjà concédé onze défaites en 28 matches et souffre d'une attaque en berne (39 buts marqués, 14ème attaque du championnat seulement), Chelsea, à l'effectif boursouflé, a totalement perdu ses repères et Newcastle, malgré le pognon saoudien, est redevenu une équipe somme toute banale et de milieu de tableau. Dans ce marasme relatif, c'est bien Tottenham qui sort son épingle du jeu, puisque les Spurs, après leur remarquable victoire 4-0 à Villa Park face à leurs principaux concurrents pour la quatrième place, occupent la cinquième place du classement avec un match en retard à jouer contre Chelsea et peuvent en cas de succès contre les Blues atteindre l'épatante moyenne de deux points par match. Ils ont signé 16 victoires en 27 matches, n'ont marqué que quatre buts de moins que City et sa redoutable attaque et ont récolté treize points lors des six dernières journées, avec comme seul accident de parcours une défaite à domicile contre Wolverhampton, une des équipes surprises de la saison anglaise.


Cette saison réussie de l'après-Kane porte indéniablement la marque d'Ange Postecoglou. L'entraîneur grec, ancien sélectionneur de l'Australie, a eu la lourde charge de succéder à des managers de renom comme Mourinho et Conte et a tout de suite séduit les fans par ses choix tranchés et son jeu résolument porté vers l'offensive. Nommé entraîneur du mois en septembre et octobre alors que son équipe caracolait en tête devant tous les supposés cadors, Postecoglou a installé un 4-2-3-1 qui fonctionne à merveille et a en partie fait oublier que le goleador maison s'était envolé vers d'autres cieux. Peu soucieux du statut de ses joueurs, il a déboulonné l'inamovible paire formée par l'Uruguayen Bentancur et le Danois Hojberg au milieu de terrain (130 sélections à eux deux), deux joueurs titulaires lors de la dernière Coupe du Monde, pour la remplacer par un tandem de milieux composé de l'international malien Yves Bissouma, placé en sentinelle devant la défense, et de l'homme à tout faire sénégalais Pape Matar Sarr, époustouflant d'activité contre Aston Villa. Il a également accordé sa confiance au jeune italien Destiny Udogie, transfuge de l'Udinese, une jolie trouvaille qui s'est progressivement imposée comme une évidence au poste de latéral gauche. Vicario défend les cages et la défense s'articule autour de l'axe central Romero-Van de Ven, impeccable de fiabilité et de complémentarité, tandis que l'Espagnol Pedro Porro occupe le flanc droit de l'arrière-garde.


Très à l'aise dans le jeu de contre-attaque et la verticalité, le secteur offensif, qui fait la part belle à la largeur et aux mouvements sur les côtés, est conçu de façon à pourvoir Heung-min Son, placé en position de véritable avant-centre, en ballons de qualité. Le Sud-Coréen, atout numéro un des Spurs, reste le meilleur réalisateur (14 buts, quatrième meilleur buteur du royaume à égalité avec Solanke et Bowen) et passeur (8 passes décisives, seuls Watkins, Gross, Trippier, Salah et Neto font mieux) de l'équipe et offre une nouvelle saison de toute beauté. Il est parfaitement soutenu par la recrue James Maddison, meneur de jeu à l'ancienne et formidable animateur que d'aucuns que nous ne citerons pas verraient bien diriger le jeu de l'Angleterre lors du prochain Euro malgré ses cinq petites sélections. Recruté pour pas moins de quarante millions d'euros, le natif de Coventry, auteur de quatre buts et sept passes décisives en championnat, donne pleine satisfaction et a été nommé meilleur joueur de Premier League en août, signant des débuts tonitruants sous sa nouvelle tunique. Le flanc droit se voit confier au dévoreur d'espaces et fin dribbleur Dejan Kulusevski, qui multiplie les chevauchées balle au pied façon Gareth Bale et compte six jolies réalisations au compteur, bien que son influence dépasse largement le simple cadre statistique. Son pendant à gauche n'est autre que l'excellent Gallois Brennan Johnson, vif, tonique et explosif. A eux quatre, Kulusevski, Johnson, Maddison et Son compilent pas moins de 28 buts et 24 passes décisives, un total qui en dit long sur leur entente, même si nous autres à LPC, contrairement aux consultants télé et à ce que le présent papier pourrait laisser croire, ne sommes pas obsédés par les chiffres.


Autre fait remarquable dans la saison de Tottenham : l'équipe a toujours marqué au moins un but à chaque match de championnat, ce qui veut dire que les joueurs de Postecoglou ont planté lors de 26 rencontres consécutives, un chiffre unique pour un entraîneur lors de sa première saison dans l'élite anglaise depuis Arthur Rowe lors de la saison 1950-51 avec ces mêmes Spurs. On pourra toujours dire que le club ne dispute aucune compétition européenne et peut donc consacrer toute son énergie à la Premier League, d'autant qu'il a été éliminé au quatrième tour de la Cup par City, cela n'en reste pas moins un exceptionnel accomplissement (par comparaison, le PSG qui surdomine une Ligue 1 où ne règne pas la même concurrence, n'a marqué que lors de 17 journées consécutives). Mais le plus dur commence peut-être pour les Spurs, désormais clairement identifiés comme un candidat au top four et qui ne peuvent plus se cacher, lors de ce sprint final qui débute maintenant. En effet, le calendrier qui les attend n'est pas piqué des hannetons : déplacement à West Ham le 2 avril et à Newcastle le 13, réception de City et Arsenal, lancés dans la course au titre, à une semaine d'intervalle, puis déplacement à haut risque à Anfield début mai. Ce qui peut rassurer Postecoglou avant de s'attaquer à un tel festin est le fait que Villa jouera également City, Arsenal et Liverpool d'ici la fin de saison, qui s'annonce passionnante à tous les niveaux. Il n'est pas certain que les grosses cylindrées de Premier League soient particulièrement ravis à l'idée de croiser la route de ces redoutables Spurs, capables de trouver systématiquement la faille dans n'importe quelle défense, résilients physiquement et armés dans toutes leurs lignes.

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