
Son
toucher de balle et sa maîtrise gestuelle frisaient la perfection. Ses
contrôles orientés étaient une merveille pour l'oeil. S'il ne rechignait
pas à nettoyer les lucarnes, il n'était pas non plus un goleador
obsessionnel ou égoïste et faisait briller ses partenaires d'attaque
(Kluivert, Henry): un "support striker", comme disent les Anglais. Deux
actions résument à elles seules la classe du grand Dennis: son
incroyable volte-face doublée d'un grand pont aérien avec Arsenal face à
Newcastle en 2002 et son enchaînement de tueur pour qualifier les
Pays-Bas contre l'Argentine en 1998. A voir et revoir, comme les
tableaux de maîtres.
Formé
à l'Ajax comme quasiment tous les cadors du football hollandais
(exception faite de Gullit et de Van Nistelrooy), Bergkamp est le
chaînon manquant entre deux générations dorées: celle du trio
Rijkaard-Gullit-Van Basten, championne d'Europe 1988, et celle des
Kluivert, Davids, Seedorf ou Overmars, vainqueurs de la Ligue des
Champions 1995 avec l'Ajax avant de s'éparpiller aux quatre coins de
l'Europe. Il connaît sa première sélection en 1990, alors que Van Basten
est à son sommet et que Kluivert, auquel il sera souvent associé en
sélection, n'a que quatorze ans.
Bergkamp
est un des premiers joueurs étrangers à avoir réussi dans une Premier
League loin d'être aussi internationalisée et cosmopolite qu'aujourd'hui
et où Cantona fait figure de pionnier (le Français et le Néerlandais
sont d'ailleurs les deux premiers non-Britanniques à être élus joueur de
l'année par leurs pairs, respectivement en 1994 et 1998). Bergkamp
débarque en Angleterre en 1995, en même temps que Ginola et Juninho
Paulista. A l'époque, les stars du championnat s'appellent Shearer,
Wright, Fowler, Ferdinand, Sheringham, Cole ou Collymore, tous anglais.
Zola et Vieira n'arriveront que l'année suivante, suivis par Hasselbaink
ou Flo l'années suivante.
A
ses débuts à Arsenal, Bergkamp est l'artiste isolé au milieu des
bouchers et des alcoolos, même si son entente avec Wright fonctionne
très bien. Il lui faudra patienter quelques saisons avant de voir arriver
les Anelka, Kanu, Henry, Wiltord, Pires et autres Overmars. Présent au
club de 1995 à 2006, le numéro 10 est un des symboles et des principaux
artisans de la transformation du jeu d'Arsenal, ancienne équipe de bad
boys made in England devenue pour le pire ou le meilleur une référence
technique grâce à l'importation massive de jeunes talents.
Le
bilan du Dutch Master avec Arsenal est remarquable: trois titres de
champion (1998, 2002, 2004), quatre FA Cup (1998, 2002, 2003, 2005), 120
buts en un peu plus de 300 matches, une pelletée de passes décisives et
de gestes sublimes. Alan Hansen, dont l'avis ne saurait être contesté,
le considère comme le meilleur étranger à avoir jamais joué en
Angleterre, et les internautes l'ont élu plus grand Gunner de l'histoire
via le site internet du club en 2008, devant Henry ou Wright.
Le
fait qu'il n'ait été présent sur le podium du Ballon d'Or qu'à une
seule reprise en 1992 ne fait que discréditer un peu plus la
pourtant prestigieuse institution. En 1998, année où Bergkamp signe une
saison de haute volée (16 buts), s'offre le doublé avec Arsenal et
atteint le dernier carré de la Coupe du Monde avec les Oranje, il ne
termine que huitième du classement derrière Owen ou Thuram par exemple.
Peu importe. Moralement et pour les esthètes du jeu, le Baron d'Or lui
revient de droit.



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