Le
Ballon d'Or est la récompense individuelle la plus prestigieuse et la
plus convoitée, mais le choix de certains lauréats laisse parfois
perplexe. Entre les très bons joueurs surcotés qui ne méritent pas de
côtoyer les Beckenbauer, Di Stefano et autres Platini, les vrais cadors
élus la mauvaise année, les incongruités notoires et les oubliés
systématiques, on en vient à se demander si les types qui votent
méritent le nom de spécialistes et sont réellement payés à regarder des
matches. Pour tenter de rétablir la vérité, La Pause Cigare propose un
examen approfondi du palmarès depuis 1995 et l'attribution du trophée à
George Weah et décerne son Baron d'Or au plus méritant pour chaque
saison, arguments à l'appui. Retour en arrière sur quinze années de
choix discutables.

1995 - Ballon d'Or: George Weah / Baron d'Or: Paolo Maldini
1
995,
l'année du désert. L'Ajax de Van Gaal enchante l'Europe, mais ses
joueurs sont quasiment tous des talents à peine éclos, à l'exception
notable de Litmanen ou Rijkaard. Weah régale au compte-gouttes, marquant
autant de buts en Champions League qu'en championnat de France, et il
serait exagéré de dire que le Libérien a marqué l'histoire du Milan
autant que des joueurs comme Van Basten ou Gullit. Les lauréats des
saisons précédentes (Baggio, Stoïchkov) sont rentrés dans le rang, les
futurs candidats réguliers (Raul, Ronaldo) tout juste sortis du bois et
un serial buteur comme Batistuta (28 pions en Serie A) paie la 10ème
place de la Fiorentina. Le choix se fait forcément par défaut, et en
l'absence de cadors offensifs, se porte assez logiquement sur Maldini,
qui dispute en 1995 sa cinquième finale de C1 à seulement 27 ans. C'est
ce qu'on appelle une grosse carrière.

1996 - Ballon d'Or: Mathias Sammer / Baron d'Or: Jari Litmanen
Diso
ns-le
tout net, Laurent Blanc, joueur au profil comparable, était un bien
meilleur footballeur que Sammer et n'a jamais ne serait-ce qu'approché
le Ballon d'Or. Capitaine d'une Mannschaft très éloignée du niveau de
ses prestigieuses devancières, l'homme de l'est doit son titre au doublé
de Bierhoff en finale de l'Euro. Une grosse erreur de casting. Encore
une fois, quitte à récompenser pour le principe un défenseur de temps en
temps, mieux valait filer le trophée à Maldini, dont la présence au
palmarès aurait une autre gueule que celle du rouquin germanique. Les
rares joueurs qui flambent lors de l'Euro (Poborsky, Shearer) n'ont pas
vraiment le profil de l'emploi. Résultat des courses: le meilleur joueur
de la saison 95-96 s'appelle peut-être Jari Litmanen, finaliste et
meilleur buteur de la Champions League avec l'Ajax et troisième du vote
l'année précédente. Evidemment, porter le maillot finlandais et jouer
aux Pays-Bas n'aide pas à faire la une des journaux.

1997 - Ballon d'Or: Ronaldo / Baron d'Or: Ronaldo

1998 - Ballon d'Or: Zinedine Zidane / Baron d'Or: Dennis Bergkamp
Po
urquoi
faut-il donc forcément que le Ballon d'Or soit un joueur sacré champion
du monde les années de tournoi international? Deux buts en finale de
Coupe du Monde ont suffi pour que Zidane écrase le vote en 1998 (244
points contre 68 pour son dauphin Suker). Ridicule, et confondant
d'incompétence. Zizou, guère décisif avant le grand rendez-vous face au
Brésil, ne signe pas un grand Mondial. Plus qu'aux arabesques de son
meneur de jeu, c'est à sa puissance et à son imperméabilité que la
France doit son sacre. La finale époustouflante de Zidane et son titre
de champion avec la Juve ne sauraient suffir. Toujours placé mais jamais
gagnant (3ème en 1992, 4ème en 1997), Bergkamp, élu joueur de l'année
en Angleterre et auteur d'un tournoi mondial de toute beauté, mérite le
trophée au moins autant que le Français ou ses prédécesseurs
néerlandais.

1999 - Ballon d'Or: Rivaldo / Baron d'Or: Rivaldo
La s
aison
1998-99 est celle du fameux triplé de Manchester United, mais il est
compliqué de faire ressortir une individualité du collectif mancunien.
Un joueur comme Giggs, coupable de trop jouer pour les autres, aurait
pourtant mérité autant de considération que Beckham (21ème du vote
seulement). Chevchenko brille sur la scène européenne et Raul termine
pichichi de la Liga. A posteriori, l'Espagnol a sans doute plus marqué
l'histoire du jeu que le Brésilien et aurait mérité d'être récompensé au
moins une fois, mais la saison de Rivaldo, auteur de 24 buts avec le
Barça en championnat et co-meilleur buteur d'une Copa America
remportée par le Brésil, est en tous points brillante. Le choix de la
raison, tant personne ne se détache véritablement, et sans qu'on puisse
nous accuser, Dieu nous garde, de pro-brésilianisme primaire.

2000 - Ballon d'Or: Luis Figo / Baron d'Or: Zinedine Zidane
Le
Portugais devance le Français de seize points, alors que, très
honnêtement et sans chauvinisme aucun, il n'y a pas photo entre les deux
hommes. Si Zidane est Ballon d'O
r
en 1998, il faut lui en donner deux en 2000. Lors de l'Euro, Zidane
écoeure la concurrence, multiplie les gestes de grande classe et,
accessoirement, mène les Bleus vers l'incroyable doublé. En
demie-finale, face au Portugal précisément, le meneur de jeu offre un
véritable récital et signe un des meilleurs matches de sa carrière,
laissant une indélibile impression visuelle. A 28 piges, Zidane est au
sommet de son art et bel et bien le meilleur joueur du monde, mais il
paie très cher son coup de tête sur un joueur d'Hambourg en octobre
2000. Pour ne pas se voir accusés de cautionner la violence, les
votants font le choix du politiquement correct et reportent leurs voix
sur Figo, sans comprendre la différence entre Ballon d'Or et prix Nobel
de la paix. Dommage.

2001 - Ballon d'Or: Michael Owen / Baron d'Or: Raul
Owe
n
sort d'une année où il a tout gagné avec Liverpool, et ce quintuplé
pèse lourd dans la balance, ainsi que ses trois buts lors de la victoire
de l'Angleterre à Munich. Pas aberrant, même si parmi les titres glanés
par les Reds ne figurent ni le championnat ni la grande Coupe d'Europe,
le choix d'Owen est pourtant discutable même sans connaître la suite de
l'histoire . A 24 ans, soit seulement deux ans de plus qu'Owen, Raul
est déjà un vieux routier de la C1 et a claqué près de 200 buts avec le
Real. En 2001, il finit meilleur buteur de la Liga gagnée par le Real
avec 24 pions et plante huit fois en Champions League, atteignant les
demies-finales, pour signer une saison aussi remarquable sur le plan
statistique que les deux précédentes (66 buts en Liga et 24 en C1 sur
trois ans). Aussi précoce qu'Owen, Raul est tout simplement plus
performant. Quant à Oliver Kahn, on ne voit pas pourquoi la récompense
lui reviendrait plus qu'à Maier, Zoff ou Buffon.

2002 - Ballon d'Or: Ronaldo / Baron d'Or: Roberto Carlos
Huit b
uts
en Coupe du Monde pour offrir le titre au Brésil, et nouveau trophée
individuel pour Ronaldo. En prime, le Brésilien revient d'une série de
graves blessures, histoire de renaissance parfaite au pays merveilleux
du Ballon d'Or. Le jury nous refait le coup de Paolo Rossi vingt ans
plus tôt et récompense un joueur qui n'a joué qu'une douzaine de matches
sur la saison. Une fois de plus, la Coupe du Monde écrase tout. Car si
le meilleur joueur de la planète cette année-là est bien brésilien et
joue effectivement au Real Madrid, il s'appelle Roberto Carlos, et non
Ronaldo. Le latéral, titulaire dans plus de 60 matches au
total, multiplie les performances de premier plan et joue un grand rôle
dans la victoire du Real en C1 et de la Seleçao au Mondial. Véritable
phénomène des pelouses, Roberto Carlos était un joueur spectaculaire,
très offensif, incroyablement endurant et doté d'une légendaire frappe
de balle. Mais pour gagner le Ballon d'Or, il faut être brésilien et
attaquant ou allemand et défenseur.

2003 - Ballon d'Or: Pavel Nedved / Baron d'Or: Pavel Nedved
Pas gra
nd-chose
à dire sur le choix du Tchèque tout sauf en bois. Pour une fois que le
Ballon d'Or récompense un milieu de terrain polyvalent, à la fois
brillant et travailleur, plutôt qu'un véritable meneur de jeu ou un
serial buteur, on ne va tout de même pas faire la fine bouche. Auteur
d'une saison pleine et couronnée d'un troisième titre de champion
d'Italie avec la Juve, Nedved met tout le monde d'accord et concentre
les suffrages. Son absence lors de la finale de la Champions League face
au Milan a peut-être privé la Vieille Dame du sacre européen. Le
meilleur joueur de la meilleure équipe nationale du moment, qui aurait
largement mérité de rafler l'Euro 2004.
2004 - Ballon d'Or: Andreï Chevtchenko / Baron d'Or: Thierry Henry
App
aremment, le fait de jouer au Milan AC donne toujours cinquante points d'avance sur la concurrence au départ du vote. Si l'élection de l'Ukrainien, incontestablement un des meilleurs
attaquants de la décennie 1995-2005, ne tient pas du scandale
manifeste, elle n'est pas non plus de celles devant lesquelles on
s'incline sans broncher. En 2003-2004, Chevtchenko termine meilleur
buteur de Serie A avec 24 réalisations et gagne le titre avec Milan.
Classe. Mais Henry, également champion avec un invincible Arsenal, passe
la barre des 30 pions en Premier League et n' a rien à envier à Cheva
question régularité et constance sur les saisons précédentes. Les buts
valent-ils moins cher en Angleterre? L'Ukrainien ne dépareille pas aux
côtés de Blokhine et Belanov, mais l'idée qu'Henry puisse succéder à
Kopa, Platoche, Papin et Zidane ne paraît pas totalement farfelue.

2005 - Ballon d'Or: Ronaldinho / Baron d'Or: Ronaldinho
2006 - Ballon d'Or: Fabio Cannavaro / Baron d'Or: Samuel Eto'o
Cann
avaro
est sans doute le Ballon d'Or le plus ridicule de l'histoire et celui
qui a poussé jusqu'à l'absurde la primauté donnée à la Coupe du Monde.
S'il fallait absolument le donner à un Italien, Buffon le méritait dix
fois plus. En outre, le vrai cador de la compétition est français et
s'appelle Zinedine Zidane, magnifique contre le Brésil notamment. Mais,
sans même considérer le paramètre coup de boule, le meilleur joueur du
tournoi mondial, répétons-le, est rarement celui de la saison dans son
ensemble. Samuel Eto'o s'impose assez naturellement comme MVP 2005-2006:
26 pions en Liga et six en C1 (dont un en finale) pour sa deuxième
année sous le maillot du Barça, avec qui il gagne la Liga et la
Champions League. Le Camerounais pèse 70 buts avec son club entre 2004
et 2006. Evidemment, sa sélection n'est pas près de gagner autre chose
que la CAN. Weah Ballon d'Or, et jamais Eto'o? Une aberration pure et
simple.

2007 - Ballon d'Or: Kaka / Baron d'Or: Kaka
Ronal
do
et Messi, lauréats les deux années suivantes, commencent à semer la
panique sur tous les terrains d'Europe, Van Nistelrooy claque comme un
malade en Champions League mais le Brésilien survole littéralement la
reine des compétitions européennes, marquant à dix reprises en quinze
matches et éliminant Manchester United presqu'à lui tout seul. En prime,
Kaka, c'est l'anti-otarie: technique dépouillée, dribbles efficaces,
sobriété, altruisme. Un vrai beau joueur à l'existence pourrie par les
blessures. Francesco Totti, l'éternel oublié de ce genre de classements
et qui signe à trente berges sonnées sa plus belle saison sur les plans
individuel et statistique (26 buts en Serie A), aurait mérité une place
sur le podium. C'est sans doute trop demander.

2008 - Ballon d'Or: Cristiano Ronaldo / Baron d'Or: Cristiano Ronaldo
Une
tête
à claques, certes, mais aussi le prototype du parfait attaquant
moderne. C'est bien simple, à part son ego, le Portugais n'a pas de
point faible: il est ultra-rapide, puissant, solide, bon de la tête,
techniquement extraordinaire et né pour marquer des buts. Beaucoup de
buts. En 2007-2008, il en plante la bagatelle de 46 toutes compétitions
confondues (31 en Premier League, 8 en C1) et s'offre le doublé
championnat-Coupe d'Europe au nez et à la barbe de Chelsea. Qu'on
l'adule ou qu'on le déteste, il mérite sa place au palmarès et ajoutera
peut-être d'autres ballons dorés sur sa cheminée dans un futur proche.

2009- Ballon d'Or: Lionel Messi / Baron d'Or: Lionel Messi
Com
me celle de Barcelone, qui écrase l'Espagne et l'Europe du haut de son triplé Liga-Champions
League-Coupe du Roi, la saison 2008-2009 de Lionel Messi est tout
simplement stratosphérique. Le lutin argentin se paie même le luxe
d'achever United d'un but de la tête en finale. Xavi et Iniesta, les
deux cerveaux du milieu, n'ont sans doute pas la reconnaissance qu'ils
méritent mais on voit mal comment la récompense pourrait échapper à l'un
des deux cette année, sacre espagnol oblige. Messi va sans doute donner
des maux de tête au jury, car ses statistiques 2009-2010 sont nettement
supérieures à celles de l'exercice précédent (47 buts avec Barcelone
tout de même). Parti comme il est parti et si les blessures l'épargnent
un minimum, il risque de postuler un paquet de fois à la récompense
individuelle suprême dans les années à venir.

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