Le mond

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du football a toujours posé un regard particulier sur les gauchers,
censés être plus doués techniquement, plus créatifs, plus artistes, mais
aussi plus instables et plus fantasques. Entourés d'une aura
mystérieuse, on attend d'eux le coup de génie, la fulgurance, le geste
sublime qui fera basculer la rencontre. Les purs gauchers sont
généralement des amoureux du cuir, qu'ils aiment à caresser avec toutes
les surfaces du pied, et des manieurs de ballon hors pair qui ont un
sens inné du dribble et du contre-pied. Ils s'avèrent souvent également
d'incroyables tireurs de coups francs. La présente liste rend hommage à
ces joueurs pas comme les autres sans lesquels le jeu serait sans aucun
doute plus ennuyeux et conventionnel.
Oleg Blokhine (Ukraine/URSS, ailier, né en 1952)

Joueur
emblématique du Dinamo Kiev avec qui il a remporté deux Coupes des
Coupes à onze ans d'intervalle, Blokhine était un véritable ailier
gauche, véloce et dévoreur d'espaces, capable de chevauchées au long
cours le long de la ligne de touche. Longiligne et élégant, ce
dribbleur doté d'un superbe coup de rein provoquait balle au pied sans
relâche les défenseurs adverses et se chargeait souvent de conclure
lui-même ses actions. Car s'il multipliait les déboulés sur son côté,
l'Ukrainien savait aussi faire preuve d'une grande adresse devant le
but. Blokhine est le joueur le plus capé de l'histoire de l'URSS (112
sélections et 42 buts entre 1972 et 1988) et a marqué plus de 200 buts
en une vingtaine de saisons passées sous le maillot du Dinamo. En tant
que sélectionneur, il a atteint les quarts de finale du Mondial 2006
avec l'Ukraine.
Ryan Giggs (Pays de Galles, ailier/milieu, né en 1973)

On
ne présente plus le Gallois à la carrière émaillée de cavalcades
ravageuses, de centres parfaits et de crochets déroutants, qui est sans
doute le meilleur gaucher à avoir jamais évolué dans le championnat
anglais. A trente-sept piges, ses jambes tournent moins vite mais son
pied gauche rend encore des services à United: le physique décline, mais
la qualité technique reste. Légende vivante des Red Devils, Giggs a
disputé plus de 800 matches avec Manchester (un record), remporté onze
titres de champion et gagné deux fois la Champions League, jouant
toujours un rôle majeur dans les succès du club. Il a toujours marqué au
moins un but lors de chaque saison de Premier League depuis 1991 et
planté dans onze campagnes européennes consécutives entre 1996 et 2007.
Il fait partie de ces quelques grands joueurs à n'avoir jamais de
disputé de compétition internationale majeure, faute de défendre les
couleurs d'une sélection nationale suffisamment compétitive.
Gheorghe Hagi (Roumanie, milieu de terrain offensif, né en 1965)

Celui
que l'on a surnommé "le Maradona des Carpates", et qui fit les beaux
jours du Steaua Bucarest à la fin des années 80, est le prototype
du gaucher imprévisible et capricieux, capable sur un coup de patte de
faire la différence pour son équipe. Joueur surdoué mais terriblement
irrégulier, il était capable de traverser des saisons entières dans
l'anonymat le plus complet avant de sortir de sa boîte, comme lors du
Mondial 1994 où il se rappela au bon souvenir de la planète football
après deux années ternes à Brescia. Rarement aussi brillant qu'avec la
sélection roumaine, dont il est le meilleur buteur, Hagi n'a réussi à
s'imposer ni au Real ni au Barça mais est devenu sur la fin de sa
carrière l'idole des bouillants supporters de Galatasaray. Pas
spécialement rapide, trapu, court sur pattes et plutôt sujet à
l'embonpoint, il était en revanche d'une habileté rare balle au pied et
capable d'offrandes géniales à ses coéquipiers. Véritable héros national
en Roumanie, Hagi a aussi bâti sa légende sur ses incroyables coups
francs, qui ont fait remuer nombre de filets en près de vingt ans de
carrière.
Diego Maradona (Argentine, milieu offensif/attaquant, né en 1960)

Inutile
de revenir ici sur la carrière, les frasques, les exploits et les
ratés du Pibe de Oro, toujours omniprésent médiatiquement et que les
caméras ne manquent jamais de dénicher dans les tribunes d'un stade
quelconque semaine après semaine. Contentons-nous de rappeler que sur
l'action du fameux "but du siècle" contre l'Angleterre en 1986, Maradona
se sert exclusivement de son pied gauche. Il effectue d'abord trois
touches géniales pour pivoter à toute vitesse et se sortir du marquage,
élimination initiale qui lui permet de se tourner vers le but et
d'accélérer. Pour attaquer la défense de front, il garde le ballon collé
sur l'extérieur du pied, dont il use pour mettre dans le vent le
premier défenseur, avant de revenir sur l'intérieur pour se débarrasser
du dernier joueur de champ et de Shilton, puis de pousser la balle au
fond. A lui seul, ce slalom très spécial suffit à lui offrir une place
dans cette sélection.
Lionel Messi (Argentine, attaquant, né en 1987)

Est-il
trop tôt pour considérer que Messi fait d'ores et déjà partie des
meilleurs gauchers de l'histoire du jeu? Sans doute pas. Match après
match, le pied gauche magique de l'Argentin, combiné à un vitesse
d'éxécution hors normes, matyrise les défenses de la Liga et des
adversaires européens du Barça. Sa souplesse de cheville lui permet de
changer de direction en un clin d'oeil et de trouver la faille dans des
espaces apparemment fermés, et sa justesse technique devant le but est
diabolique: pichenettes, ballons enroulés à mi-hauteur, frappes sèches à
ras de terre, plats du pied tranquilles, tout le registre y passe. Le
tir de loin manque certes à son arsenal, mais il est tellement décisif
dans la zone de vérité qu'il peut largement se permettre de s'en passer.
Insaisissable et inspiré, le lutin argentin a franchi la barre des
cent buts marqués en Liga à seulement 23 ans. S'il continue sur son
rythme actuel, il est parti pour planter plus de quarante pions en
championnat cette saison. Epoustouflant.
Ferenc Puskas (Hongrie, attaquant, 1927-2006)

Puskas
formait avec Sandor Kocsis un duo extraordinaire en attaque au sein du
fameux onze d'or hongrois qui domina le football européen pendant les
années cinquante, fut notamment la première équipe à battre l'Angleterre
à Wembley (6-3, doublé de Puskas) et aurait dû remporter la Coupe du
Monde 1954. Buteur insatiable de l'hégémonique Real Madrid de Di
Stefano, Gento et Kopa, le Hongrois remporta la Coupe d'Europe des Clubs
Champions à trois reprises et claqua un mémorable quadruplé en finale
contre l'Eintracht Francfort en 1960. Il gagna également quatre fois le
championnat d'Espagne dont il fut à plusieurs reprises le meilleur
buteur. Certes, c'était une autre époque et un autre football, bien plus
ouvert et aéré qu'aujourd'hui, mais les statistiques du Major Galopant
donnent le tournis: 84 buts en 85 sélections et près de 250 en 370
matches avec le Real. Et ces chiffres ne suffisent même pas à rendre
compte de l'influence sur le jeu de ce pur gaucher. Tout simplement un
des plus grands joueurs de l'histoire.
Gigi Riva (Italie, attaquant, né en 1944)

Luigi
Riva, dit "Gigi", fut avec Gianni Rivera et Roberto Boninsegna, son
partenaire d'attaque en club, un des meilleurs attaquants italiens des
années 60 et 70. Moins créateur que les autres élus de cette sélection,
Riva était avant tout un joueur de surface et un grand buteur, doté
d'une belle frappe de balle. Il passa la quasi-intégralité de sa
carrière à Cagliari, avec qui il finit trois fois meilleur buteur du
championnat, jouant un rôle décisif dans la conquête du premier et
unique titre de champion du club en 1970. Champion d'Europe 1968 avec
l'Italie et élu dans l'équipe du tournoi, Riva a disputé deux Coupes du
Monde, marquant notamment un but en prolongations dans la demie-finale
mythique de 1970 contre l'Allemagne. Gigi Riva est encore à ce jour le
meilleur buteur de l'histoire de la Squadra Azzura, avec ses 35 pions
plantés en 42 sélections seulement.
Roberto Rivelino (Brésil, ailier/milieu, né en 1946)

Aussi
célèbre pour sa moustache fournie que pour avoir inventé le filp-flap,
geste technique dont sont aujourd'hui friands bon nombre de dribbleurs,
Rivelino est considéré comme un des meilleurs joueurs de l'histoire de
la Seleçao, au sein duquel il fut sélectionné à 92 reprises. Titulaire
indiscutable de l'équipe du Brésil sacrée championne du monde en 1970 et
souvent considérée comme la meilleure sélection de tous les temps, il a
passé toute sa carrière au pays, jouant sous le maillot des Corinthians
puis de Fluminense. Fin dribbleur, Rivelino possédait également une
frappe de mule et terrorisait les gardiens sur ses coups francs tapés en
force, ce qui lui valut le surnom de "Patada Atomica" lors du Mondial
mexicain. Rare mélange de puissance et de grâce, le Brésilien était un
joueur complet et polyvalent qui contribua grandement à porter le Brésil
vers les sommets.
Hristo Stoichkov (Bulgarie, attaquant, né en 1966)

Tête
de lard, râleur invétéré, roublard des pelouses, plongeur occasionnel,
Stoichkov était aussi et surtout un grand attaquant et un des plus purs
talents que l'ancien bloc de l'Est ait donné au football. S'il pouvait
marquer des deux pieds et dans toutes les positions imaginables, ce
chasseur de buts avait une prédilection certaine pour son pied gauche
quand il s'agissait de frapper les coups francs, exercice où il était
loin d'être maladroit, comme pourrait en attester Bodo Illgner. Sans le
rendement exceptionnel de Stoichkov, meilleur buteur de la compétition
avec six buts, il est à peu près certain que la Bulgarie n'aurait jamais
atteint le dernier carré de la Coupe du Monde 1994. Sous la houlette de
Johan Cruyff, qui sut parfaitement gérer ses excès et l'insérer dans le
collectif, Stoichkov remporta la Liga quatre fois consécutivement au
début des années 90 et la Champions League en 1992. Un personnage haut
en couleurs, admirable pour certains, insupportable pour d'autres, mais
dont la carrière fait l'unanimité.
Chris Waddle (Angleterre, ailier, né en 1960)

Outre
le fait qu'il arborait une improbable nuque longue copiée avec plus ou
moins de réussite par une pléthore de collégiens français au début des
années 90, Chris Waddle est un des joueurs étrangers les plus attachants
et les plus doués à avoir jamais foulé les pelouses du championnat de
France. Arrivé de Tottenham en 1989, l'Anglais enchanta le Vélodrome
pendant quatre saisons, formant avec Abedi Pelé et Papin un superbe trio
qui emmèna l'OM en finale de Coupe d'Europe. Maigre et dégingandé,
Waddle était un faux lent capable de belles accélérations et qui mettait
un point d'honneur à s'amuser sur un terrain, quitte à verser parfois
dans la provocation gratuite et le one-man show. Dribbleur génial et
redoutable tireur de coup francs, c'est pourtant du pied droit qu'il
marqua son but le plus important sous le maillot marseillais, en quart
de finale de la Champions League face au Milan AC en 1991.
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