post-labels {display: none}

samedi 10 janvier 2015

Rudi Garcia, l'homme pressé

Exception faire d'Arsène Wenger, devenu presque aussi anglais qu'alsacien après vingt années passées au royaume de Sa Gracieuse, Rudi Garcia est aujourd'hui le seul technicien français à entraîner une grosse cylindrée étrangère. Le fait que la Roma soit venue l'arracher à son cher LOSC l'été dernier souligne si besoin était la remarquable qualité de son travail hexagonal, couronné par un titre de champion en 2011, et démontre que nos voisins peuvent faire confiance à un entraîneur français, pourvu qu'il ait des convictions intimes et profondes, une vision précise du jeu qu'il souhaite mettre en place et les idées claires sur le plan tactique.

Il ne faut guère s'étonner que la Ligue 1, l'univers sclérosé du "bien en place", le règne du bloc-équipe, le terrain de la non-expression et de la prise de risque zéro, ne parvienne pas à exporter davantage d'hommes de banc. On ne voit pas pourquoi les grands clubs européens feraient les yeux doux à Alain Casanova, Claude Puel ou Willy Sagnol. Et même à Laurent Blanc, à vrai dire, malgré ses conceptions nettement plus joueuses que celle de la moyenne de ses pairs.


Vous me rétorquerez, pertinent lecteur point trop abimé par les célébrations de fin d'année, que la Roma ne joue pas dans la même cour que le Barça ou le Real, le Bayern, le trio City-Chelsea-MU et même la Juve en termes de moyens, d'effectif et d'image. Certes, mais le club, au même titre que la Fiorentina, a toujours été soucieux d'incarner une certaine idée du jeu, offensive, flamboyante et la plus dénuée de calcul possible, une noble tradition que l'arrivée de Garcia permet de perpétrer.

L'allenatore fait jouer sa Roma comme il faisait jouer son LOSC, en 4-3-3, en misant sur la vitesse de Gervinho et Iturbe sur les côtés, l'intelligence de Totti dans ses déplacements, et un milieu farci d'hommes à tout faire (De Rossi, Strootman, Keita, Nainggolan) au service des maestri Pjanic et Ljajic, ce dernier venant semble-t-il malheureusement de se blesser gravement au genou. La complémentarité des différents éléments dans l'entrejeu et les combinaisons possibles évoquent fortement le trio Mavuba-Cabaye-Balmont de l'époque lilloise, et les coups de main récurrents que pouvaient donner des joueurs comme Obraniak ou Gueye. Les dirigeants romains ont clairement perçu que Garcia pouvait appliquer avec succès le même modèle en Serie A.


La première année de Garcia en Italie fut un franc succès et a replacé la Roma sur le devant de la scène nationale. Cette saison, le Français a souvent surpris les médias italiens en clamant haut et fort sa volonté de gagner le titre, parfois de manière agressive, gonflé à bloc par l'arbitrage du choc de Turin, répétant à l'envi que sa Roma était la meilleure équipe de la botte et comptait bien le prouver. Or Garcia n'appartient pas à la race des communicants, mais plutôt à celle des hommes de terrain, qui posent les quilles sur la pelouse à l'entraînement et ne s'intéressent qu'aux progrès de leurs ouailles. S'il dit viser le Scudetto, c'est qu'il pense sincèrement ses joueurs capables de le décrocher.

L'été dernier, il n'a pas demandé à ses patrons de sortir le chéquier pour faire signer un cador, mais a surtout cherché à étoffer son banc et se donner le plus d'options possibles, d'où les signatures de Yanga-Mbiwa, Cole, Keita, Salih Uçan et Iturbe. Sur le papier, l'effectif giallorosso paraît moins impressionnant que celui dont dispose Allegri à Turin, mais il est sans doute plus homogène, complet et cohérent. Si le onze-type de la Juve est incontestablement supérieur à celui de la Roma, la profondeur de banc dont s'est doté Garcia pourrait faire la différence sur la durée.


A deux journées du terme de la phase aller, la Roma ne compte qu'un petit point de retard sur la Juve et présente un bilan plus que satisfaisant: 39 points en 17 journées, 12 victoires dont 5 à l'extérieur et seulement 11 buts encaissés, ce qui fait d'elle la deuxième meilleure défense du championnat. Là encore, on tend à oublier que le LOSC 2010-2011 n'avait concédé que 36 pions et avait terminé meilleure défense derrière Marseille. La Roma version 2014-2015 marque moins que la Juve, la Lazio et Naples, mais les chiffres tendent à prouver que Garcia est parvenu à donner une réelle assise et un équilibre à l'équipe.

Rappelons simplement que lors de la saison précédant son arrivée dans la capitale italienne, les partenaires de Totti avaient fini à la septième place en encaissant pas moins de 56 buts, soit davantage qu'une équipe comme Palerme, reléguée en fin d'exercice. Toujours agréable à regarder et naturellement portée vers l'avant, la Roma de Garcia dégage aussi énormément de sécurité et de sérénité et offre beaucoup de garanties, malgré le naufrage collectif face au Bayern en Champions League.


La saison dernière, la Juventus avait été sacrée championne dans un fauteuil, avec 17 points d'avance sur son dauphin. S'il sera très compliqué de l'empêcher de succéder à elle-même, la Roma paraît armée pour lutter jusqu'au bout. A Udine, à l'occasion de la dernière journée, Garcia a enfin pu titulariser Kevin Strootman, blessé depuis neuf mois. On parle quand même d'un joueur dont le forfait pour le Mondial a incité Van Gaal a changer de système et qui est en quelque sorte la clé de voûte du 4-3-3 romain. Très convoité, le milieu néerlandais semble décidé à rester, sensible semble-t-il à l'attention et la patience de ses dirigeants pendant sa longue indisponibilité.

En outre, à la différence de l'an dernier, la Juve pourrait laisser de l'énergie en Champions League, dont elle pourrait même voir les quarts de finale, l'obstacle Dortmund ne semblant pas infranchissable pour elle. Quelque part, on souhaite à Garcia de réussir son pari. Depuis 2001 et le dernier titre giallorosso, le Scudetto n'a plus échappé à l'Inter, au Milan ou à la Juve, et une petite bouffée d'air frais ne ferait pas de mal.

1 commentaire:

  1. Garcia est, à n'en pas douté, le meilleur entraîneur français en ce moment. Y a un peu de Klopp dans ce mec-là!

    RépondreSupprimer