Véritable chasseur de buts, instinctif, combatif, pas follement doué techniquement, particulièrement adroit dans la surface, Lautaro Martinez, si l'on doit le comparer à d'autres attaquants argentins actuels, n'a pas l'élégance ou le sens du dribble d'un Dybala, la présence féline d'un Icardi ni la finesse technique d'un Julian Alvarez, mais il possède ce don inné pour le but qui ne s'apprend pas et flaire le pion comme personne. Pas maladroit dans le jeu aérien pour un joueur de son gabarit (1,79m pour 72 kg), il n'a pas son pareil pour conclure les contre-attaques ou couper les centres d'un tacle rageur. Il ne faut guère compter sur lui pour passer en revue la défense adverse, régaler le public de sucreries techniques ou combiner subtilement dans les petits périmètres, mais quand il s'agit de la mettre au fond, il n'y a pas beaucoup de meilleurs finisseurs que lui sur le continent (citons Harry Kane, qui évolue dans un autre registre, ou Erling Haaland, davantage dévoreur d'espaces que lui). Avec Marcus Thuram, auteur d'une première saison convaincante sous le maillot nerazzuri et fournisseur officiel de l'Argentin en passes décisives, il forme un duo d'attaquants à l'ancienne qui allie puissance et rapidité, taille et agilité, vitesse et réalisme. A Thuram la profondeur et les courses ballon au pied, à Martinez la suprématie totale dans les seize mètres.
On entend déjà persifler les mauvaises langues qui ne manqueront pas d'évoquer son Mondial 2022 totalement raté, lui qui n'a pas réussi à planter le moindre but au Qatar, a franchement vendangé quelques occasions nettes et est resté bien loin des standards affichés par le tandem Messi-Alvarez et ses onze réalisations. A ceux-là nous répondrons que si la Coupe du Monde reste assurément le terrain de jeu des plus grands (Pelé, Cruyff, Beckenbauer, Platini, Maradona, Lineker, Romario, Zidane, Messi), elle a aussi consacré quelques étoiles filantes qui ont marché sur l'eau le temps d'un Mondial et sont rentrés dans le rang par la suite (Schilacci, Salenko, Owen dans une moindre mesure). Le malheureux Lautaro Martinez s'est montré sous son plus mauvais jour lors du dernier Mondial, passant pour un attaquant indigne de ses prestigieux prédécesseurs que sont Higuain (pas le dernier pourtant à se vautrer lors des matches décisifs), Crespo, Batistuta ou Caniggia, alors que son rendement personnel en sélection est plutôt satisfaisant (20 buts en 54 sélections). Il a sans doute souffert de l'omnipotence de Messi au sein de l'Albiceleste, une équipe entièrement dévouée au service de son petit génie de capitaine qui n'a pas forcément cherché à le mettre dans les meilleurs conditions, d'autant que le numéro 10 argentin ne possède pas un profil de playmaker tourné vers les autres comme pouvaient l'être Riquelme ou Ortega.
Pour véritablement marquer les esprits et rejoindre le gotha des meilleurs attaquants de la planète, Martinez devra avant tout se montrer décisif avec son club en Champions League, où l'Inter peut à nouveau afficher de belles ambitions (qui à part peut-être City peut se targuer d'être supérieur au club milanais sur le papier?), et réussir une grande Copa America 2024 aux Etats-Unis, au cours de laquelle il sera l'un des atouts majeurs de l'Argentine. Pour l'instant, son manque d'efficacité dans les grands rendez-vous (deux buts seulement sur la scène européenne cette saison et trois lors du dernier exercice) ne fait que donner du grain à moudre à ses détracteurs (et oui il existe des pauvres types qui n'ont que ça à foutre de leur vie que de critiquer les attaquants argentins en manque de buts) qui pensent que son petit talent se limite à planter contre Monza, Frosinone et Vérone. Son entraîneur Simone Inzaghi a récemment déclaré que l'évolution de son joueur âgé de 26 ans lui rappelait celle de Ciro Immobile à la Lazio, même si un destin similaire à celui du buteur romain, qui n'a jamais vraiment réussi à faire parler de lui en dehors des frontières de la botte, ne semble pas un futur souhaitable pour Lautaro Martinez, qui doit désormais marcher dans les pas de ses glorieux aînés cités plus haut et jouer, pourquoi pas, le Ballon d'Or au coude à coude avec les Haaland, Kane, Vinicius (Dieu nous en préserve) ou Mbappe.
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