On entend souvent dire que la Premier League serait le meilleur
championnat de la planète. De par son histoire (après tout, le
football a bien été inventé et codifié en Angleterre), son
prestige et les vedettes qui l’animent, le championnat anglais est
devenu une sorte de cirque géant mondialisé, un immense show
médiatique, un Barnum du football que toutes les télévisions du
monde s’arrachent à prix d’or (il est révélateur qu’une
chaîne comme Canal Plus diffuse désormais davantage de rencontres
de Premier League que de matches de Ligue 1). Longtemps confinée à
une affaire d’Anglais entre eux (les Zola, Vialli, Cantona et
Ginola étaient des pionniers outre-Manche dans les années 90), la
Premier League s’est au fil du temps muée en une sorte d’Eldorado
pour tout joueur de classe mondiale, et ses joutes entre cadors du
ballon rond passionnent la planète. Les droits TV colossaux dont
bénéficient ses pensionnaires ainsi que l’apparition de capitaux
étrangers confèrent aux clubs anglais une puissance financière
unique que seuls sont en mesure de concurrencer les très gros
budgets du football européen. Ainsi, n’a-t-on pas vu Chelsea,
actuellement neuvième du classement et qui ne remportera aucun titre
cette saison, claquer des centaines de millions en transferts sur des
joueurs comme Mudryk ou Caicedo ? United, en grande difficulté
depuis plusieurs années, s’est montré très actif sur le marché
des transferts en recrutant Bruno Fernandes, Maguire, Eriksen, Antony
ou Höjlund. City a pu s’offir les prometteurs Doku et Gvardiol
pour la modique somme de 150 millions d’euros, tandis que Liverpool
s’est adjoint les services de Darwin Nunez pour 100 millions en
2022. Toutes les conditions sont réunies pour offrir un spectacle
haut de gamme, d’autant que l’Angleterre a su attirer
quelques-uns des plus grands techniciens de la planète comme
Guardiola, Klopp, Emery ou De Zerbi. Pour autant, la Premier League
reste-t-elle le meilleur championnat actuel ?
Si l’on se fie aux
récents résultats en Coupe d’Europe, la réponse est clairement
non, et à ce titre, la double confrontation entre City, champion en
titre, et le Real, s’est avérée révélatrice. En tombant dans
une caricature de lui-même, City s’est cassé les dents sur un
Real ultra-réaliste et chanceux, comme à son habitude (deux buts
sur des frappes contrées à l’aller, un pion sur l’unique
occasion au retour avec une frappe de Rodrygo renvoyée directement
par Ederson sur l’attaquant brésilien). Parfois brillants à
Bernabeu, les hommes de Guardiola n’ont fait que multiplier les
passes jusqu’à la nausée à l’Etihad, ne tentant jamais la
moindre frappe hors de la surface et échouant à trouver dans de
bonnes conditions un Haaland totalement invisible et démuni sur
attaque placée. Affligeant de manque d’ambition et vicelard à
souhait à l’image d’un Carvajal détestable et dans tous les
mauvais coups, le Real s’est contenté de garer le bus devant la
cage de Lunin une fois l’ouverture du score acquise, et cela a
suffi pour mettre City face à ses faiblesses et carences, à savoir
essentiellement une inefficacité chronique face à des blocs
resserrés. Malgré les éclairs de De Bruyne, les fulgurances trop
rares de Foden, les passes en retrait de cinq mètres de Grealish et les timides tentaitves d’un Bernardo Silva
timoré, les Citizens n’ont pas réussi à faire sauter le verrou
madrilène et dès lors, lorsqu’on connaît la réussite madrilène
en Champions League, la messe était dite. La saison dernière, les
Skyblues avaient humilié les boys d’Ancelotti, et il est clair
qu’ils ne se situent pas au même niveau cette année. Ce City
version 2024 ne vaut pas celui de 2023, mais est-il pour autant
inférieur au Real ? Peut-être pas, mais le voilà sorti de la
compétition, comme on pouvait malheureusement s’y attendre (nous
ne dissimulerons pas notre anti-madridisme primaire et notre
détestation d’un club qui ressemble furieusement à une
malédiction annuelle).
Clairement favori
face à un Bayern largué en Bundesliga, Arsenal a échoué dans sa
mission de rallier les demi-finales. Très naïve au match aller et
prise en contre par la vitesse d’un Sané intenable, l’équipe
d’Arteta n’a pas existé à l’Allianz Arena, ne se créant pas
la moindre petite occasion. Son milieu a été bouffé par Goretzka
et son attaque annihilée par une charnière centrale bavaroise
pourtant faiblarde sur le papier. Organisé en 4-5-1 avec Mazraoui et
Kimmich en latéraux derrière la paire Sané-Guerreiro et avec
Musiala, Laimer et Goretzka dans l’axe de l’entre-jeu au soutien
de Kane, le Bayern a parfaitement contrôlé la fougue offensive des
Gunners, meilleure attaque de Premier League, maîtrisant Saka,
limitant l’influence d’Odegaard et réduisant Havertz au silence,
ce qui il est vrai n’est pas très difficile (nous avons nos têtes
de turc à LPC et l’Allemand en fait clairement partie). Comment ne
pas parler de fiasco lorsque l’on prétend jouer le titre en
Angleterre, que l’on se présente avec la meilleure attaque et
défense du Royaume face à un Bayern largement détrôné par
Leverkusen, qui a trouvé le moyen de s’incliner face à
Sarrebruck, Bochum et Heidenheim et a éprouvé toutes les peines du
monde à éliminer la Lazio ? Les Bavarois n’avaient plus
atteint le dernier carré de la compétition depuis 2020 et le sacre
face au PSG, et on pouvait légitimement penser qu’ils allaient se
faire sortir par Arsenal, un adversaire qui toutefois leur avait
plutôt bien réussi par le passé. Avec l’élimination de City, il
s’agit d’un autre camouflet pour la Premier League, qui n’a
plus un représentant en course dans la grande Coupe d’Europe.
Et que dire de
Liverpool ? Trop confiant sans doute, Klopp, qui n’a jamais
gagné la Ligue Europa, a allègrement fait jouer les coiffeurs à
Anfield contre l’Atalanta (pas de Robertson, d’Alexander-Arnold,
de Szoboszlai, de Nunez, de Diaz ou de Salah au coup d’envoi) et
pris une rouste à la maison, ouvrant par là-même une voie royale
pour l’OM jusqu’à la finale. Si le technicien allemand n’avait
pas pris ce match par-dessus la jambe, les Reds, vainqueurs à
Bergame, se seraient sans doute qualifiés et nous ne serions pas en
train de serrer méchamment les fesses en priant pour que les
Italiens fassent le boulot contre Marseille (in Gasperini and
Scamacca we trust, et heureusement il reste encore une AS Roma
talentueuse et un Leverkusen invaincu pour barrer la route à l’OM
au cas où en finale). Comme Arsenal, Liverpool finira sur le podium
de Premier League, et voir un membre régulier du big four se faire
piteusement sortir par le sixième de Serie A fait sérieusement
mauvais genre, d’autant que les joueurs de Klopp demeuraient
invaincus à domicile depuis 33 matches. Et le pire dans l’histoire,
c’est que Klopp a pleinement assumé d’avoir fait tourner face à
l’Atalanta pour mieux préparer le match contre Crystal Palace en
championnat, match finalement perdu par les siens à Anfield et qui a
sévèrement plombé ses chances de titre dans le sprint final. On
peut se demander pourquoi le coach des Reds a sciemment balancé la
Ligue Europa à la benne, alors que ses joueurs ne devraient
remporter aucun trophée cette saison si ce n’est une malheureuse
Carabao Cup.
Les résultats des
autres équipes anglaises engagées en Coupe d’Europe ne sont guère
plus brillants. Logiquement, West Ham s’est fait éliminer par un
invincible Bayer Leverkusen, espérons-le et prions le seigneur futur
vainqueur de la compétition (ceci dit si la Roma en colle trois à
l’OM en finale nous ne viendrons pas pleurer). Comme toujours, les
hommes de Xabi Alonso ont fait la différence en fin de match à
l’aller par Hofmann et Boniface avant d’égaliser dans les
dernières minutes par Frimpong à Londres. Aston Villa, actuel
quatrième de Premier League, a souffert mille morts pour sortir le
LOSC en Ligue Europa Conférence, ne devant sa qualification qu’aux
exploits de son inénarrable gardien Emiliano Martinez, bourreau de
la France en finale de Coupe du Monde. Si l’on ajoute à ce sombre
tableau que United et Newcastle ont fini derniers de leur groupe en
phase préliminaire de Champions League et ont donc dit adieu à
l’Europe dès le mois de décembre et que Brighton s’est fait
surclasser par la Roma en Ligue Europa, on peut dire que les temps
sont durs pour les clubs de Premier League et que le déclassement
guette sérieusement. Parmi les dix premiers du classement anglais,
seul Aston Villa reste en lice dans la plus modeste des épreuves
européennes, sachant que Chelsea et Tottenham jouent seulement sur
la scène domestique cette saison. Le bilan est bien maigre pour un
championnat que l’on qualifie souvent de plus compétitif du monde,
mais on peut assurément encore compter sur Canal Plus pour nous
vendre joliment le produit.
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